Bahram fils de Schapour

Commencement du récit

...

Le roi Schapour avait un fils unique, vieux de sagesse et jeune d’années.

Bahram, plein d’intelligence et de convenance, porta pendant quelque temps le deuil de son père.

Lorsqu’il monta sur le siège du pouvoir, il parla ainsi du haut du trône impérial :

Un roi qui remplit son trésor par des moyens justes, sachez qu’il ne le dissipera pas.

Puisse Dieu, le tout saint, être content de moi !

Puisse le cœur de mes ennemis être rempli de soucis !

Toute sagesse est à Dieu et nous sommes ses serviteurs, car nous sommes exposés à diminuer et à grandir.

Dieu, le maître du monde, est la justice même, car il n’est sujet ni à agrandissement dans la domination, ni à diminution.

Quiconque est riche en générosité, intelligent, vigilant et sage, ne doit pas fermer avec rigueur la porte de son trésor, surtout quand il est le maître du diadème et du trône ; et si tu répands les trésors de la parole, prodigue-les, car la sagesse ne s’épuise pas.

Adresse-toi à Dieu dans le bonheur et dans le malheur, si tu veux que ton bonheur soit durable ; et si tu apprends de lui ce qui est bon et ce qui est mauvais, tu recevras comme récompense le gai paradis ; mais si tu préfères les vanités du monde, tu resteras prisonnier sans rançon dans leurs mains.

Mon espoir en Dieu, le tout saint, est que, lorsque je poserai ma tête dans la poussière noire, il me traitera comme un roi victorieux et comme un homme qui brille dans le monde d’une gloire éternelle.

Répandre la justice dans le monde vaut mieux que de remplir son trésor par des voies injustes ; car le fruit de nos peines restera ici et nos trésors tomberont sans doute entre les mains d’un ennemi.

Le mal et le bien resteront comme un souvenir de nous ; garde-toi donc, autant que tu le peux, de répandre la semence du mal.

Lorsque son règne eut dépassé quatorze ans, il tomba malade et cette gracieuse taille de cyprès se courba.

Il resta longtemps malade et le cœur du peuple fut rempli de douleur.

Il n’avait pas de fils, mais une fille et un frère plus jeune que lui, qui portait le nom de Yezdeguerd et qui était un jeune homme hautain et volontaire.

Le roi fit venir devant lui Yezdeguerd, et, rassemblant toute son armée, remit à son frère le trésor et l’armée, le sceau de l’empire, le trône et le diadème.

Alors mourut ce jeune maître du monde, sur le règne duquel avaient passé deux fois sept ans.

Et toi, vieillard de soixante-trois ans, jusqu’à quand chanteras-tu le vin ?

Ton dernier jour aussi arrivera inopinément ; entre donc dans la porte du repentir et dans la route de la raison.

Puisse Dieu être content de son serviteur !

Puisse mon intelligence être ma richesse et ma parole me profiter, à moi qui fends des cheveux dans mes paroles et en tire dans l’obscurité la trame d’un poème !

Ne t’étonne pas si je termine dans ma vieillesse ce que j’ai entrepris de raconter en honneur du roi des rois, qui frappe de l’épée et dont la tête s’élève au-dessus de toute l’assemblée.

Puisse le monde être aux ordres du roi des rois !

Puisse son trône former la couronne de la lune !

Puisse le trône royal se réjouir de lui, de qui vient l’accomplissement de tout désir, en qui est toute gloire !

Puisse le pouvoir et la sagesse être sa voie !

Puisse la main de ses ennemis être impuissante contre lui !

Puisse le règne de Mahmoud durer tel qu’il est !

Puisse son trône être le diadème sur la tête de la générosité !

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021