Newder

Zal apprend la mort de Newder

...

On porta à Kustehem et à Thous la nouvelle que la gloire des rois était obscurcie, qu’on avait coupé avec l’épée tranchante la tête de leur malheureux père et que tout était fini.

Ils s’arrachèrent les cheveux, ils se déchirèrent le visage et de l’Iran s’éleva un immense cri de douleur.

Les grands de l’empire répandirent de la terre et de la poussière sur leur tête, tous les yeux étaient remplis de larmes, toutes les robes étaient en lambeaux ; ils se dirigèrent vers le Zaboulistan ; leur langue ne parlait que du roi, leur esprit ne s’occupait que de lui.

Ils se rendirent auprès de Zal dans leur douleur et dans leur tristesse, les joues couvertes de sang, la tête couverte de poussière, criant :

Ô le glorieux, le brave, le roi Newder, le héros qui portait la couronne, le puissant, le maître, le gardien de l’Iran, l’appui des grands, le maître des rois, le roi du monde !

Ta tête cherche un diadème dans la poussière, la terre exhale l’odeur du sang des rois.

Les herbes qui croissent dans ce pays baissent la tête de honte devant le soleil.

Nous demandons tous justice et poussons des cris de douleur, nous nous dépouillons de nos robes de fête.

L’image de Feridoun vivait en lui, la terre était l’esclave du sabot de son cheval.

Ils lui ont tranché la tête misérablement et honteusement, à lui et à ses guerriers renommés.

Nous tirerons tous nos épées brillantes pour le venger, nous tuerons nos ennemis ; couvrez-vous tous de votre armure pour exercer la vengeance et rajeunissez nos vieilles haines.

Le ciel même, dans sa miséricorde envers nous, répandrait sur notre deuil des larmes de sang.

Et vous aussi, remplissez vos yeux de sang, dépouillez-vous de vos robes de fête ; car quand on a à venger des rois, il faut que l’œil soit humide et le cœur rempli de colère.

Toute l’assemblée fut plongée dans la tristesse et dans les larmes, ils se consumèrent par la douleur comme par un feu dévorant.

Zal déchira ses vêtements sur son corps et s’assit sur la terre en sanglotant, puis il dit en élevant la voix :

Mon épée tranchante ne verra pas le fourreau jusqu’au jour de la résurrection ; mon cheval blanc sous moi est mon trône, une lance armée de fer est l’arbre dont je cueillerai les fruits, l’étrier est la place où je pose mon pied, un casque sombre est le diadème dont je couvre ma tête ; cette vengeance ne permet ni repos ni sommeil ; il y a moins d’eau dans les fleuves que de larmes dans mes yeux.

Puissent les mânes du roi, maître du monde, demeurer brillants parmi les grands !

Puisse votre esprit, par la grâce du Créateur du monde, devenir jeune, calme et plein de foi ?

Nous sommes tous nés de nos mères pour la mort, nous lui appartenons, nous lui avons livré nos têtes.

Pendant que les preux se hâtaient de se préparer à la vengeance, le bruit courut parmi les chefs qui étaient en prison à Sari, que les Iraniens allaient entrer en campagne, qu’ils avaient envoyé partout des messagers montés sur des dromadaires et qu’ils amenaient une armée sans nombre, arrachée aux fêtes et au repos.

Ils en perdirent la faim, le repos et le sommeil ; ils furent effrayés à cause d’Afrasiab.

Puis ils envoyèrent un message à Aghrirez pour lui dire :

Ô toi qui es plein de volonté, de pouvoir et de gloire, nous sommes tous tes esclaves, nous ne vivons que grâce à ton intervention ; tu sais que Zal le maître du Zaboulistan et le roi de Kaboul sont prêts à combattre.

Berzin et Karen le guerrier, Kherrad et Keschwad le destructeur des armées, sont des héros dont la main est longue et ne lâchera pas l’Iran.

Quand les braves tourneront en toute hâte leurs rênes de ce côté, quand ils montreront les pointes de leurs lances, le puissant Afrasiab en sera exaspéré, son cœur sera impatient de se venger de nous et pour sauver son diadème, il fera rouler dans la poussière les tètes d’une foule innocente.

S’il plaisait au sage Aghrirez de délivrer ses prisonniers tous ensemble, nous nous disperserions pour faire le tour du monde, pour parler de lui devant les rois, réciter ses louanges devant les grands et prier Dieu pour lui.

Le prudent Aghrirez leur répondit :

Cela ne peut se faire ainsi, ce serait montrer de l’hostilité contre le roi et la tête de cet homme d’Ahriman bouillonnerait de colère ; mais je trouverai un autre moyen de vous secourir sans m’exposer à la vengeance de mon frère.

Puisque Zal part, dans son ardeur guerrière et qu’une armée viendra nous combattre, je vous livrerai à ses troupes aussitôt qu’il les aura amenées près de Sari.

J’abandonnerai Amol, j’éviterai le combat et convertirai en honte la gloire qui a couvert ma tête.

Lorsque les grands de l’Iran entendirent ces paroles, ils prosternèrent leurs fronts contre terre et ayant achevé de le bénir, ils expédièrent de Sari un messager qui alla auprès de Zal, fils de Sam et lui porta ce message de leur part :

Dieu le maître du monde nous a pardonné et le sage Aghrirez est devenu notre ami.

Nous avons fait avec lui un pacte indissoluble et nous avons des deux côtés engagé notre parole, que si Zal accompagné de deux hommes veut venir de l’Iran et lui offrir le combat, l’illustre Aghrirez, dont les traces sont fortunées, retirera son armée d’Amol et la mènera à Reï ; sinon, pas un seul de nous ne sortira vivant des mains de ce dragon.

Aussitôt que le messager fut arrivé dans le Zaboulistan et eut porté son message à Destan, celui-ci appela devant lui les grands guerriers et leur fit part de ce que lui mandaient les braves ; puis il dit :

Ô mes amis, vous qui êtes des tigres dans la guerre et qui portez un grand nom, y a-t-il parmi vous un preux au cœur noble et dont l’âme s’enivre du combat, qui recherche ce danger et cette entreprise et veuille élever sa tête jusqu’au soleil ?

Keschwad, en l’entendant, frappa de la main sa poitrine et dit :

Je suis prêt à le faire.

Zal le glorieux lui rendit grâce en disant :

Puisses-tu être heureux aussi longtemps qu’il y aura des mois et des années !

Une armée composée de braves avides de combats sortit du Zaboulistan et se dirigea vers Amol et elle avait encore à faire une ou deux journées de sa route, lorsque le bienveillant Aghrirez en eut nouvelle, fit sonner ses trompettes et emmena son armée, laissant à Sari tous les prisonniers.

Le fortuné Keschwad étant arrivé à Sari, les chaînes de tous les prisonniers tombèrent, il donna à chacun d’eux un cheval et se hâta de retourner d’Amol dans le Zaboulistan.

Lorsque Zal apprit que Keschwad revenait couvert de gloire, il distribua aux pauvres un trésor d’or pur et donna au messager son propre vêtement ; et lorsque Keschwad s’approcha du Zaboulistan, il alla au-devant de lui comme il convenait, il pleura longtemps sur les prisonniers qui avaient été enchaînés entre les griffes du lion, puis il répandit de la poussière sur sa tête en mémoire du glorieux roi Newder et pleura sur lui amèrement.

Il les mena à la ville en leur rendant des honneurs, il leur fit préparer des palais élevés, enfin il leur restitua tout ce qu’ils avaient possédé du temps de Newder, où ils avaient eu des couronnes, des trônes et des diadèmes.

C’est ainsi que Zal composa sa cour et rassasia son armée par ses largesses.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021