Zohak

Ce qui se passa entre Feridoun et le lieutenant de Zohak

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Zohak avait un homme de confiance humble comme un esclave et quand il quittait le pays, il lui confiait son trône, son trésor et son palais, car son maître admirait son vif attachement.

Son nom était Kenderev, car il marchait d’un pas fier devant l’impur Zohak.

Kenderev vint au palais en toute hâte et trouva dans la salle royale un nouveau maître de la couronne, tranquillement assis à la place d’honneur, comme un grand cyprès au-dessus duquel brille la lune ; d’un côté du roi était Schehrinaz à la taille de cyprès, de l’autre, Arnewaz à la face de lune.

Toute la ville était remplie de son armée prête pour le combat et formée en lignes devant la porte du palais.

Il ne montra aucune émotion, il ne demanda pas l’explication de ce mystère et s’avança en prononçant des bénédictions et en saluant le roi.

Il rendit hommage à Feridoun en disant :

Roi, puisse ta vie être aussi longue que la durée du temps !

Que ta possession du trône soit bénie et glorieuse, car tu es digne d’être le roi des rois ; que les sept zones de la terre t’obéissent !

Que ta tête s’élève plus haut que les nuages qui donnent la pluie !

Feridoun lui ordonna de s’avancer et de lui dire tous ses secrets, il lui ordonna de préparer ce qui était nécessaire pour une fête royale.

Apporte du vin, amène des musiciens, remplis les coupes, apprête les tables.

Quiconque sait faire de la musique qui soit digne de moi, quiconque peut me faire plaisir dans une fête, amène-le-moi.

Prépare devant mon trône une assemblée comme il convient à ma fortune.

Kenderev ayant entendu ses paroles, se mit à exécuter les ordres du nouveau maître.

Il apporta du vin brillant et amena des musiciens et des grands dignes de Feridoun et ornés, de pierreries.

Feridoun, en buvant du vin et en choisissant les chants, fit de cette nuit une fête digne d’un roi.

Lorsque le jour parut, Kenderev sortit de la présence du nouveau roi, il monta un cheval avide de course et se tourna vers le roi Zohak.

Il partit et arrivé auprès de son maître, il lui raconta ce qu’il avait vu et entendu, en disant :

Ô roi d’un peuple fier, il y a des signes qui annoncent l’abaissement de ta fortune.

Trois hommes puissants sont venus d’un pays étranger avec une armée.

Le plus jeune se tient au milieu des aînés ; sa stature est celle d’un prince, sa figure celle d’un roi ; il est plus jeune d’âge, mais plus grand en dignité et prend le pas sur ses aînés.

Il porte une massue semblable au fragment d’un rocher et brille au milieu de la foule.

Il est entré a cheval dans le palais du roi et avec lui ses deux illustres compagnons.

Il est allé s’asseoir sur le trône royal, il a brisé tous tes talismans et toutes les œuvres de ta magie ; tous les grands et tous les Divs qui se trouvaient dans ton palais, il leur a abattu la tête du haut de son cheval, il a mêlé leurs cervelles avec leur sang.

Zohak répondit :

Il parait que c’est un hôte, il faut s’en réjouir.

Le serviteur reprend :

Quel hôte est celui qui, avec une massue à tête de bœuf, s’assied hardiment dans ton lieu de repos, efface ton nom de ta couronne et de ta ceinture et qui attire ton peuple ingrat à sa propre religion !

Reconnais en lui un hôte si tu le peux.

Zohak lui dit :

Ne te lamente pas ainsi, un hôte hardi est de bon augure.

Kenderev lui répliqua :

J’ai écouté tes paroles, écoute ma réponse : si ce prince est ton hôte, qu’a-t-il à faire dans l’appartement de tes femmes ?

Pourquoi s’assied-il auprès des filles du roi Djem et tient-il avec elles conseil sur toutes choses, grandes et petites ?

D’une main, il prend la joue rose de Schehrinaz, de l’autre la lèvre de rubis d’Arnewaz.

Pendant la nuit il fera mieux que cela, il se fera au-dessous de sa tête une couche de musc, car elles sont comme du musc les deux boucles de cheveux des deux lunes qui ont toujours fait les délices de ton cœur.

Zohak devint furieux comme un loup en entendant ces paroles, il désira la mort et sa colère se déchaîna contre ce malheureux par des injures atroces et des cris de fureur.

Il lui dit :

Dorénavant je ne te confierai plus la garde de mon palais.

Le serviteur lui répondit :

Ô mon roi, je soupçonne que dorénavant tu n’as plus rien à espérer de la fortune : comment donc me confierais-tu le gouvernement de ton pays et comment, dépouillé de toute autorité, me donnerais-tu le soin de l’administration ?

Tu es sorti du lieu de ta puissance comme un cheveu qu’on tire de la pâte.

Maintenant, roi, cherche un remède.

Pourquoi ne t’occupes-tu pas toi-même de ton affaire ?

Jamais chose pareille ne t’est arrivée.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021