Yezdegird

Bijen livre bataille à Mahouï et le tue

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Bijen, après avoir rangé son armée en bataille, voulut attaquer en masse les Iraniens ; Mahouï, placé au centre, devina son dessein et s’éloigna en gémissant du milieu de ses troupes.

Bijen vit flotter son étendard et comprit qu’il prenait le parti de fuir ; il dit alors à Barsam :

Fais avancer du centre toutes les troupes dont tu disposes ; il ne faut pas que Mahouï Souri refuse le combat ni qu’il se réfugie en toute hâte vers l’Oxus.

Ne le perds pas de vue un seul instant et agis de façon que nous en venions à bout d’une autre manière.

Barsam, le Chinois, apercevant le drapeau de Mahouï, fit mouvoir son armée en masse et la conduisit rapidement jusqu’aux abords de la ville de Farab ; les traits contractés par la colère, la bouche pleine de malédictions, il atteignit Mahouï dans les sables de Farab.

S’affermissant sur ses étriers, il piqua droit sur lui ; arrivé en face de son adversaire, au lieu de le frapper de son épée, il agit avec plus d’audace : il le saisit par la ceinture, l’enleva de selle et le posa par terre sans effort ; puis il descendit de cheval, lui lia les mains, et, remontant à cheval, il le poussa devant lui.

En ce moment arrivèrent les compagnons de Barsam, remplissant de tumulte toute la plaine ; ils exhortèrent leur chef à ne pas emmener son prisonnier et à lui abattre la tête d’un coup de hache.

Mais Barsam leur répondit :

Il ne convient pas d’agir ainsi, puisque Bijen n’est pas informé de la capture de son ennemi.

Bijen apprit aussitôt qu’on avait fait prisonnier l’esclave impie, l’ambitieux Mahouï à l’esprit pervers, l’homme méchant et sans religion qui avait tué son maître.

Cette nouvelle réjouit le cœur de Bijen, il devint souriant et bannit ses alarmes.

On piqua une grande lance dans la terre sablonneuse et molle ; en ce moment Mahouï arrivait rapide comme le semoum ; ce scélérat aperçut Bijen et la raison abandonna sa cervelle ; frappé d’épouvante et semblable à un corps sans âme, il répandit de la poussière sur sa tête.

Homme infâme, lui dit Bijen, je ne souhaite à personne un esclave tel que toi ; pourquoi as-tu fait périr le roi juste, le maître de la victoire et du trône, le fils des rois, roi lui-même et dernier rejeton de Nouschirwan en ce monde ?

Mahouï répondit :

Qu’attendre d’un méchant si ce n’est le meurtre et l’injure ?

En expiation du mal que j’ai fait, prends ma tête et jette-la devant cette armée.

En effet, Mahouï redoutait d’être écorché vif et traîné dans son sang, en punition de son crime ; mais le vaillant Bijen comprit sa pensée secrète ; il lui fit attendre quelque temps sa réponse et lui dit enfin :

Je veux t’infliger un châtiment qui satisfasse la colère de mon cœur, puisque, dénué de courage, de sagesse, de raison et de caractère, comme tu l’es, tu as convoité la couronne du roi.

Et d’un coup de sabre il lui coupa la main en disant :

Cette main n’a jamais eu d’égale dans le crime.

Ensuite, il lui fit couper les deux pieds pour qu’il restât sans mouvement et lui fit arracher les oreilles et le nez ; puis il monta à cheval, en ordonnant qu’on le laissât exposé sur le sable brûlant, jusqu’à ce qu’il expirât dans la honte.

Enfin, il lui abattit la tête, la jeta sous ses pieds et se mit à table.

Un héraut fit le tour du camp, et, passant sur le seuil des tentes, cria :

Esclaves assassins de vos maîtres, ne livrez pas votre esprit à de folles espérances.

Que celui qui n’épargne pas la vie d’un roi ait le sort de Mahouï et qu’il n’obtienne jamais la puissance !

Mahouï avait dans son armée trois fils qui possédaient chacun un trône et un diadème ; on alluma au même endroit un grand bûcher où tous les trois brûlèrent avec leurs pères.

Il ne resta personne de cette race, ou si quelque rejeton lui survécut, tous ceux qui le rencontraient le chassèrent de leur présence ; les grands maudirent cette famille et la poursuivirent de leur haine à cause du meurtre du roi, en disant :

Malédiction sur elle !

Et puisse-t-il ne manquer jamais d’hommes pour la maudire !

Désormais l’ère d’Omar était arrivée : elle apportait une religion nouvelle et remplaçait le trône par la chaire.

Dernière mise à jour : 1 janv. 2022