Minoutchehr

Retour des esclaves auprès de Roudabeh

...

Les belles esclaves partirent et Zal s’en retourna, mesurant la lenteur de cette nuit qui lui parut longue comme une année.

Les belles arrivèrent à la porte du palais, tenant chacune en main deux branches de rosier.

Le gardien de la porte les vit et se mit à les gronder ; ses paroles étaient dures, son cœur était serré :

Vous êtes hors du palais à une heure indue ; je m’étonne que vous sortiez.

Les idoles se préparèrent à lui répondre ; elles trépignèrent, dans leur embarras, en disant :

Le jour d’aujourd’hui est un jour comme les autres et il n’y a pas de Div pervers dans le jardin de roses.

Le printemps est venu, nous cueillons des roses dans le jardin et cherchons dans les champs des tiges de lavande.

Le gardien répondit :

Il ne faut pas faire aujourd’hui ce que vous faisiez quand Zal, le chef de l’armée, n’était pas encore à Kaboul et quand la terre n’était pas encore couverte de ses tentes et de son armée.

Ne voyez-vous donc pas que le roi de Kaboul quitte à cheval son palais dès l’aube du jour et qu’il passe la journée à aller et venir pour voir Zal ?

Car ils sont grands amis.

S’il vous voyait ainsi tenant des roses à la main, il ne tarderait pas à vous abaisser jusqu’à terre.

Les idoles de Tharaz entrèrent dans le palais, s’assirent à côté de la lune et lui dirent en secret :

Jamais nous n’avons vu un lion pareil à lui ; sa joue est comme la rose, son visage et ses cheveux sont blancs.

Le cœur de Roudabeh s’enflamma d’amour dans l’espoir de voir son visage.

Les jeunes filles étalèrent devant elles l’or et les joyaux et Roudabeh leur fit des questions sur tout ce qu’elles avaient remarqué :

Qu’avez-vous fait avec le fils de Sam ?

Vaut-il mieux le voir ou entendre parler de sa gloire et de sa renommée ?

Les cinq filles au visage de Péri ayant trouvé un endroit où elles pouvaient parler à Roudabeh, se hâtèrent de lui répondre :

Zal est le héros du monde entier ; personne ne l’égale en manières et en dignité.

Cet homme, haut comme un cyprès, a la grâce et la majesté d’un roi des rois ; il est plein de couleurs et de parfums ; c’est un arbre avec tronc et branches, un cavalier mince de taille et large de poitrine ; ses deux yeux sont comme des narcisses brillants, ses lèvres comme du corail, ses joues comme du sang, ses mains et ses bras comme les bras d’un lion mâle ; il est prudent, il a le cœur d’un Mobed et la dignité d’un roi ; les cheveux de sa tête sont entièrement blancs, il n’a que ce défaut et encore est-ce une beauté.

Les joues et les boucles des cheveux de ce Pehlewan du monde sont comme des mailles d’argent couvrant une rose pourprée.

Tu dirais que cela devait être ainsi et que l’amour qu’il inspire n’augmenterait pas s’il en était autrement.

Nous lui avons donné la bonne nouvelle qu’il pourrait te voir et quand il s’en est retourné, son cœur était rempli d’espoir.

Maintenant prépare un moyen de recevoir cet hôte et donne-nous le message avec lequel nous devons retourner auprès de lui.

Le cyprès répondit aux esclaves :

Naguère vos avis et vos paroles étaient différents et ce Zal, qui alors n’était que l’élève d’un oiseau avec une tête de vieillard, un homme décrépit, est devenu un homme aux joues de roses pourprées, à la taille élevée, au beau visage et un héros.

Vous avez vanté devant lui mes traits, puis vous avez demandé la récompense de vos paroles.

Elle dit et sourit d’une lèvre et ses joues rougirent comme la fleur du grenadier ; puis la reine des reines dit à une de ses esclaves :

Va ce soir et porte-lui une bonne nouvelle ; parle-lui et écoute sa réponse ; dis-lui :

Ton vœu est exaucé, prépare-toi, viens voir une lune pleine de beauté.

L’esclave répondit à sa belle maîtresse :

Prépare les moyens de réussir, car Dieu t’a accordé tout ce que tu désirais ; puisse la fin de tout ceci être heureuse !

Roudabeh se mit en toute hâte à faire ses apprêts en les cachant à toute sa famille.

Elle avait un palais comme le gai printemps, tout couvert de portraits de héros ; elle le fit tendre de brocarts de la Chine, elle fit disposer les vases d’or, mêler du vin avec du musc et de l’ambre et verser sur le sol des rubis et des émeraudes.

D’un côté étaient des roses pourpres, des narcisses et des arghawans ; de l’autre, des branches de jasmin et des fleurs de lis.

Toutes les coupes étaient d’or et de turquoise, tous les mets trempés dans l’eau de rose transparente ; et du palais de cette belle au visage de soleil s’élevait un parfum jusqu’au soleil.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021