Schapour fils de Schapour

Commencement du récit

...

Lorsque Schapour s’assit sur le trône à la place de son oncle, beaucoup d’Iraniens en furent contents, d’autres s’en affligèrent.

Il dit :

Ô sages illustres, Mobeds pleins d’expérience et de bon conseil !

Sachez que celui qui fait un mensonge est dès lors déshonoré à mes yeux.

Mentir n’est pas une chose sensée et c’est par le sens que l’on conserve le pouvoir.

Tu ne trouveras pas un ami dans l’homme vil ; ne sème pas de mauvaises herbes dans le jardin.

Quiconque a de la tête doit s’abstenir d’accuser un autre légèrement.

Il faut veiller sur sa langue, il faut se garder d’aiguiser son esprit avec du poison ; quiconque parle trop dans l’assemblée diminue sa députation ; mais si un homme savant parle, écoute-le, car la parole du savoir ne vieillit jamais.

Le cœur de l’homme avide est rempli d’amertume, tiens-toi loin de l’avidité autant que tu peux.

Ne contracte pas d’amitié avec le menteur ni avec l’homme aux intentions impures.

La nature d’un noble homme consiste en quatre qualités, dont toutes les quatre lui sont nécessaires.

D’abord il faut qu’il soit vaillant, modeste et juste, ensuite noble en toute chose et toujours, troisièmement qu’il prenne le juste milieu dans les affaires et se contente des bienfaits du sort ; enfin qu’il ne dise pas des paroles vaines et qu’il ne cherche pas follement la gloire dans les louanges qu’il se donne à lui-même.

L’homme noble sera heureux dans les deux mondes, mais le cœur de l’homme vil ne sera jamais content ; son nom dans ce monde sera odieux et dans l’autre il n’entrera pas dans le paradis.

Le vaniteux qui dissipe ses biens follement ne laissera pas de nom dans ce monde, mais celui qui choisit la voie du milieu et fait répandre sur sa tête des bénédictions, sera célébré.

Puisse le Créateur du monde vous protéger !

Puisse la fortune toujours veiller sur vous !

Puisse le maître du monde nous être secourable !

Car le trône du pouvoir ne reste à personne.

Il le dit et les grands se levèrent devant lui et appelèrent les grâces de Dieu sur lui.

Cinq années et quatre mois se passèrent ainsi ; mais un jour le roi alla à la chasse et le monde fut rempli de faucons, de guépards et de chiens, les uns volant, les autres courant avec ardeur.

On dressa un baldaquin au-dessus du lit du roi ; il mangea, se reposa, but trois coupes de vin royal, se mit à rêver et s’endormit.

Tous ses amis se dispersèrent lorsque le roi du peuple fut plongé dans le sommeil.

Pendant que le roi dormait, il s’éleva dans la plaine un vent, un vent tel que personne ne s’en rappelait un pareil.

Il arracha la perche qu’on avait enfoncée pour suspendre le baldaquin et la jeta sur la tête du puissant roi.

Le vaillant Schapour, qui avait ambitionné la possession du monde, mourut et laissa le diadème des Keïanides à un autre.

Travaille et jouis, joue et ne te fatigue pas ; pourquoi t’occuper de vengeances, pourquoi te vanter de tes trésors ?

Tel est ton lot sur ce globe sombre ; sois vaillant et ne cherche pas à connaître le mystère du monde, car, si tu le saisissais, tu tremblerais de terreur ; ne t’en enquiers pas et ne tourne pas autour de son secret.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021