Schapour Dhou'l Aktaf

Commencement du récit

...

Le trône resta inoccupé pendant quelque temps et la tête des grands fut remplie de soucis.

Le Grand Mobed examina l’appartement des femmes du roi et y trouva une femme aux joues de tulipe, brillante comme la lune ; la pointe de ses paupières ressemblait à un poignard du Kaboul ; les deux boucles de ses cheveux étaient entortillées comme l’écriture babylonienne, formant des chaînes tressées l’une dans l’autre, roulées en nœud et relevées par les bouts.

Cette femme au visage de Péri cachait dans son sein un enfant et le monde se réjouit de cette reine aux belles joues.

On suspendit au-dessus de sa tête une couronne et l’on versa sur cette couronne de l’or et de l’argent.

Un peu de temps se passa et la reine mit au monde un fils qui ressemblait au soleil.

Un Dihkan, fils de Mobed, qui récitait des traditions, m’a conté ainsi cette histoire : Le Grand Mobed donna à l’enfant le nom de Schapour et célébra dans sa joie une grande fête.

On aurait dit que toute la majesté divine brillait dans cet enfant et que l’ombre du drapeau de l’intelligence le couvrait.

Pendant quarante jours résonnait la musique et coulait le vin, puis on prépara un trône royal et les héros aux ceintures d’or suspendirent au-dessus une couronne d’or ; on rassasia de lait le petit prince, on l’enveloppa d’étoiles de soie, on plaça cet enfant de quarante jours sur le trône de son glorieux père et au-dessous de la couronne, on le salua comme roi et tous les grands répandirent sur lui des pierreries.

Il y eut un Mobed, du nom de Mahrouï, qui avait de l’intelligence, de la tenue et un caractère heureux : il vint et s’assit sur un siège d’or, mais il se conduisit devant le roi comme un humble serviteur.

Il gouverna le monde avec justice et prudence et fut le guide du peuple vers tout ce qui est bien ; il augmenta le trésor et l’armée du roi, il para son palais et son trône et cinq années se passèrent ainsi, pendant lesquelles l’enfant acquit de la dignité et des forces.

Or un soir le roi était assis à Thisifoun (Ctésiphon) et le Mobed intelligent se tenait devant lui ; à l’heure où le soleil pâlissait et le voile sombre de la nuit paraissait, on entendit un grand bruit de voix du côté du fleuve Arwend (Tigre) et l’enfant dit au Mobed :

Qu’est-ce qu’il y a ?

Le Mobed répondit au jeune roi :

Ô vaillant roi, au cœur bon, aux traces fortunées !

Les marchands et les hommes de peine reviennent maintenant de leurs boutiques à leurs maisons et quand ils passent l’un près de l’autre sur le Djileh (Tigre), en foulant de leurs pieds ce pont étroit, chacun, de peur d’être poussé dans l’eau, jette des cris en courant.

Schapour dit aux Mobeds :

Ô mes conseillers illustres et pleins de sagesse !

Il faut jeter encore un pont, pour qu’il y ait un chemin pour aller et un pour venir et que mes sujets, qu’ils soient de l’armée ou de mes serviteurs, n’aient pas tant de peine à passer leur chemin.

Il faut tirer pour cela beaucoup d’argent du trésor.

Tous les Mobeds furent heureux de voir que ce jeune arbre commençait à verdir ; et le Grand Mobed fit construire un autre pont, selon l’ordre du jeune roi.

Le cœur de sa mère se réjouit de cela ; elle lui amena des savants et bientôt l’enfant fit de tels progrès dans ses études qu’il dépassait ses maîtres.

À sept ans, il commença les exercices sur le Meïdan, établit des luttes et joua à la balle ; à huit ans, il observa les coutumes du trône et du diadème ; on aurait dit que c’était le roi Bahram ; il donna à son corps toutes les grâces royales et fixa sa résidence à Isthakhr, en suivant l’exemple de ses glorieux ancêtres, de sa famille noble, fière et pleine de vertus.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021