Zohak

Feridoun voit les filles de Djemschid

...

Il vit un talisman que Zohak avait préparé et dont la tête s’élevait jusqu’au ciel ; Feridoun le jeta du haut en bas, parce qu’il vit qu’il portait un nom autre que celui de Dieu.

Il frappa de sa massue à tête de bœuf la poitrine de tous ceux qui s’offraient à lui ; avec sa lourde massue il brisa les têtes des magiciens qui se trouvaient dans le palais et qui tous étaient des Divs valeureux et renommés ; il s’assit sur le trône du roi idolâtre, il plaça son pied sur le trône de Zohak, il s’empara de sa couronne royale et prit sa place.

Il regarda de tous côtés dans son palais, mais il ne trouva aucune trace de Zohak ; il tira de l’appartement des femmes deux belles aux yeux noirs, au visage brillant comme le soleil.

Il ordonna d’abord de laver leurs corps, puis se mit à purger leurs âmes de leurs ténèbres.

Il leur montra la voie du très-saint juge du monde et les purifia de leurs souillures, car elles avaient été élevées par les idolâtres et elles avaient l’esprit troublé, comme des gens ivres de vin.

Puis ces filles du roi Djemschid, arrosant leurs joues de roses avec leurs yeux de narcisse, ouvrirent leurs bouches devant Feridoun, en disant :

Puisses-tu rester jeune jusqu’à ce que le monde ait vieilli !

Quelle a été ton étoile, ô bienheureux !

Quelle est la branche qui a porté un tel fruit !

Tu t’es assis sur la couche du lion, tu es venu bravement, ô homme de cœur !

Oh !

Que nous avons souffert de maux et de douleurs de cet adorateur d’Ahriman aux épaules de serpent !

Combien de fois le ciel n’a-t-il pas tourné sur nous durant ces infortunes que nous a fait subir le magicien insensé !

Nous n’avons pas encore vu un homme qui fût doué d’une telle force, qui possédât un tel degré de talent, qu’il osât porter ses vues sur le trône de Zohak, quelque désir qu’il eut de se mettre à sa place.

Feridoun leur répondit :

Le bonheur et le trône ne restent à personne pour toujours.

Je suis le fils du bienheureux Abtin, que Zohak a saisi dans le pays d’Iran.

Il l’a tué cruellement et je me suis dirigé vers le trône de Zohak pour chercher vengeance.

Il a tué de même la vache Purmajeh, qui fut ma nourrice et dont le corps entier était une merveille de beauté.

Comment cet homme impur pouvait-il en vouloir à la vie d’un animal muet ?

Je me suis armé, déterminé à le combattre, je suis venu de l’Iran pour prendre vengeance.

Je briserai sa tête avec cette massue à tête de bœuf ; je ne lui accorderai ni pardon ni merci.

Lorsque Arnewaz entendit ces paroles, son cœur pur comprit tout le mystère ; elle lui répondit :

Ô roi !

Tu es Feridoun, destiné à détruire la magie et les enchantements, celui par la main duquel Zohak doit périr, par la bravoure duquel le monde doit être délivré.

Nous étions deux filles innocentes, de race royale, que la crainte de la mort lui a soumises.

Mais comment, ô roi, pourrait-on supporter de se coucher et de se lever avec un serpent pour compagnon ?

Feridoun leur répondit :

Si le ciel m’accorde d’en haut la justice qui m’est due, j’arracherai de la terre le pied du dragon ; d’impur qu’il est, je rendrai pur le monde.

Il faut maintenant me dire avec vérité où est cet odieux serpent.

Les femmes au beau visage lui dirent le secret, espérant que la tête du serpent se trouverait enfin sous le couteau.

Elles lui dirent :

Il est allé dans l’Hindoustan pour y pratiquer les arts du pays de la magie.

Il y coupera la tête à mille innocents, car il a peur de la mauvaise fortune depuis qu’un sage lui a prédit que la terre serait délivrée de lui, que quelqu’un viendrait prendre son trône et son pouvoir et faire pâlir sa fortune.

Son cœur est en feu de ce présage, la vie lui est devenue amère ; il verse le sang des bêtes, des hommes et des femmes, en fait remplir une baignoire, et, espérant de rendre vaine la prédiction des astrologues, il se lave de sang la tête et le corps.

En même temps les douleurs que lui fout souffrir depuis longtemps les deux serpents sur ses épaules, l’ont rendu comme insensé ; il va d’un pays à l’autre, mais le supplice des deux noirs serpents ne lui laisse pas de sommeil.

Maintenant est arrivé le temps de son retour, car il ne pourra demeurer dans aucun lieu.

La belle au cœur brisé lui raconta ainsi ce secret et le héros à la tête haute l’écoute avec attention.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021