Kesra Nouschirwan

Barzouï apporte de l'Inde le Calila et Dimna

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Fais attention à ce que Schadan fils de Benin a raconté quand il a dévoilé le secret des actions de.

Nouschirwan, le roi des rois ; puisse son nom rester toujours jeune !

Il avait l’habitude d’appeler des.

Mobeds versés dans toutes les sciences etd’en faire l’ornement de sa cour ; c’étaient des médecins, des orateurs, des hommes vaillants et d’illustres interprètes de songes.

Parmi eux était un homme célèbre, un grand homme, qui était comme un diadème au-dessus de tontes les têtes : c’était Barzouï, un médecin éloquent, qui, étant devenu vieux, aimait à parler ; il avait sa part dans toutes les sciences et chacune de ces parts aurait suffi pour lui donner de la renommée dans le monde entier.

Or un jour il se présenta devant le glorieux roi à l’heure de l’audience et lui dit :

Ô vroi, ami du savoir, qui recherches la science et t’en souviens !

J’ai parcouru aujourd’hui dans une disposition d’esprit sereine un livre indien ; il y est écrit que sur une montagne de l’Inde il croît une plante brillante comme du satin roumi ; si un homme habile la cueille et en fait une mixture à l’aide de la science, si ensuite on la répand sur un mort, il recouvre infailliblement et sur l’heure la parole.

Si le roi le permet, je vais entreprendre ce difficile voyage.

J’emploierai toute ma science pour me guider et j’espère accomplir cette merveille.

Il ne serait que juste que les morts ressuscitassent, puisque le monde a pour roi Nouschirwan. »

Le roi répondit :

je : Il n’est pas probable que cela sera, mais il faut peut-être essayer.

Porte au Radja hindou une lettre de moi, étudie la nature de ces idolâtres de l’Inde,

demande à un ami de t’assister dans cette affaire, demande de l’aide à la fortune qui veille sur toi.

Ce sera le sujet d’un grand étonnement dans le monde. qu’une science occulte naisse de ces paroles que tu as lues.

Emporte chez le Badja tout ce qu’il faut, car sans doute tu auras besoin de lui pour obtenir un guide. »

Nouschirwan ouvrit la porte de ses trésors et fit préparer trois cents charges de chameaux composées de tout ce qui est digne d’un roi, en or, en brocarts, en fourrures, en satins, en sceaux, en diadèmes, en musc et en ambre.

L’envoyé quitta cette cour, arriva chez le Radja, lui remit la lettre et ouvrit devant lui les couvercles des caisses.

Le Radja lut la lettre du roi et dit a Ô homme aux intentions pures !

Kesra n’a point besoin de m’envoyer des trésors : nos personnes, nos armées, nos royaumes ne tout qu’un.

La justice, la majesté, la gloire du roi, la splendeur de sa fortune et sa puissance sont telles qu’il ne serait pas étonnant qu’il ressuscitât les morts.

Tous les Brahmanes qui demeurent dans la montagne t’aideront dans ton plan.

Mon fortuné Destour, l’adorateur des idoles, mon trésor et mon riche trésorier, tout ce qu’il y a de bon et de man. vais dans l’Inde, sont à ta disposition, toute ma puissance dans les grandes et petites choses està »

TOl. »

On lui prépara auprès du Radja un bel appartement, digne de lui ; on lui envoya des tentures et de la nourriture, des vêtements doux au toucher et des tapis et il passa toute la nuit avec les Mobeds, les sages et les grands du Kanoudj.

Lorsque le jour brillant leva sa tété sur la montagne et que le flambeau qui éclaire le monde parut, le Badja fit appeler les médecins savants et tous ceux qui, parleur science, pouvaient servir de guides et leur ordonna de se rendre auprès du sage et d’écouter tout ce que Barzouï leur dirait.

Tous les savants, tous ceux qui étaient experts dans l’art de guérir vinrent et lorsque Bârzouï partit pour la montagne, les médecins l’accompagnèrent en foule.

Il parcourut à pied toutes les montagnes avec un savant guide et parmi les herbes qu’il vit il en choisit de sèches et de fraîches, de fanées et d’autres qui étaient dans tout leur éclat.

Il broya toutes ces espèces, sèches ou fraîches et les répandit sur des morts, mais ces herbes ne ressuscitèrent pas un seul mort ; il paraît que cette médecine avait perdu sa vertu.

Il traversa à pied toutes les parties de ces montagnes ; mais sa peine ne produisit aucun fruit et il comprit que la résurrection ne peut être l’œuvre que de ce roi qui est éternel et dont le pouvoir ne cessera jamais.

Son cœur était agité par la crainte des railleries du roi et de ses grands ; il était contrarié d’avoir entrepris un voyage’si pénible, d’avoir apporté de si

Grands présents et prononcé des paroles si insensées ; il avait le cœur serré de ce qu’il avait trouvé écrit et de ce que cet homme ignorant et au cœur de pierre avait écrit follement et légèrement une chose qui portait pour fruit des fatigues et des ’reproches.

Puis, il dit a ces sages :

Ô hommés nobles, expérimentés et célébrés !

Connaissez-vous quelqu’un de plus savant que vous-mêmes et qui élève sa tête au-dessus de la foule ? »

L’assemblée répondit unanimement :

Il y a ici un vieillard savant.

Il nous dépasse en âge et en intelligence, il est plus savant que les plus savants. »

Barzouï dit alors aux Indiens :

Ô hommes illustres, à l’esprit éclairé !

Ajoutez une nouvelle peine à celles que vous vous êtes déjà données pour moi et guidez-moi vers lui.

Il se peut que ce savant et éloquent vieillard puisse m’aider en cette affaire. »

Ils l’amenèrent, le cœur rempli de soucis, les lèvres pleines de paroles, chez ce savant et lorsque l’éloquent Barzouï fut en présence du sage, il lui raconta toutes ses peines, les conséquences que les paroles qu’il avait trouvées écrites avaient eues et ce que les hommes expérimentés lui avaient dit.

Le sa»

Vant vieillard prit la parole et lui fit un discours plein de toute science, disant :

Moi aussi j’ai trouvé cela dans les livres et me suis adonné ardemment à cette recherche ; mais comme toutes mes peines n’ont donné aucun fruit, il faut sans doute entendre la chose autrement : l’herbe est l’homme savant, la science est la montagne qui reste toujours loin de la foule ; le mort est l’homme ignorant, car l’itr gnorant est toujours sans vie ; c’est par la science, ce n’en doute pas, que l’homme est vivifié.

Heureux

-celui qui se donne de la peine sans relâche !

Or il y a dans le trésor du roi un livre que les hommes de bien appellent Calila, et, quand les hommes sont engourdis par l’ignorance, le Calila est comme l’herbe de leur "résurrection et la science comme la et montagne, car il est le guide vers la s’cience et tu le trouveras dans le trésor du roi, si tu l’y cherches. »

Barzouï fut heureux de ces paroles, ses peines s’évanouirent comme un souffle de vent.

Il bénit le vieillard et se rendit auprès du roi, parcourant le chemin rapidement comme le l’en.

Il entra chez le Radja en le saluant et disant :

Puisses-tu vivre aussi longtemps que l’Inde existera !

0 Badja dont les vœux sont comblés, il y a un livre qu’on appelle en indien Calila, que tu gardes précieusement et sous scellé dans ton trésor et qui montre le chemin de la science et de la raison.

Dans le sens symbolique, l’herbe que je cherchais est ce livre ; le maître de l’Inde veut-il m’être favorable et ordonner à son trésorier de me le remettre, si ce n’est pas trop demander ’) L’âme du Badja fut mal à l’aise à cette demande ; il se tordit sur son trône et dit à Barzouï :

Personne ne m’a jamais demandé

cela, ni maintenant ni anciennement.

Et pourtant si Nouschirwan, le maître du monde, me demandait mon corps et mon âme, je ne lui refuserais quoi que ce fût, fût-ce un de mes grands, fût-ce un de mes sujets.

Mais tu ne liras ce livre qu’en ma présence, pour que des esprits malveillants pour moi ne disent pas dans leur cœur que quelqu’un l’a copié ; lis-le donc, comprends-le et regarde-le, de tous les côtés. »

Barzouï répondit :

Ô rail il ne m’en faut pas plus que ce que tu m’offres. »

Le trésorier du Badja apporta le Calila ; Barzouï se tenait là avec son guide ; et quand il avait lu un chapitre dans ce livre, il le répétait pendant toute la journée dans sa mémoire ; quand il avait lu autant que sa mémoire pouvait porter, il ne lisait plus rien avant le lendemain matin ; et quand on avait remis le livre au roi, il en écrivait en secret un chapitre.

C’est par ce moyen qu’il fit parvenir à Nouschirwan le livre en entier.

Il resta ainsi heureux de cœur et en bonne santé de corps, inondant son âme sereine de science, jusqu’à ce qu’il reçût, en réponse à sa lettre, la nouvelle :

L’océan de la science nous est parvenu. »

Il se rendit alors de son palais auprès du Badja et demanda la permission de s’en retourner chez lui.

Lorsqu’il eut parlé, le Badja le combla de bontés et lui fit préparer une robe d’honneur indienne, deux bracelets de prix, deux boucles d’oreilles, un collier de pierreries dignes d’un roi, un turban indien, une épée en acier de l’Inde damasquinée sur toute sa surface.

Il quitta Kanoudj plein de joie, emportant dans sa mémoire beaucoup de science.

Ayant achevé le voyage, il se présenta à la cour devant le roi, le salua et raconta ce qu’il avait vu et entendu chez le Badja et comment il avait trouvé la science au lieu de l’herbe qu’il cherchait.

Le roi lui dit :

Tu es le bienvenu ; le Calila a vivifié mon esprit.

Prends maintenant la clef du trésorier et choisis tout ce qu’il te faut. »

Le sage alla au trésor, mais ne donna pas au trésorier beaucoup de peine ; il y avait à droite et à gauche de l’argent et des pierreries, mais il ne demanda qu’un vêtement royal, revêtit ce costume magnifique, partit et s’en retourna en toute hâte à la cour de Kesra.

Arrivé auprès du trône, il prononça sur le roi des bénédictions et des prières.

Le roi dit à Barzouï :

Ô homme qui as éprouvé tant de fatigues !

Pourquoi as-tu quitté le trésor sans prendre des caisses remplies d’or et des joyaux dignes d’un roi ?

Quiconque a éprouvé des fatigues est digne de trésors. »

Barzouï répondit au roi :

Ô toi dont le trône est plus haut que l’orbite de la lune !

Celui qui a obtenu un vêtement royal a atteint la route de la fortune et du trône du pouvoir ; ensuite quand on me verra, moi indigne, revêtu d’une robe royale, le cœur de mes ennemis en sera troublé et serré et le visage de mes amis sera tout glorieux et resplendissant.

Mais j’ai à demander au roi une chose qui fera qu’il restera de moi un souvenir dans le monde : je désire que Buzurdjmihr, lorsqu’il transcrira ce livre, veuille bien s’occuper de la peine que Barzouï a eue pour l’obtenir et qu’il fasse, par ordre du roi victorieux, du premier chapitre un souvenir de moi, pour qu’après ma mort les savants dans le monde entier n’ignorent pas la peine que j’ai prisent Le roi lui dit :

C’est une grande ambition, qui dépasse ce que devrait se permettre un homme respectueux pour son roi et pourtant elle est en proportion avec les fatigues que tu as éprouvées, quoiqu’elle dépasse ta position. »

Le roi dit à Buzurdjmihr :

Il ne faut pas refuser à Barzouï ce qu’il désire. »

L’écrivain tailla son roseau et composa à la tête du livre un chapitre sur Barzouï ; on le transcrivit sur l’exemplaire du roi, en caractères pehlewis, les seuls dont on se servait alors et le livre resta déposé précieusement dans le trésor du roi, où personne qui en était indigne ne pouvait le voir.

C’est ainsi qu’on ne put lire’ce livre qu’en pehlewi, jusqu’à ce qu’on commençât à parler arabe ; mais lorsque Mamoun eut rendu sa splendeur au monde et rajeuni l’aspect du soleil et du jour, car il avait un cœur de Mobed et l’intelligence d’un Keïanide et était versé dans toutes les sciences, alors on traduisit le Calila du pehlewi en arabe, tel que tu peux l’entendre lire aujourd’hui.

Le livre resta en arabe jusqu’au temps de Nasr ; mais pendant que ce prince était maître du monde et roi de l’époque, son puissant Destour Aboulfazl, qui était son trésorier pour les lettres, ordonna qu’on parlât en dialecte du Fers et en déri ; mais son pouvoir fut de courte durée.

Plus tard, lorsque Nacr entendit réciter le livre, il lui vint une idée et c’est la sagesse qui le guida en cela.

Il voulait par tous les moyens. laisser dans le monde un souvenir de lui ; alors on fit asseoir devant lui un homme éloquent, qui lut l’ouvrage entier à Roudeki et ce poète lia par le mètre les paroles de cette prose et perça ainsi ces perles auparavant pleines.

Pour un lecteur lettré, cette forme est une grâce de plus ; pour un auditeur ignorant, c’est même un bienfait, car un récit ne laisse pas un souvenir net ; quand il est lié par le mètre, il satisfait l’âme et le cerveau.

Puisse le maître du monde vivre éternellement !

Puissent le temps et la terre rester ses esclaves !

Tous les cœurs seraient heureux par le roi Mahmoud, si les plans des méchants étaient déjoués ; mais ne mets pas ton cœur en détresse par les sou-cis, car tu es loin d’un sort durable ; tantôt tu es en haut, tantôt en bas, tantôt dans la joie, tantôt dans la terreur ; mais ni l’une ni l’autre fortune ne dureront et tu ne peux espérer de rester rima ce monde.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021