Schapour Dhou'l Aktaf

Schapour, dans une attaque de nuit, fait prisonnier le Kaïsar

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Il ne se passa pas beaucoup de temps avant que Schapour eût autour de lui un corps de six mille hommes.

Il envoya à Thisifoun des grands qui avaient de l’expérience, pour épier l’état des choses et lui rendre compte de ce que faisait le Kaïsar dans sa grande et magnifique cour.

Les observateurs partirent en secret pour s’informer clandestinement des affaires du monde, et, ayant tout vu, ils revinrent auprès du roi qui portait haut la tête, disant :

Le Kaïsar est trop occupé à boire et à chasser pour a penser à la guerre ; son armée est dispersée de tous côtés et s’emploie à ravager toutes les frontières : on ne fait pas de rondes le jour ni de garde la nuit et l’armée est comme un [ronpeau sans pâtre.

Le et Kaîsar ne soupçonne d’ennemi nulle part, il se plait à vivre à son aise. »

’ Schapour fut heureux de ces nouvelles ; toutes les peines qu’il avait endurées lui parurent comme le vent qui passe.

Il choisit parmi les Iraniens trois mille hommes couverts de cottes de mailles et montés sur des chevaux caparaçonnés ; la nuit venue. il mit une cuirasse de couleur sombre et conduisit ses troupes vers Thisifoun.

Il marchait rapidement pendant les ténèbres des nuits et se mettait à couvert pendant la clarté des jours.

Il traversait ainsi des déserts et des montagnes, lui et son armée, par des chemins non frayés et toujours, qu’il y eût une route ou non, se faisant éclairer en avant, à plus de deux farsangs de distance.

Il continua ainsi jusqu’auprès de Thisifoun, précédé par des détachements de cavaliers et arriva près du camp des Roumis lorsque la troisième garde de la nuit était passée ; il n’avait aucune peur du Kaïsar, mais il entendait, venant du camp, le son des timbales, les cris des sentinelles et le chant des coqs.

Toute la plaine était couverte de tentes, grandes et petites, mais qui pouvait se douter qu’il allait attaquer?Le Kaïsar était ivre de vin dans sa tente et tout le pays était encombré par ses Lorsque le vaillant Sphapour vit cetétat des choses, troupes. : il lâcha la bride à son royal destrier, lança ses troupes contre le camp, étendit la main et décrocha sa lourde massue ; le son des trompettes monta jusqu’aux nues ; de place en place, sur toutes les limites du camp, on entendit le fracas des massues et le tintement, des clochettes et de tous côtés s’élevait le cliquetis des armes ; on aurait cru que la voûte du ciel se fendait et que le soleil faisait dégoutter du sang

Dans l’air ; le drapeau de Kaweh étincelait au milieu de la nuit sombre et des épées bleues ; on aurait dit qu’il tombait une pluie d’épées et qu’un brouillard enveloppait le monde ; les montagnes disparurent sous la poussière que soulevait l’armée et les étoiles relevèrent le pan de leur robe pour s’en gamina.

Schapour bouleversa l’enceinte des tentes de ce Kaïsar sans valeur ; on y mit le feu dans tous les coins, on fit tomber le ciel sur la terre ; on tua beau-coup de Roumis et mute la plaine fut couverte de dos, de mains et de troncs.

À la fin le Kaïsar fut. pris car sa bonne étoile se retirait de lui.

On saisit dans leurs tentes beaucoup de ses grands, de ses cavaliers vaillants et choisis et ou les chargea de chaînes.

Telle est la rotation du ciel sublime, tantôt il nous’élève, tantôt il nous précipite, tantôt il nous donne la joie, tantôt le chagrin.

Ce qu’il y a de mieux, c’est de se montrer humain et de s’abstenir de faire de la peine ; alors le Créateur est notre soutien.

Lorsque le jour fut venu, que la nuit eut. retiré le pan de sa robe et que le drapeau du soleil se fut montré en haut, Schapour demanda un scribe, des roseaux, du papier, du musc et de l’ambre et adressa des lettres à chaque province, à chaque roi, à tous les grands, commençant ainsi :

Les grâces de mon a âme soient rendues au Créateur du monde, qui est secourable à cm pratiquent la vertu et n’a be-î soin du secours de la force de personne.

C’est lui qui a créé le monde, lui qui est le seul guide vers le bien, Aussi le Kaïsar, qui avait méprisé les ordres de Dieu et n’avait semé dans l’Iran que la semence de l’avidité, porte-t-il misérablement des chaînes, parce que son âme n’avait pas pris la raison pour guide : il a dû abandonner la couronne de l’Iran à un plus digne et n’a emporté du monde qu’un nom infâme.

Cette armée et ce trône sont brisés par la force que m’a donnée Dieu qui m’a guidé et quiconque de vous rencontre un Roumi dans ce pays, qu’il le fasse périr par l’épée.

Recherchez la justice. suivez mes ordres et renouvelez le pacte du devoir envers moi. »

Des dromadaires de course portèrent de tous côtés les lettres de ce roi à l’esprit serein.

Schapour alla du camp à Thisifoun et s’y établit sans difficulté et en maître.

Il plaça sur sa tête la couronne de ses ancêtres et adressa des prières à Dieu, l’auteur de tout bien.

Il prépara un présent pour le jardinier et lui réjouit le cœur.

Il ordonna à un scribe de se rendre dans la prison et d’écrire sur du papier les noms des prisonniers ; on y compta mille deux cent deux grands du Roum, tous hommes illustres, tous parents et alliés du Kaïsar et vraiment les plus grands seigneurs du pays.

Le roi fit couper les mains et les pieds à tous ceux d’entre eux qui avaient été les instigateurs du mal, puis il demanda.

Qu’on amenât le Kaïsar de Roum, chef des armées de ce pays.

Un bourreau alla, saisit le Kaïsar par la main et l’amena de la prison, poussant des lamentations étonnantes.

Lorsque le tyran vit le trône de Schapour, ses larmes coulèrent sur ses joues.

Il frotta son visage sur le sol et bénit le trône et la couronne ; il balaya la terre avec’ses cils et se prosterna le visage et le corps dans la poussière. ’ Le roi lui dit :

Ô toi qui es de mauvaise nature, qui es chrétien et ennemi de Dieu ; tu attribues un fils à celui qui n’a pas de compagne, qui n’a ni commencement ni fin.

Vous ne savez dire que des mensonges, mais le mensonge est un méchant feu sans éclat.

Si tu es un Kaïsar, où sont ta générosité et ton sens, où est la voie que la bouté du cœur t’indiquerait ?

Pourquoi m’as-tu enfermé dans une peau d’âne et jeté sur le sol comme une chose vile?’.t’arrivais en marchand pour une fête et non pas pour un combat avec des timbales et une armée et tu as mis ton hôte dans une peau d’âne, puis tu es parti pour l’Iran avec une armée.

Maintenant tu vas voir à l’œuvre des hommes vaillants et tu ne chercheras plus à combattre l’Iran. »

Le Kaïsar répondit :

Ô roi !

Qui peut se soustraire aux ordres de Dieu ?

Le trône de la royauté m’avait privé de la raison et avait fait de moi un mercenaire du Div ; mais si tu rends le bien pour le mal, tu seras célèbre dans le monde entier, la gloire ne vieillira i

-’ a ’N L jamais et tout ce que tu désires réussira par l’effet de ta valeur.

Si tu m’accordes grâce de la vie, je ne regretterai pas mon trésor d’on-je serai un des esclaves de la cour du roi, je n’aurai d’autre désir que d’être un ornement de son trône. »

Le roi lui dit :

Ô homme méchant et vil !

Pourquoi as-tu bouleversé ce pays entier ?

Avant tout j’exige de toi que tu fasses rendre tous les prisonniers que tu as emmenés de l’Iran ; ensuite, tous les trésors que tu as emportés dans le Roum, -puisses-tu ne jamais revoir ce pays maudit ! -tu les feras rapporter de ton palais, tu les rendras à ce peuple qui porte haut la tête.

Partout où tu as fait un désert dans l’Iran, partout où les léopards et leslions ont fait leurs repaires, tu relèvéras les ruines à tes frais et tu seras ainsi puni de tes méfaits.

Puis tu feras venir du Roum des hommes de famille royale et pour chaque Iranien que tu as tué tu me’donneras dix Roumis en compensation, tu me donneras en gage leur âme et leur vie ; mais je ne veux que des hommes de la race des Kaïsars, pour qu’ils restent avec moi dans ce pays heureux.

Enfin, partout où tu as coupé un arbre dans l’Iran, -jamais homme de bien ne coupe un arbre qui appartient à un autre, -tu le replanteras et tu relèveras les murs, dans l’espoir de diminuer ainsi la colère dans le cœur du peuple.

Maintenant que tu es dans mes chaînes, comment te pardonnerai-je la peau d’âne ? oQ

Si tu ne fais pas tout ce que j’ai dit, je le ferai dé- :

chirer la peau de la tête aux pieds. »

Il fit fendre au Kaïsar les deux oreilles avec un poignard, lui percer le nez et] passer un morceau de bois comme la bride du chameau, en souvenir de la peau d’âne ; puis il fit attacher à ses pieds deux lourdes chaînes et le bourreau le reconduisit en prison.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021