Keï Khosrou

Feribourz demande en marriage Ferenguis, la mère de Khosrou

Feribourz lui répondit :

Ô héros distributeur des couronnes, maître de la cotte de mailles, de la massue et de Raksch !

Je nourris au fond de mon âme un désir dont je n’ose parler qu’à toi, ô Pehlewan du monde.

Que Dieu répande sur toi ses bénédictions, car tu es le soutien et l’asile de l’armée et c’est grâce à ta massue que les braves portent haut leurs casques.

Sache, ô toi qui es digne du pays de l’Iran et du trône, du diadème et du sceau, que je suis frère du noble Siawusch ;

Que je suis de sa race et de sa famille et que j’aime la femme qui lui a survécu, ô héros qui portes haut la tête.

Si tu voulais en parler au roi, tu placerais sur ma tête le plus beau des diadèmes.

Rustem lui dit :

C’est à toi d’ordonner et je terminerai cette affaire comme tu le désires.

Le héros au corps d’éléphant se rendit auprès du roi et lui dit :

Ô glorieux Khosrou, j’ai à demander une grâce au roi ;

Et s’il me l’accorde, ma tête s’élèvera au-dessus du cercle de la lune.

Le roi me permet-il de le faire ?

C’est une chose bonne aux yeux de Dieu.

Khosrou lui répondit :

Ô Pehlewan, puisses-tu vivre éternellement et être heureux !

Demande-moi tout ce que tu voudras, fûtce mon trône, mon sceau, ma couronne et mon diadème.

Rustem lui dit alors :

Le monde est heureux par la grâce du roi et il en est reconnaissant.

Tu étends sur tous ta justice et ton amour ;

Et semblable au ciel, ton visage brille pour tous.

Parmi les nobles et les princes il n’y en a aucun qui soit comparable à Feribourz fils de Kaous ;

Je ne connais pas son pareil en bravoure et en sagesse.

Il a maintenant à soumettre au roi une prière, qui d’un frère fait un suppliant : puisqu’il s’apprête à se battre pour toi et qu’il va rejoindre les Iraniens, il désire obtenir la fille d’Afrasiab pour gardienne de son palais et de son trésor et pour confidente de ses peines, comme la lune est la compagne du soleil.

Voilà ce qu’il a voulu que je disse au roi, car c’est en cela qu’il a mis l’espoir de son bonheur

Le roi écouta les paroles du sage et puissant Rustem avide de gloire ;

Il y réfléchit et répondit :

Ô illustre Pehlewan, quiconque néglige tes avis est foulé aux pieds de la fortune et tes paroles ne peuvent que porter bonheur ;

Puisses-tu vivre glorieusement et à jamais !

Tu sais que je n’ai aucun pouvoir sur elle et qu’elle ne voudra pas consentir à ce que tu demandes ;

Mais si elle veut m’écouter, je lui donnerai des conseils que peut-être sa raison lui fera accepter.

Le roi plein de bienveillance et Tehemten se rendirent auprès de cette lune et Khosrou dit à sa mère :

Ô toi qui est restée dans le monde comme un souvenir de mon père, tu es mon asile dans la bonne et la mauvaise fortune ;

Tu es ma reine et je ne suis que ton ministre.

Le sort de mon armée, ses luttes et ses combats ne te sont pas cachés ;

Tu sais combien de héros iraniens ont livré dans le Touran leurs têtes à la vengeance.

Maintenant je veux y envoyer une nouvelle armée, dont Rustem fils de Zal sera le chef.

Feribourz commandera l’avant-garde et Rustem sera le Pehlewan qui nous vengera ;

Mais le fils de Zal désire que tu deviennes la compagne du vaillant Feribourz.

Qu’en penses-tu et quels sont tes ordres ?

Puissent le pouvoir et le bonheur t’accompagner !

La mère de Khosrou écouta ses paroles, qui firent revivre en elle le souvenir des temps anciens ;

Au fond de son âme elle était remplie d’angoisses et de colère et à la fin elle dit en versant des larmes :

Je n’ai aucun ressentiment contre Rustem ;

Et si j’en avais, je n’aurais pas le pouvoir de le lui faire sentir ;

Car quand il veut quelque chose, il n’y a certainement que le ciel qui puisse lui résister.

Le vaillant Pehlewan au corps d’éléphant lui dit :

Ô reine des reines, tu es la plus illustre des princesses et l’ornement de la couronne, tu es digne du diadème et du trône d’ivoire.

Après l’avoir comblée de louanges, il continua :

Ô délices du peuple, la pureté de ta nature est l’objet de tous les hommages.

Puissent tes ennemis périr !

Veuille écouter mes conseils et mes derniers avis !

Tu sais que jamais une femme n’est insensible à l’amour qu’elle inspire ;

Et quelle est la jeune femme qui reçoit froidement un jeune époux, surtout quand c’est un Keïanide ?

Les hommes sont faits pour les femmes et c’est à eux de les demander en mariage.

Feribourz est le maître de la moitié de l’Iran, ce qui est désert comme ce qui est habité lui appartient ;

Et les conseils, les avis et la volonté du roi te le feront agréer pour époux, ô lune.

Qu’en dis-tu ?

Consens-tu ?

Feribourz te convient-il comme époux ?

Tu ferais bien d’écouter mes paroles et de suivre mes avis et les ordres du roi.

La reine des reines resta longtemps embarrassée et sans répondre ;

Elle ne cessait de pousser des soupirs et elle demeura muette de pudeur devant son fils.

À la fin elle dit :

Ô Rustem, tu portes haut la tête ;

Tu es le plus puissant des hommes.

Quoique Feribourz n’ait pas son égal dans l’Iran, il n’est pourtant pas digne de prendre la place de Siawusch.

Hélas !

Le noble Siawusch que les meurtriers ont tué si cruellement dans le Touran !

Que dire, puisque c’est le fils de Zal qui me sollicite, qui veut que j’épouse Feribourz ?

Je n’ai pas le choix libre, car il semble que tes paroles, ô Pehlewan, m’ont lié la langue.

Ce que le roi glorieux ordonne, il faut s’y soumettre.

C’est ainsi que la mère du roi consentit ;

Et ses joues brillèrent comme une rose au printemps naissant.

Rustem se hâta de conclure cette affaire et ne la laissa pas traîner en longueur ;

On appela un Mobed, on lui fit écrire un acte selon les formes et le Pehlewan de l’armée ne se reposa pas avant d’avoir uni au prince cette lune.

C’est ainsi que Feribourz devint, par l’ordre de Keï Khosrou, beau-père du roi et Rustem fut alors libre de partir.

Khosrou combla d’honneurs le Pehlewan et lui donna un rang plus élevé, une robe d’honneur et une nouvelle couronne.

Trois jours s’étant passés là-dessus, le quatrième tout était conclu et alors le Pehlewan Rustem partit pour la guerre avec les héros pleins de valeur.

Feribourz avec un corps de troupes le précéda, étincelant comme un astre au firmament.

Lorsque le soleil se leva brillant dans le ciel, semblable à une belle femme dont le cœur est rempli d’amour, on entendit le son des trompettes, Tehemten mit en marche son armée et le roi maître du monde l’accompagna à la distance de deux farsangs, l’âme pleine d’inquiétude.

Rustem fit chaque jour deux marches et ne s’arrêta un instant ni jour ni nuit.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021