Minoutchehr

Rustem par pour le mont Sipend

...

Rustem ayant écouté son père, se prépara comme il fallait pour soutenir le combat.

Le Pehlewan à la stature haute et aux bras longs cacha sa massue dans une charge de sel, puis il choisit quelques-uns des siens, des hommes prudents et courageux ; il cacha les armes de ces braves dans les charges des chameaux et en souriant de sa ruse, il s’approcha en toute hâte du mont Sipend.

Le gardien de la porte l’aperçut du haut de la montagne, il courut auprès du puissant prince et lui dit :

Il est arrivé une caravane accompagnée d’un grand nombre de chameliers.

Si mon maître me demande ce qu’ils viennent faire ici, je lui dirai que dans mon opinion, ils sont chargés de sel.

Le châtelain envoya en toute hâte quelqu’un auprès du maître de la caravane, en lui disant :

Va voir ce convoi : pars et fais et moi connaître ce que c’est.

Le messager descendit du château, courut vers Rustem rapidement comme la poussière et lui dit :

Ô chef de la caravane donne-moi connaissance de ce que contiennent ces ballots fermés, pour que nous allions auprès de mon maître lui parler et entendre sa réponse.

Rustem lui répondit :

Va auprès de ton maître avide de renom, répète-lui mes paroles l’une après l’autre et dis-lui que nos ballots ne contiennent que du sel.

Le messager s’en retourna, se présenta devant son maître qui portait haut la tête et lui annonça que c’était une caravane et qu’elle était entièrement chargée de sel.

Le maître l’ayant entendu, se leva la mine riante, le cœur joyeux outre mesure et ordonna qu’on ouvrît la porte pour que la caravane pût monter.

Rustem, avide de combats, s’en aperçut et se dirigea du pied de la montagne vers le sommet ; et lorsqu’il fut arrivé près de la porte, tous les habitants allèrent à sa rencontre sans délai.

Rustem se présenta devant le maître, baisa la terre et se répandit en actions de grâces ; il apporta devant lui un grand nombre de charges de sel et invoqua les grâces de Dieu sur tous les habitants.

Le châtelain lui répondit :

Puisses-tu vivre éternellement !

Puisses-tu être comme la lune brillante et comme le soleil !

J’accepte et je te rends ton salut, ô mon fils au cœur pur et dévoué à Dieu.

Le jeune homme se rendit au bazar, amenant avec lui ses chameliers.

De tous côtés la foule se pressait autour de lui, petits enfants, hommes et femmes.

L’un donnait un habit, l’autre de l’or et de l’argent ; ils marchandèrent et furent sans crainte et sans soupçon.

La nuit était devenue sombre, Rustem, prompt de la main, concerta avec ses braves le plan d’attaque.

Il se dirigea vers le châtelain et ses compagnons belliqueux le suivirent.

Le châtelain en fut averti et il attaqua Rustem le renommé.

Tehemten lui asséna un coup sur la tête ; tu aurais dit qu’il lui enfonçait la poitrine sous terre.

Tous les hommes de la forteresse furent appelés et se hâtèrent de combattre leur ennemi.

La nuit était sombre, mais les épées brillaient ; la terre devenait comme un rubis de Badakhschan.

Il y eut tant de coups donnés et reçus, il jaillit tant de flots de sang, que tu aurais dit que la lueur du crépuscule était descendue du ciel.

Tehemten abattit l’un après l’autre les chefs des braves avec son épée, sa massue et son lacet ; et lorsque le soleil sortit de derrière ses voiles, remplissant le monde de lumière, depuis la terre jusqu’aux Pléiades, on ne vit plus personne de cette foule dans le château ; les uns étaient morts, les autres hors de combat et les braves compagnons de Rustem parcouraient tous les coins, tuant tous ceux qu’ils trouvaient.

Tehemten vit dans ce lieu étroit un édifice de pierre dure ; on y avait placé une porte de fer et c’est ainsi que les architectes l’avaient achevé.

Il donna un coup de sa massue, abattit la porte et pénétra dans l’intérieur de l’édifice.

Il y aperçut une grande salle voûtée toute remplie de pièces d’or.

À cette vue, Rustem demeura stupéfait ; il se mordit la lèvre, dans son étonnement et dit à ses compagnons pleins de fierté :

Qui a jamais vu chose semblable ?

Sans doute qu’il ne reste plus d’or dans les mines, ni de perles dans la mer, car de tout temps ils ont amassé ici tout l’or, ils ont répandu dans ce lieu toutes les perles.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021