Keïkobad

Rustem combat Afrasiab

...

Lorsque Rustem vit les hauts faits de Karen et comment les braves luttent et combattent, il tourna bride, courut auprès de Zal et lui dit :

Ô mon père !

Montre-moi Afrasiab et la place que ce fils de Pescheng, le méchant homme, occupe au jour de la bataille ; apprends-moi comment il s’habille et ou il plante son drapeau.

Je vois un brillant drapeau violet, est-ce le sien ?

Je le saisirai aujourd’hui par la ceinture et je l’amènerai en le traînant le visage contre terre.

Zal lui répondit :

Ô mon fils, écoute-moi.

Prends garde à toi en ce jour ; car ce Turc est un dragon courageux dans le combat, il jette une haleine brûlante et dans sa colère, c'est un nuage qui verse le malheur.

Son drapeau est noir et sa cotte de mailles noire ; ses brassards sont de fer et de fer est son casque.

Il est tout couvert de fer incrusté d’or et un panache noir est fixé sur son casque.

Mets-toi en garde contre lui, car il est brave et sa fortune ne dort jamais.

Rustem lui répondit :

Ô Pehlewan, n’aie aucun souci à cause de moi et ne sois pas inquiet sur mon sort.

Dieu le créateur est avec moi et mon cœur, mon épée et mon bras sont ma forteresse.

Puis, il lança Raksch aux sabots d’airain et le son des trompettes s’éleva dans l’air.

Le lion, soutien de l’armée, courut jusqu’auprès de l’armée de Touran, où il jeta un grand cri de guerre.

Afrasiab le vit parcourant la plaine et s’étonna de son extrême jeunesse, il demanda à ses braves :

Qui est ce dragon qui a ainsi rompu ses chaînes ?

Je ne sais pas son nom.

Quelqu’un lui répondit :

C’est le fils de Zal, fils de Sam ; ne vois-tu pas qu’il vient armé de la massue de Sam ?

Il est jeune et il est venu pour acquérir de la gloire.

Afrasiab s’élança en avant de l’armée comme un vaisseau que soulèvent les vagues de la mer.

Rustem l’aperçut, serra son cheval et leva sa lourde massue au-dessus de son épaule ; mais lorsqu’il fut près d’Afrasiab, il la suspendit à la selle et saisit de la main le roi par la ceinture ; il le souleva de dessus sa selle de bois de peuplier, il voulait le porter devant Kobad et donner ainsi des nouvelles de son premier jour de combat.

Mais le cuir de la ceinture ne résista pas au poids du roi et au poignet du cavalier et se rompit.

Afrasiab tomba par terre la tête la première et ses cavaliers formèrent une enceinte autour de lui.

Quand le roi eut ainsi échappé à Rustem, celui-ci se mordit le dos de la main, en disant :

Pourquoi ne l’ai-je pas saisi sous l’aisselle et ne l’ai-je pas lié et noué avec sa ceinture ?

Au milieu du bruit des clochettes qui retentissaient sur le dos des éléphants et du son des trompettes que l’on entendait à la distance de plusieurs milles, on annonça au roi que Rustem avait rompu le centre de l’armée ennemie, qu’il s’était avancé contre le roi des Turcs et que le drapeau de ce roi avait disparu ; qu’il avait saisi Afrasiab par la ceinture et l’avait jeté par terre comme une chose vile, pendant qu’un cri d’angoisse s’élevait du côté des Turcs ; que les braves chefs des Touraniens avaient entouré Afrasiab et l’avaient emmené à pied ; et qu’après avoir ainsi glissé de dessous la main de Rustem, Afrasiab était monté sur un cheval rapide, était parti et avait pris le chemin du désert, abandonnant son armée pour se sauver lui-même.

Keïkobad ayant appris ces nouvelles de Rustem, ordonna que son armée se jetât en masse, rapide comme le vent, sur les troupes de Touran et les détruisit fruit et racine.

Le roi se leva comme s’élève une flamme et son armée s’ébranla comme la mer sous la tempête ; de leur côté partirent Zal et le lion Mihrab, pleins de bravoure et d’ardeur pour le combat.

Le bruit des coups donnés et reçus monta vers le ciel, les épées brillèrent et les flèches percèrent les braves.

Les têtes étaient étourdies sous les casques d’or et sous les boucliers d’or par les coups destructeurs des haches.

Tu aurais dit qu’un nuage était survenu d’un coin de l’horizon et par un effet magique avait couvert la terre d’une pluie couleur de cinabre.

Au jour de ce combat, le sang coula jusque sur le dos du poisson,

Et la poussière s’éleva jusqu’au-dessus de la lune.

Les sabots des chevaux sur cette large plaine mirent en poussière la septième couche de la terre et la firent lever en l’air, où elle forma un huitième ciel.

Zal regarda son fils, admirant son bras renommé et sa poitrine ; son cœur battit de joie lorsqu’il vit son fils aussi vaillant.

Rustem coupa les têtes et déchira les poitrines, il brisa les pieds et lia les bras des chefs ; ce lion tua dans une seule attaque mille cent soixante guerriers pleins de bravoure.

Les Turcs se retirèrent devant les Mages et leur armée se rendit à Damghan, de là ils tournèrent vers le Djihoun, le cœur blessé et plein de soucis et tenant toute sorte de discours.

Leurs armures étaient brisées, leurs ceintures rompues ; ils n’avaient pas de clairons ni de trompettes, ils marchaient en désordre.

Tous les Pehlewans de l’Iran s’en revinrent auprès du roi, tous surchargés de trésors et menant prisonniers des Turcs en grand nombre.

Cette multitude de grands arriva à la cour et se présenta devant le roi en appelant sur lui les grâces de Dieu.

Rustem, en revenant de la frontière, se rendit aussi auprès du roi d’Iran ; et le glorieux Keïkobad le plaça à côté de lui et de l’autre côté Zal l’illustre.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021