Yezdegird

Date de l'achèvement du livre des rois

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Soixante années avaient passé sur ma tête, mon esprit devenait soucieux et triste ; plus je recherchais avec ardeur l’histoire des rois et plus mon étoile ralentissait sa marche.

De grands personnages distingués par le savoir et la naissance, plusieurs hommes renommés et fiers qui doivent leur réputation à ce livre, le copiaient gratuitement et moi, assis à l’écart, je les regardais faire et l’on m’aurait pris pour un mercenaire à leurs gages.

Des éloges, voila tout ce que j’ai obtenu d’eux ; mais, au milieu de ces éloges, ma force s’épuisait.

Les caisses vénérables demeuraient fermées et mon cœur s’affligeait de les trouver toujours closes.

Cependant, parmi les nobles et illustres habitants de la ville, Abou Dolaf Ali, le Deïlemite, cet homme équitable à l’âme brillante, m’a traité toujours avec bonté.

Abou Nasr Warrak, lui aussi, a beaucoup obtenu des grands en faveur de ce livre et un autre seigneur, Housein, fils de Kotaïba, n’a pas reçu mes vers sans me récompenser.

C’est lui qui m’a donné de la nourriture, des vêlements, de l’argent et de l’or ; c’est lui qui m’a fourni les moyens de mouvoir pied et aile.

Je n’avais à m’inquiéter en aucune façon du Kharadj et je passais mes jours dans l’abondance.

Lorsque j’atteignis soixante et onze ans, le ciel s’humilia devant mon poème.

Pendant trente-cinq années passées dans ce monde périssable, je me suis épuisé en efforts pour obtenir une récompense ; mais ces efforts ont été stériles et ces trente-cinq années n’ont rien produit.

Aujourd’hui ma vie touche à sa quatre-vingtième année et mes espérances se sont évanouies d’un seul coup.

J’ai achevé l’histoire de Yezdegird le jour de Ard du mois de Sefendarmed (25 février 1010 de J.C.) ; lorsqu’il s’était écoulé cinq fois quatre-vingts ans depuis l’hégire, j’ai terminé ce livre digne des rois.

Que le trône de Mahmoud soit florissant, que sa tête demeure jeune et son cœur joyeux !

Qu’il possède la sagesse, le savoir et la noblesse !

Qu’il soit le flambeau des Persans et le soleil des Arabes !

Les louanges que je lui ai prodiguées demeureront éternellement dans le monde : j’ai reçu de nombreuses louanges des grands, celles que je lui ai données sont plus nombreuses encore.

Puisse ce sage monarque vivre éternellement et que ses actes s’accomplissent selon le désir de son cœur !

Je lui lègue en souvenir ce poème qui compte six fois dix mille distiques.

Le voici terminé ce glorieux poème et l’éclat de ma gloire va remplir le monde ; je ne mourrai pas et mon nom deviendra immortel, car j’ai répandu la semence du bien dire.

Tout homme intelligent, sage et pieux bénira ma mémoire quand je ne serai plus.

Je répands mille louanges, mille bénédictions sur le Prophète élu de Dieu et j’adresse autant de louanges aux membres de sa famille, par respect pour la religion.

-- FIN --

Le 25 février 1010.

Dernière mise à jour : 8 sept. 2021