Feridoun

Selm s'enfuit et meurt de la main de Minoutchehr

...

Kakoui étant mort, le roi de l’Occident se trouva sans appui et changea ses plans.

Il renonça à la vengeance qu’il avait tant désirée, s’enfuit et prit le chemin de sa forteresse ; mais arrivé à la mer profonde, il ne vit pas même vestige d’une planche de bateau.

Le roi Minoutchehr et son armée se mirent à sa poursuite en toute hâte et en colère : mais la plaine était tellement couverte de morts et de blessés, que le chemin en devenait difficile pour ceux qui marchaient.

Le jeune roi, plein de rage et de rancune, était monté Sur son rapide cheval blanc ; il avait jeté l’armure de son cheval pour aller plus vite et il le lança au milieu de la poussière de l’armée.

Il serra de près le roi de Roum et lui cria :

Ô homme sans foi et sans honte !

Tu as tué ton frère pour un diadème ; tu en as trouvé un : jusqu’à quand courras-tu dans le chemin ?

Maintenant, ô roi !

Je t’apporte une couronne et un trône, car cet arbre royal porte fruit.

Ne fuis pas devant la couronne de la puissance, car Feridoun t’a préparé un trône nouveau.

L’arbre que tu as planté porte ses fruits et tu vas les trouver dans ton sein : s’il ne porte que des épines, c’est toi qui les a semées ; si c’est une étoffe de soie, c’est toi qui l’as filée.

Tout en parlant il lança son cheval et ayant atteint Selm, il lui asséna soudain sur la nuque un coup d’épée et lui coupa le corps en deux ; puis il ordonna qu’on prît sa tête et qu’on la levât haut dans l’air sur une lance.

L’armée de Selm demeura stupéfaite d’une telle force, d’un tel bras de héros ; toute l’armée était comme un troupeau que dissipe un jour de neige, elle s’enfuit par troupes sans suivre aucune route et se dispersa dans les plaines, les cavernes et les montagnes.

Or il y eut un homme plein de prudence et de bienveillance, dont la bouche était remplie de paroles douces ; tous le prièrent d’aller en toute hâte auprès du roi Minoutchehr, de lui parler au nom de l’armée et de dire :

Nous sommes tous des hommes sans importance, nous ne possédons la terre que sous tes ordres ; quelques-uns de nous ont des troupeaux, d’autres des terres ensemencées et des maisons.

Mais nous n’avons eu aucune liberté dans cette guerre, il fallait y aller par ordre du roi.

Nous ne sommes venus au combat que comme soldats, mais non de notre volonté et par désir de vengeance.

Maintenant nous sommes tous les esclaves du roi, notre tête est soumise à ses ordres et à sa volonté.

S’il veut se venger et verser notre sang, nous n’avons pas la force de le combattre.

Nous, les chefs de l’armée, sommes venus tous auprès du roi, nous tous sommes venus dans notre innocence.

Il peut faire tout ce qu’il désire, il est le maître de nos âmes innocentes.

Le sage prononça ces paroles et le roi lui prêta l’oreille avec étonnement, puis il lui répondit :

Je foulerai aux pieds tout désir de vengeance, je rendrai glorieux mon nom par ma clémence.

Que tout ce qui n’est pas dans la voie de Dieu, que tout ce qui est dans la voie d’Ahriman et du mal, s’éloigne de mes yeux !

Que le corps des Divs soit affligé de maux !

Écoutez, vous tous, que vous soyez mes ennemis, que vous soyez mes amis et mes alliés, puisque Dieu qui accorde le succès nous a aidés et que le coupable a été distingué de l’innocent ; puisque le jour de la justice est arrivé et que le jour de l’injustice est passé, les chefs n’ont plus à craindre d’être mis à mort.

Cherchez tous à vous faire aimer, faites vos incantations, dépouillez-vous de vos armes, vivez sagement et dans la foi pure, gardez-vous de faire du mal, renoncez à toute pensée de vengeance ; et en tout lieu que vous cultiverez, soit en Touran, soit en Chine, soit dans le pays de Roum, puisse tout bonheur vous accompagner et la sérénité d’âme habiter en vous !

Tous les grands rendirent hommage au roi illustre plein de justice et une voix s’éleva des tentes du roi, disant :

Ô vous, héros de bon conseil, ne versez plus le sang étourdiment, car la fortune des tyrans a baissé.

Là-dessus tous les guerriers de Chine inclinèrent leurs têtes jusqu’à terre et apportèrent devant le fils de Pescheng toutes leurs armes et tous leurs instruments de guerre.

Ils vinrent auprès de lui, bande par bande et formèrent avec leurs cuirasses, leurs casques, leurs armures de chevaux, leurs massues et leurs épées indiennes, un monceau haut comme une montagne.

Le roi Minoutchehr les reçut gracieusement et leur distribua des dignités selon leur mérite.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021