Kesra Nouschirwan

Sur la manière de gouverner de Nouschirwan

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Il en fut ainsi jusqu’à la fin des jours de Nouschirwan ; il était roi et était Pehlewan, il était homme de guerre et était MObed, il était Hirbed et était chef de l’armée.

Il avait partout des émissaires et n’abandonnait pas l’empire à ses Destours et personne n’osait lui cacher les grandes et les petites chases, le bien et le mal qui se faisaient dans le monde.

Or un jour un de ses émissaires, un Mobed bienveillant, se présenta chez lui et lui dit :

Quelquefois tu passes par-dessus une faute commise sans blâmer le coupable ; une autre fois tu rends responsable cet homme, quoiqu’il y ait des excuses pour sa faute. »

Le roi répondit en prononçant cette sentence :

Quand un homme confesse sa faute, je suis comme le médecin et lui est comme le malade, qui fuit le remède et verse des larmes et si une seule médecine ne le guérit pas, il faut que a nous délivrions son esprit de ses idées de grandeur. »

Un autre Mobed dit :

Puissesatu être heureux et garanti de tout mal, de quelque côté qu’il vienne !

Le Sipehbed est sorti un jour de Gourgan en secret, est entré dans un bois et y a dormi pendant quelque temps ; ses bagages étaient sur un autre steppe, il n’avait rien avec lui et fut obligé de s’en 3’ revenir pour rejoindre ses bagages. »

Nouschirwan répondit par cette sentence :

Je n’avais pas besoin d’une escorte ; celui qui veille sur l’armée ne s’inquiète pas pour lui-même. »

Un autre dit :

Puisses-tu être éternellement heureux en compagnie avec les Mobeds au conseil, au dîner et aux heures du repos !

Il y a ici un homme riche dont le trésor dépasse le tien. »

Il répondit :

C’est bien ; cet homme est le diadème de ma royauté.

Je suis le gardien de sa vie et de ses trésors et je travaillerai à ce qu’ils s’accroissent. »

Un autre dit :

Ô grand roi, puis- ses-tu être heureux et exempt de tout mal ?

On a amené parmi les prisonniers soumis beaucoup de petits enfants. »

N ouschirwan décida le cas en disant :

Il ne faut pas compter les enfants parmi les prisonniera ; nous les renverrons à leurs mères, heureuses et mises par nos dons au-dessus des besoins. »

On lui écrivit :

Cent hommes riches du Roum veulent racheter avec de l’or leurs parents. »

Il répondit :

S’ils veulent les racheter parce qu’ils ont peur pour eux, vendez chaque notable pour une coupe de vin et ne leur demandez pas davantage, car nous n’avons besoin de rien de leur part.

C’est avec l’épée que nous prenons leurs joyaux, leurs esclaves, leurs caisses d’or et d’argent. »

On lui dit :

Il y a parmi les riches de la ville deux marchands qui pendant deux tiers de la nuit ne laissent dormir personne par le bruit que .

font les hommes ivres, les luths et les rebecs. »

Il répondit :

Ne vous en plaignez pas et vous autres qui possédez des trésors, vivez de même dans la joie et les plaisirs ; ne faites pas de mal et passez votre temps sans chagrin. »

On lui écrivit un jour :

Puisses-tu être heureux et que la main du mal se tienne toujours loin de toi !

Le roi du Yémen a dit dans sa salle d’audience que Nouschirwan, quand il ouvre la bouche, commence toujours par parler de tous les morts et qu’il remplit de tristesse les âmes heureuses des vivants. »

Il répondit :

Tout abomine sage et bien ne parle des morts ; et celui qui se débarrasse deleur souvenir n’est pas un ami sur. »

Quelqu’un dit :

Ô roi, le. plus jeune de les fils n’imite pas la justice de son père ; il répandà terre l’argent quand il achète quelque. chose et desole le vendeur. »

Il répondit :

Cela n’est pas convenable ; mais l’argent, quoique à terre, revient tout de même au marchand. »

Un autre dit :

Ô roi à l’âme grande, que ni*reprocl1es ni querelles ne peuvent atteindre !

Autrefois tu respectais les convenances, pOurquoi renonces-tu maintenant aux attentions et es-tu devenu impérieux ? »

Il répondit :

Quand je n’avais pas de dents, je n’avais que la ressource de sucer du lait ; mais les dents ont poussé, mon dos s’est élargi, et, devenu fort, je demande de la viande. »

, Un autre dit :

J’admets que ,tu es l’homme le 3. plus puissant, que tu es plus intelligent et plus savaut que nous ; mais comment as-tu dépassé tous les rois des rois, de sorte que le monde ne tient ses yeux que sur tes desseins ? »

Il répondit :

Mon in ; telligence dépasse ce qu’on. »

Vu de leur part.

La prudence, le savoir et la sagesse sont mes Destours, la terreuest mon trésor et la réflexion est mon trésorier. »

Un autre dit :

Ô roll ton faucon a pris un jour de chasse un aigle. »

Il répondit :

Brisas-lui le dos.

Pourquois’est-il attaqué à plus grand que lui ?

Suspendezoleà»

Un gilet élevé, pour qu’il expie le niai qu’il a fait ; un inférieur ne doit pas chercher à vaincre le roi dans le combat. »

Un des plus illustres de ses émissaires dit au roi du monde :

Benin es tparti de grand matin avec une armée ; un astrologuese trouait sur la route et dit :

Ô homme qui portes haut la tête !

Cette grande ar- : nuée et tout cet appareil de guerre, personne dans ce monde ne les verra plus, depuis qu’ils ont quitté la cour du roi. »

Le roi répondit avec autorité :

Le je : ciel, malgré l’opinion de l’astrologue, regarde avez : bienveillance Berzin, le chef de l’armée, son trésor et ses troupes ; et les astres du soleil et de la lune ne tourneront pas de manière à le perdre. nv -»

Un autre Mobed dit :

Ô roi] un jour tu nous as ordonné de choisir un homme de haute naissance qui devait faire une tournée dans l’empire pour faire rendre justice et pour envoyer à cette cour des * La LIVRE ces rapports sur tout ce qui se passe de bien ou de mal en grand et en petit.

Gouschasp, le scribe qui porte haut la tête, est-il propre à faire rendre justice ? »

Le roi répondit :

Il est avide de gain bien au-delà de ses besoins ; choisissez quelqu’un qui ne ménage pas sa peine et qui soit riche de son propre chef, un homme d’expérience, sévère et droit, qui pense avant tout aux pauvres. »

Un autre dit :

Le chef des cuisiniers se plaint du roi et des glands, disant :

J’ai beau préparer et placer partout où se croisent les routes des mets autant que le roi peut en dé. sirer, il ne les flaire pas et ne les touche pas ; ce serviteur du mi en est agité. »

Il répondit :

Il est probable que la m de victuailles abondantes convertit l’appétit en dégoût. »

Un autre dit :

Tous ceux qui y font attention blâment le roi des rois de ce qu’il sort sans une grande escorte et remplit de soucis le cœur des amis sages, car un ennemi pourrait méditer un mauvais coup, faire ses préparatifs avec ruse et gs’approcher de lui. »

Il répondit :

La justice et la, raison protègent un roi et quand le distributeur de la justice se trouve tout, seul, sa droiture surfit pour le garder. »

Un autre dit :

Ô toi qui es le compagnon de l’intelligence !

Le gouverneur du Khorasan a dit surie Meîdan :

Je ne sais quelle raison a eue le roi de rappeler Zemp, le cavalier. »

Il répondit :

Il n’a pas exécuté mes ordres et a tenu cachées mes instructions.

Je lui avais enjoint d’ouvrir la porte du trésor en toute circonstance à ceux qui en étaient dignes ; mais celui qui est avare de dons déguise au monde la grandeur du roi. »

Un autre dit :

Le roi est le maître de nous tous ; il est généreux et sans reproche.

Qu’a donc fait Mihrelt, ce vieux serviteur, pour que son salaire ait été réduit et que son visage ait pâli ? »

Il répondit :

Il est devenu grossier, il se fie à ses anciens services, vient à la cour et se place dans l’assemblée étant ivre ; il a toujours une coupe de vin dans la main. »

Un Mobed, qui était de ses émissaires, dit :

Quand le roi envoie une armée contre le Kaiser, il n’appelle à la guerre que des Iraniens et ces guenes’eontre le Roum mettent l’Iran en détresse. »

Il répondit :

Cette inimitié est innée, c’est la lutte contre Ahriman. »

Une autre fois un homme s’enhardit à dire :

Il faudrait que le roi demandât aux rois feudataùes de meilleures armées que celles qu’ils -Quels sont les hommes de guerre qu’il te faut parmi les lions qui lancent leurs chevaux et qui ont les griffes aiguës ? »

Il répondit :

Un cavalier vaillant’ne doit jamais être rassasié de combats ; il doit être également prêt pour une fête et pour un champ de bataille, pendant le jour brillant et pendant la nuit noire ; il ne faiblit pas au moment où il faut de la vigueur et il ne s’inquiète pas du grand ou du petit nombre de ses ennemis. »

Quelqu’un dit :

Ô roi Nouschirwan !

Puisses-tu être toujours heureux, puisse ta fortune rester toujours jeune !

Il y avait à la cour un homme de Nissa, qui servait le roi comme administrateur de Besa ; quand on a fait son compte dans les bureaux, il devait à peu près trois cent mille dirhems, qui ne seront pas payés, car ils sont dépensés et les nobles, les Mobeds et les villageois en sont désolés. »

En apprenant que le Grand Mobed exigeait ce payement de l’administrateur, le roi dit :

Ne t’afflige pas de ce qui est dépensé,»

Et il fit donner au comptable quelque chose du trésor.

Un autre dit :

Un vaillant cavalier avait été blessé ; cette blessure le retint longtemps, mais il guérit ; il fit une attaque contre le front de l’armée roumie et fut tué. laissant des enfants en bas âge. »

Le roi ordonna de leur payer quatre mille dirhems royaux, ajoutant :

Si un homme tombe dans la bataille et laisse des enfants en bas âge, il faut de toute nécessité leur payer sa solde aussi souvent que le scribe récite son nom sur le rôle.

Il faut donc que le trésor paye à ceux-ci quatre fois par an mille dirhems. »

Un autre dit :

Puissent les années et tes mois être heureux !

Le Peblewan de l’armée de Merv a amassé beaucoup d’argent et ne l’a pas dépensé et les habitants quittént ce pays. »

Il répondit :

Cet argent qui fait que les hommes cc abandonnent le pays, rends-le à ceux auxquels on l’a pris et fais proclamer cela’à .Merv.

Donne ce l’ordre d’élever un gibet à sa porte, à la vue de l’armée et du pays et l’aisy suspendre vivant cet homme oppresseur, les pieds en haut et la tête en K bas, pour qu’aucun de mes Pehlewans ne soit tenté de s’écarter dans son cœur et son âme de mes instructions.

Pourquoi faudrait-il tirer des trésors du sang des pauvres pour faire jouir son corps et faire périr son âme ? »

Un autre dit :

Ô roi, adorateur de Dieu !

Il y a devant ta porte beaucoup de tes sujets qui tous te célèbrent parce que tu rends justice et prient le Créateur pour toi. »

Nouschirwan répondit :

Je rends grâce à Dieu de ce que personne n’a peur de moi et il faut avoir le plus n grand soin des hommes, qu’ils soient innocents ou qu’ils aient commis des fautes. »

Un autre dit :

Ô roi plein de majesté et d’intelligence !

Le monde dans son bonheur est pleinn des sons de la flûte et de vin ; quand la nuit arrive, -la tête des grands et de leurs inférieurs est ivre de ce bruit. »

Il répodit : Que les grands et les petits dans le monde entier soient heureux sous moi in Un autre dit :

cg Ô roi à l’âme grande !

Tes détracteurs le blâment de ce que tu donnes tant de belles choses de ton trésor, que tu n’as pas eu la peine de former, puisque tu l’as au par héritage. »

Il répondit :

des richesses dont mon trésor est rempli, si je ne.

les donne pas aux hommes qui en sont dignes, me porteraient à la fin malheur au lieu de me profiter. »

Un autre dit :

Ô puissant roi, que ton ’. âme reste exempte de souffrances !

Les Juifs et les Chrétiens sont tes ennemis, des gens à double face et adorateurs d’Ahriman. »

Il .répondit :

Un roi farouche et sans tolérance ne sera jamais grand. »

Un autre dit :

Q roi illustre !

Mardouî a donné plus de six cent mille dirhems de ton trésor aux pauvres et s’en est approprié beaucoup à ininméme. »

Il répondit :

Cela est conforme à mes ordres ; il est convenable de donner à ceux qui le méritent. »

Un autre dit :

Mais, ô roi qui n’as pas éprouvé la fatigue d’amasser, bien des trésors restent vides par l’excès de ta libéralité. »

Il répondit :

La main libérale qui les a enlevés leur fera pousser des feuilles et branches nouvelles.

Quand le roi est un homme pieux, le monde ne lui refuse rien de ce qu’il possède ; nous l’avons vu se resserrer devant un roi au caractère étroit, mais l’avidité et l’avarice ne sont pas des tentations pour moi. »

Le Grand Mobed dit :

Ô roi !

Karakhlin, le chef de l’armée, a levé dans le pays de Balkh Bami, avec difficulté, trois cent mille dirhams qu’il nous a livrés et que nous avons placés dans le trésor. »

Il répondit :

Je ne veux pas d’argent qui ait fait de la peine à quelqu’un ; ren-dez-le à ceux à qui il l’a pris et ajoutez ce qu’ils demandent en sus ; car un maître du monde qui révère Bleu ne veut pas affliger le cœur de sessujets.

Arrachez les fondements de son beau palais, rasez jusqu’au salses chambres voûtées. son palais sera en ruines, il n’y aura gagné que de la peine et après la peine il lui restera des soupirs et les malédictions des hommes.

Rayez son nom de mes listes d’employés, comptes pour rien à ma cour un homme comme lui. »

Un autre dit :

Ô roi de noble race !

Tu parles souvent de Djemschid et de Kamis. »

Il répondit :

C’est justice, car le monde est témoin des valtau de mes ancêtres.

J’en parle. pour qu’après ma mort on n’oublie pas mon diadème et mon casques Un autre dit :

Pourquoi le roi d’Iran cache-t-il ses secrets devant Bahman, qui porte haut la tête,»

Il répondit :

Parce qu’il s’écarte de la raison et qu’il sa livra à la jouissance de ses passions. »

Quelqu’un dit :

Ô roi qui accueilles les plus infimes !

Comment es--tu devenu maintenant si lent à agir P»

Il répondit :

Je me tiens avec les sages et avec les Mobeds, car si la voix d’Ahriman arrive à l’oreille, le cœur perd la raison et le cerveau la prudence. »

Un M0- bed fit des questions au roi de la terre sur la foi et lui parla de la royauté et de la religion, disant :

Un homme qui n’a pas notre foi ne cherche pas pour cela à faire du mal au, roi ; tout homme intelligent peut’en témoigner. »

Il répondit :

J’ai dit la même chose et les hommes à la foi pare ont pu l’entendre

de ma bouche.

Aucun roi n’a trouvé le monde sans ’ religion, quoique les uns préfèrent une foi, les autres une autre ; l’un est adorateur d’idoles, un autre a la foi sainte ; un autre dit que la malédiction vaut mieux que la bénédiction.

Le monde ne tombe pas en ruines pour des paroles ; dis dans toujours ce que tu penses en secret.

Mais si le roi aussi n’a pas la vraie foi, il n’y aura personne qui puisse attirer au monde des bénédictions.

La foi et la royauté sont comme le corps et l’âme et c’est par elles deux que le monde se maintient comme il est ; et quand il n’y a.pas de roi sur le trône. la sagesse et la foi ne servent à rien. »

Un autre dit :

Ô roi à l’âme joyeuse !

Tu as beau- coup parlé aux grands et unel’ois tu leur as dit :

C’est moi qui suis le sort et je suis le moyen par lequel il apporte le bien et le mal et quand on prononce des [bénédictions sur le monde, c’est à moi qu’en revient en secret le bénéfice. »

Il répondit :

C’est la vérité, car la tête du roi est la con- Ironne du sort.

Le monde est le corps,’les rois sont la tête ; c’est pourquoi ils forment le diadème des chefs. »

Quelqu’un dit :

O’ roi qui accueilles tes ce serviteurs, puissent ton règne et ta vie durer !

Voici . cinq jours, ô lumière des esprits, que le Gnand Mobed n’a pas paru devan’t toi. »

Il répondit :

Cela ne m’afflige pas, car il est occupé à ’mes allaites. »

Un autre dit :

Ô roi au visage de soleil et tel

KESRA NOUSClllllWAN. que le monde n’en produira pas d’autre !

Nous voyons un homme qui demande justice, qui vient à w la cour tous les matins et ne s’occupe que de son affaire ; nous ne savons pas de quoi il a à se plaindre. »

Nouschirwan répondit :

Des voleurs lui ont enlevé dans le Hidjaz des effets sans nombre ; je les lui ai remplacés de mon trésor pour que son âme ne fût pas en peine et je le garde à la cour, espérant que si un de ces voleurs y vient, il le reconnaîtra. »

Un autre dit :

Ô roi à la noble naissance, maître de la libéralité et maître de la justice !

Jamais un roi comme toi n’a occupé le trône des Keïanides, depuis Kaïoua mors jusqu’à ce temps. »

Il répondit :

Je rends grâce à Dieu que les choses soient telles qu’il les veut. »

J’ai achevé les maximes de Nouschirwan.

Le monde est vieux, mais nos soucis sont toujours jeunes.

Mon génie ne s’est pas épanoui, mais il est devenu plus âpre et la vieillesse a ajouté à son feu.

J’ai composé ce livre il y a longtemps ; il a été caché à Saturne, au soleil et à la lune et personne dans le monde ne s’en est occupé, ni en public ni en secret ; mais lorsque le nom de Mahmoud a paru à la tête du livre, tous les horizons ont retenti d’éloges.

Puisse le monde prospérer en prononçant son nom et le ciel se réjouir de sa couronne !

Quand Mahmoud prononce la prière du haut de la chaire, la croix incline vers la foi de Mohammed et il a enlevé le monde aux idolâtres de l’Inde avec son épée damasquinée comme . :

Une broderie.

Maintenant lis et médite dans ton esprit lucide une lettre de Nouschirwan.

Dernière mise à jour : 26 sept. 2021