Minoutchehr

Naissance de Zal

...

Maintenant je vais raconter d’après des récits anciens une histoire étonnante.

Écoute comment la fortune se joua de Sam et prête-moi l’oreille, ô mon fils !

Il n’avait pas d’enfants et son cœur souhaitait un objet qu’il pût aimer.

Or il y avait dans l’appartement de ses femmes une beauté dont les joues étaient des feuilles de rose, dont les cheveux étaient du musc.

Il espérait avoir un fils de cette belle, car elle avait un visage de soleil et était digne de porter fruit.

Elle devint enceinte de Sam, fils de Neriman et le lourd fardeau pesait à son corps.

Après quelque temps, elle mit au monde un enfant beau comme le soleil qui éclaire le monde.

Son visage était beau comme le soleil, mais tous ses cheveux étaient blancs.

La mère ayant mis au monde un tel enfant, on n’en parla pas à Sam pendant sept jours ; toute la maison des femmes du héros illustre était en pleurs devant ce petit enfant.

Personne n’osait dire à Sam que sa belle épouse avait mis au monde un enfant vieillard.

L’enfant avait une nourrice courageuse comme un lion, elle alla hardiment vers le héros et arrivée devant lui, elle lui donna de bonnes nouvelles.

Elle commença par appeler les bénédictions de Dieu sur Sam, disant :

Que les jours de Sam le héros soient heureux !

Que le cœur de ses ennemis soit déchiré !

Dieu t’a donné ce que tu désirais, il a accompli le souhait qu’avait formé ton âme.

Derrière les rideaux de ton palais, ô mon glorieux maître, est né de sa mère un enfant pur, un fils de Pehlewan, au cœur de lion, qui tout petit qu’il est paraît avoir un cœur plein de courage.

Son corps est d’argent pur, sa joue est comme le paradis ; et tu ne verras sur son corps aucune partie difforme, si ce n’est ses cheveux qui par malheur sont blancs.

Ainsi l’a voulu ta fortune, ô mon puissant maître.

Il faut que tu sois content de ce que Dieu t’a donné : n’ouvre pas ton âme à l’ingratitude et ton cœur à la méchanceté.

Sam le cavalier descendit de son trône et alla vers l’appartement de ses femmes, dans le Noubehar.

Il y vit un enfant d’une rare beauté, mais avec une tête de vieillard, tel qu’il n’en avait jamais vu, ni connu par ouï-dire.

Tous les poils de son corps étaient blancs comme la neige, mais son visage était vermeil et beau.

Lorsque Sam vit son enfant aux cheveux blancs, il perdit tout à coup tout espoir dans ce monde.

Il avait grandement peur qu’on ne rit de lui et il quitta le chemin de la sagesse pour une autre voie.

Il leva la tête droit vers le ciel et demanda pardon de ses actions, disant :

Ô toi, qui es au-dessus de toute injustice et de tout malheur !

Ce que tu as ordonné est toujours une source de bonheur !

Si j’ai commis une faute grave, si j’ai suivi la foi d’Ahriman, j’espère que touché de mon repentir le Créateur du monde m’accordera en secret sa grâce.

Mon âme sombre se tourmentera de sa honte et mon sang ardent bouillira dans mes veines, à cause de cet enfant qui ressemble à la race d’Ahriman, arec ses yeux noirs et ses cheveux semblables au lis.

Quand les grands viendront et me questionneront sur son compte, que diront-ils de cet enfant de mauvais augure ?

Quel dirai-je qu’est cet enfant de Div ?

Dirai-je que c’est un léopard à deux couleurs, ou un Péri ?

Les grands de l’empire riront de moi en public et en secret à cause de cet enfant.

Je quitterai de honte l’Iran, je donnerai ma malédiction à ce pays.

Il parla ainsi dans sa colère ; son visage étincelait, il maudissait son sort ; puis il ordonna qu’on enlevât l’enfant et qu’on le portât loin de ce pays.

Or il y avait une montagne, appelée Alborz ; elle était près du soleil et loin de la foule des hommes.

C’est là qu’avait son nid le Simurgh ; c’est dans ce lieu qu’il se tenait éloigné du monde.

Ils exposèrent l’enfant sur la montagne et s’en retournèrent et un long temps se passa.

L’enfant innocent du héros ne distinguait pas encore le blanc du noir ; son père avait brisé avec mépris l’amour et les liens qui devaient l’attacher à lui ; mais son père l’ayant rejeté, Dieu en eut soin.

Une lionne qui avait rassasié de lait son petit, dit à ce sujet :

Quand je te donnerais le sang de mon cœur, je ne t’imposerais pas de reconnaissance ; car tu m’es aussi cher que mes yeux et mon âme et mon cœur se briserait si l’on t’arrachait à moi.

L’enfant resta ainsi dans ce lieu un jour et une nuit sans abri ; quelquefois il suçait son doigt, quelquefois il poussait des cris.

Les petits du Simurgh ayant faim, le puissant oiseau s’éleva de son nid dans l’air ; il vit un enfant qui avait besoin de lait et qui criait, il vit la terre qui ressemblait à la mer bouillonnante.

Des épines formaient le berceau de l’enfant, sa nourrice était la terre, son corps était nu, sa bouche vide de lait.

Autour de lui était le sol noir et brûlé, au-dessus le soleil qui était devenu ardent.

Oh ! Que son père et sa mère n’étaient-ils des tigres, il aurait peut-être alors trouvé un abri contre le soleil.

Dieu donna à Simurgh un mouvement de pitié, de sorte que l’oiseau ne pensa pas à dévorer cet enfant.

Il descendit des nues, le prit dans ses serres et l’enleva de la pierre brûlante.

Il le porta rapidement jusqu’au mont Alborz où était le nid de sa famille ; il le porta à ses petits pour qu’ils le vissent et pour que sa voix plaintive les empêchât de le dévorer ; car Dieu lui accordait ses faveurs, parce qu’il était prédestiné à jouir de la vie.

Le Simurgh et ses petits regardaient cet enfant dont le sang coulait par ses deux yeux.

Ils l’environnèrent d’une tendresse merveilleuse, il s’étonnèrent de la beauté de son visage.

Le Simurgh choisit la venaison la plus tendre pour que son petit hôte qui n’avait pas de lait suçât du sang.

C’est ainsi qu’un long temps se passa, pendant lequel l’enfant demeura caché en ce lieu.

Lorsque l’enfant fut devenu grand, un long temps passa encore sur cette montagne ; il devint un homme semblable à un haut cyprès ; sa poitrine était comme une colline d’argent, sa taille comme un roseau.

Il se répandait à son égard des bruits dans le monde, car ni le bien ni le mal ne restent jamais cachés et Sam, fils de Neriman, eut nouvelle de ce jeune homme si fortuné et si glorieux.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021