Kesra Nouschirwan

Le Kaïsar envoie un écrin fermé et Buzurdjmihr est mis en liberté pour en deviner le secret

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Or il arriva que vers ce temps le Kaiser envoya un messager auprès du roi, avec des présents, une lettre, une offrande d’or et un écrin fermé par un cadenas et lui fit dire :

Ô roi des braves et des nobles !

Tu as beaucoup de Mobeds au cœur pur ; dites-moi, mais sans toucher au cadenas, ce que contient cet écrin ; si vous le devinez, j’enverrai le tribut, et, en sus, de riches présents, comme c’est

ma coutume ; mais si l’esprit de les Mobeds ingénnieux ne parvient pas à découvrir ce que j’exige,.il une faut pas que le roi nous demande un tribut ni qu’il envoie une armée dans ce royaume.

Voici le message du Kaïsar ; toi, réponds ce que tu veux. »

Le roi du monde dit à l’envoyé :

Cela aussi n’est pas un secret pour Dieu et je le découvrirai par nia grâce ; je rassemblerai tous les hommes qui pourront donner de bons avis.

Reste ici chez nous une semaine en jouissant de la .vie en toute liberté et le cœur en joie. »

A Le roi était embarrassé de cette affaire ; il convoqua les grands et les savants et chacun examina de tous côtés ce mystère, cherchant à en trouver la solution ; chaque Mobed regarda et examina cette cassette et ce cadenas sans clef ; mais ils furent loin de comprendre et durent se contenter d’avouer leur ignorance.

En face de cette impuissance de l’assemblée, le cœur du roi Nouschirwan fut plein de chagrin ; il se dit :

Il n’y a que la sagacité de Buzurdjmihr qui puisse découvrir ce secret du ciel qui tourne,»

Le roi, tourmenté parles soucis, ordonna au trésorier . d’apporter du trésor un vêtement complet et d’amener un cheval de choix, avec une selle digne de servir de siège au roi des rois.

Il les envoya au sage et lui fit dire :

Il faut oublier toutes les peines que tu as éprouvées ; la rolationdu ciel au-dessus de nous a voulu que tu eusses à souffrir du mal de ma part, mais ta langue m’a exaspéré et tu as sévi contre toiménie.

Maintenant il m’arrive me affaire urgente et mon vieux cœur en est blessé.

Le Kaïsar m’a envoyé du Roum par un Mobed illustre dans son pays un écrin dont le couvercle est fortement fermé par un cadenas et un sceau de musc et a ce ordonné à son messager de me dire que nous avions à découvrir ce secret et que les savants et les Keïanides avaient à déclarer ce que contenait cet écrin.

Alors j’ai pensé qu’il n’y avait que l’esprit de Buzurdjmihr qui pouvait pénétrer ce mystère. »

À ces paroles, le cœur de Buzurdjmihr rajeunit et oublia sespeinés et ses longs chagrins ; il sortit de sa prison, se lava la tête et le corps et s’adresse avant tout à Dieu, le Seigneur, car il avait peur du mal que, malgré son innocence, pouvait lui faire le roi, le maître courroucé du monde.

Il se tint éveillé pendant le jour et la nuit sombre, comme le lui avait fait dire le roi.

Lorsque le soleil commença à ?

Briller au ciel, Buzurdjmihr observa les astres, lava les yeux de son cœur avec l’eau de l’intelligence, choisit parmi les savants un homme sûr et lui dit :

Mes alIaires vont mal parce que ces infortunes ont rendu troubles mes yeux ; observe les personnes que nous rencontrerons, indique-les-moi, ne crains personne et demande leurs noms. »

Buzurdjmihr se mît en route de sa maison ; une femme belle de visage passa en courant.

L’homme intelligent, qui

Avait la vue bonne, indiquait au sage ce que celui-ci ne pouvait pas voir et Buzurdjmihr, qui cherchait la voie qu’il aurait à suivre, dit à son interlocuteur :

Informe-toi si cette lune a un mari. »

La femme aux pans de robe purs répondit à cette question :

J’ai un mari et un enfant à la maison. »

Et à ces pal roles de la femme, le sage sur son cheval blanc fut saisi d’émotion.

Dans ce moment une autre femme parut, et.le guide en la voyant lui demanda :

Ô femme !

As-tu un mari et un enfant, ou vis-tu seule et n’as-tu en main que du vent ? »

Elle répondit :

J’ai un mari, mais pas d’enfant et puisque je t’ai répondu, ne t’arrête pas devant moi. »

Au même moment parut une troisième femme et le bienveillant serviteur s’approcha d’elle et lui adressa cette question :

et Qui est ton compagnon, ô femme au beau visage, qui marches si bien et si fière ? »

Elle répondit :

Je n’ai jamais eu de mari et je ne voundrais pas qu’un mari vît mon visage. »

Buzurdjmihr écouta ces paroles et tu vas voir quelles conclusions il en tirait. soucieux et lorsqu’on eut amené cet homme ingé- Il continua sa route en toute hâte et le visage tout nieux chez le roi, Kesra lui ordonna de s’approcher du’trône et le cœur du roi fut fort troublé quand il s’aperçut que le savant avait perdu la vue et il en poussait des soupirs.

Il s’excuse de ce qui s’était passé et du mal qu’il avait fait à un innocent, puis. il se mit à parler du Roum et du Kaîsar et raconta l’histoire de l’écrin et du cadenas.

Buzurdjmihr dit au roi du monde :

Puisses-tu briller aussi longtemps que tourne le ciel !

Il faut réunir en assemblée les sages, l’envoyé du Kaiser et les Mobeds, placer l’écrin devant le roi et devant les grands qui cherchent la vraie voie et par la grâce de Dieu qui m’a donné de l’intelligence et a assigné comme fonction à mon esprit la droiture, je dirai ce que contient l’écrin, sans toucheràl’écrin ni au cadenas.

Quoique ma vue soit trouble, mon esprit voit clair, car la science forme une cuirasse pour l’âme. »

Le roi fut heureux de ces paroles, son cœur devint frais comme une rose au printemps ; libre de soucis, il redressa sa taille, fit venir l’envoyé et l’écrin, appela les Mobeds et les nobles, fit asseoir devant le sage un grand nombre de savants et demanda à l’envoyé de répéter le message de son maître et de poser sa question.

Le Roumi, l’ayant écouté, se mit à parler et reproduisit toutes les paroles du Kaîsar :

Il faut que le maître du monde, victorieux dans les combats, ait de l’intelligence, du savoir et un nom glorieux ; or tu possèdes la majesté et la puissance d’un maître du monde, tu as de la grandeur et du savoir, ta main est forte ; les Mobeds pleins d’intelligence et qui cherchent la vraie voie, les héros pleins de hauteur qui se groupent autour du roi, se trouvent tous à la cour, ou, s’ils sont loin de toi, te sont dévoués.

Si ces grands à l’esprit éveillé regardent cet écrin, ce cadenas, ce sceau et cette empreinte, ils nous diront clairement ce qu’il y a de caché dessous et ce sera une preuve de leur intelligence et nous enverrons en conséquence un tribut et des redevances, car mon pays est en état de payer un tribut.

Mais s’ils ne devinent pas complétement ce secret, alors ne demandez plus de tribut à ce pays. »

Lorsque le savant eut. entendu ce discours du Roumi, il prit la parole et commença par répandre des bénédictions, disant :

Puisse le roi du monde être toujours heureux, intelligent et compagnon de la fortune !

Grâces soient rendues au Maître du soleil et de la lune qui montre la voie à l’intelligence, qui connaît tout ce qui est apparent et secret !

Je suis avide de savoir, mais Dieu n’a besoin de rien.

Il y a dans cet écrin trois perles brillantes, cachées sous plus de trois enveloppes : l’une est percée, la seconde percée d’un côté et la troisième n’a pas été touchée par le fer. »

Le savant Roumi l’écouta, donna la clef et Nouschirwan regarda : il se trouva qu’on avait caché dans l’écrin une boite qui contenait une enveloppe de soie renfermant trois perles telles que le sage de l’Iran les avait décrites, l’une d’elles étant percée, l’autre percée à moitié, la troisième intacte.

Tous les Mobeds bénirent cet homme savant et répandirent des joyaux sur lui ; le visage du roi des rois brillait, il remplit la bouche de Buzurdjmihr de perles de belle eau ; mais son cœur se serra au souvenir du passé ; il se tordit et ses traits se contractèrent, quand il réfléchit comment il avait pu traiter si cruellement cet homme, dont il n’avait reçu que des preuves de dévouement et de fidélité.

Quand le sage vit les joues pâles du roi, quand il, vit que son esprit était troublé par le souci, il mit au jour ce qui avait été caché et parla à Kesra de ce qui s’était passé, du bracelet, de l’oiseau noir, de l’inquiétude que son serviteur avait éprouvée et du sommeil du roi, ajoutant :

C’était l’effet de la destinée et le repentir et le chagrin ne Servent à rien.

Quand le ciel veut le mal ou le bien, qu’y peuvent le roi, le Mobed ou Buzurdjmihr ?

C’est Dieu qui en a répandu la semence sur les astres et il faut en écrire le décret sur nos fronts.

Que le cœur du roi Nouschirwan soit heureux, qu’il soit toujours libre de douleur et de souci !

Si puissant que soit le roi, il appartient au Destour d’être l’ornement de la cour.

Que le roi se livre aux chasses et à la guerre ou à la joie, aux libéralités, à la distributiim de la justice et aux banquets, qu’il sache ce que les rois ont fait avant lui et qu’il règle ses plans à leur exemple ; mais que le soin de remplir les magasins, de maintenir l’armée, de réprouver, de.parler, d’écouter ceux qui demandent LEt justice, les soucis du gouvernement et du trésor, pèsent sur le cœur et l’esprit du Destour ! ».

Dernière mise à jour : 31 déc. 2021