Feridoun

Attaque faite par Kakoui, petit-fils de Zohak

...

Karen le héros se rendit de ce lieu auprès de Minoutchehr et raconta au jeune roi ce qu’il avait fait et comment avaient tourné les événements de la guerre.

Minoutchehr le couvrit de bénédictions en disant :

Puisses-tu ne jamais manquer à ton cheval de guerre, à ta massue, à ta selle !

Depuis que tu es parti, il a paru une armée et un nouveau combattant illustre.

Ce doit être un petit-fils de Zohak, j’ai ouï-dire que son nom doit être Kakoui l’impur.

Il a fait une invasion à la tête de cent mille hommes, tous cavaliers fiers et renommés.

Il a tué quelques-uns de nos braves, qui étaient des lions au jour du combat ; et maintenant Selm s’est décidé à combattre, parce qu’il lui est arrivé de Gangui Dizhoukht un allié.

On dit que c’est un Div plein de courage, qui ne tremble point au jour du combat et dont la main est forte ; jusqu’à présent je ne l’ai pas atteint sur le champ de bataille, ni mesuré avec la massue des braves ; mais aussitôt qu’il nous offrira le combat, je le mettrai à l’épreuve, et je verrai ce qu’il vaut.

Karen lui répondit :

Ô roi !

Qui peut tenir devant toi dans le combat ?

Et quand ton ennemi serait un crocodile, sa peau se fendrait à la seule idée de tes coups.

Qui est ce Kakoui et quel est-il ?

Qui dans le monde est ton égal dans la guerre ?

Je vais maintenant, dans mon esprit prudent et dans mon âme pure, chercher un remède à ce danger, pour que dorénavant il ne sorte plus de Gangui Dizhoukht un misérable pour nous combattre à l’exemple de Kakoui.

Le roi lui répondit :

Que ton cœur ne s’afflige pas de cette affaire.

Tu t’es fatigué dans ton entreprise à conduire l’armée et à exercer la vengeance : c’est à moi maintenant de combattre et à toi de te reposer, ô héros qui portes haut la tête.

Ils parlèrent ainsi et le bruit des trompettes et des clairons s’élevait des tentes du roi ; l’air devenait couleur de suie et la terre couleur d’ébène par la poussière que faisaient lever les cavaliers et par le bruit des timbales.

Tu aurais dit que le fer avait de la vie et que les massues et les lances avaient des langues ; de tous côtés s’élevaient des cris de guerre, des coups furent donnés et reçus et l’air devenait, par les flèches ailées, comme une aile de vautour.

Des cinquantaines de brave tenant l’épée en main, se refroidirent par la perte de leur sang et le sang tombait en gouttes du sombre brouillard.

Tu aurais dit que la terre voulait se soulever en vagues et en bouillonnant s’élever au-dessus de la voûte du ciel.

Kakoui le chef de l’armée jeta un cri et s’élança dans la plaine comme un Div ; Minoutchehr sortit des rangs de son armée, une épée indienne en main.

Tous les deux poussèrent un cri qui déchira les montagnes et fit trembler les armées.

Tu aurais dit que c’étaient deux éléphants furieux ; leurs mains étaient préparées au combat, leurs reins étaient ceints.

Kakoui lança un javelot contre la ceinture du roi et le casque de Roum de Minoutchehr trembla sur sa tête ; le javelot déchira la cotte de mailles qui recouvrait la ceinture et la peau parut à travers le fer.

Le roi frappa le cou de Kakoui avec son épée et lui brisa la cuirasse sur le corps ; ainsi combattirent les deux braves jusqu’à midi, heure où le soleil qui éclaire le monde se trouvait au-dessus de leurs têtes ; ils s’attachèrent ainsi l’un à l’autre comme deux tigres et la terre autour d’eux fut pétrie de leur sang.

À mesure que le soleil descendait vers l’horizon et qu’il s’abaissait par degrés, le roi sentait s’accroître son angoisse, il serra son cheval de ses genoux et étendit sa main ; il saisit avec mépris Kakoui à la ceinture, souleva de la selle ce corps d’éléphant, le jeta brisé sur la terre chaude et lui fendit la poitrine avec son épée.

Ainsi fut donné au vent cet Arabe par son ardeur pour le combat.

Il était né de sa mère pour un sort malheureux.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021