Keï Khosrou

Réponse de Keï Khosrou à Rustem

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Pendant ces événements la voûte sublime du ciel ne cessait de tourner et bientôt on vint dire au roi de l’Iran que Feribourz fils de Kaous s’approchait.

Keï Khosrou alla à sa rencontre avec un grand cortège composé de grands et de gouverneurs de provinces ;

Et Feribourz, lorsqu’il fut proche et qu’il vit de loin Khosrou, baisa la terre et offrit au roi ses hommages.

Le glorieux Khosrou le combla de louanges et regarda les prisonniers, les chameaux, les éléphants et les blessés ;

Ensuite, il tourna la bride de son cheval, s’éloigna de la route, ôta de sa tête son diadème royal, descendit de cheval et se prosterna dans la poussière devant Dieu, en disant :

Ô saint Maître du monde, un homme injuste m’avait opprimé ;

Il m’avait privé de mon père et accablé de douleur et d’angoisses ;

Tu m’as délivré de ces peines et de ces malheurs, tu m’as fait grandir pour la couronne, la terre et le siècle sont devenus mes esclaves, les hommes ont été comblés de mes trésors.

Je te rends grâce de m’avoir entouré d’hommes si vaillants ;

Mais avant tout conserve-moi la vie de Rustem.

Il revint couvert de poussière et passa en revue les éléphants et les prisonniers, en célébrant les louanges du Pehlewan à qui il devait son bonheur et le repos de son âme ;

Ensuite, il s’en retourna dans son palais, écrivit une réponse à la lettre de Rustem et planta un nouvel arbre dans le jardin du pouvoir.

Il commença par les louanges du Créateur,

de qui vient la bonne et la mauvaise fortune, qui est le maître de Saturne et du ciel qui tourne ;

qui fait naître les guerres et les alliances et l’amitié.

C’est lui qui a construit la voûte du ciel, qui a fait du jour et de la nuit les ornements du monde ;

Qui crée l’un pour un sort malheureux et l’autre pour une couronne.

Sache que les soucis et les joies viennent de lui et que tous les biens qui nous réjouissent sont son œuvre.

Tout ce que tu m’annonces, les prisonniers, les éléphants, les trônes et les diadèmes, les brocarts de la Chine, le trône d’ivoire, les chevaux arabes, les colliers et les couronnes, les chameaux innombrables chargés d’étoffes, d’habillements et de tapis, tout cela est arrivé dans mon palais et tout sert à mes plaisirs, à mes fêtes et à mes banquets.

Mais qui voudra se présenter devant toi dans la bataille, à moins d’avoir d’avance perdu la tête et d’être las de la vie ?

J’ai été bien soucieux, en pensant à toi jour et nuit, à cause des fatigues que te donnent une si grande armée et la nécessité d’être jour et nuit sur le champ de bataille ;

Mais je n’en ai pas ouvert la bouche devant un étranger et je me suis tenu sans cesse devant Dieu en l’implorant en faveur du héros aux bons conseils.

Celui qui a un Pehlewan comme Rustem devrait toujours rester jeune ;

Car le ciel n’a jamais vu naître un serviteur comme toi.

Puisse la fortune ne jamais te priver de sa faveur !

Le roi renvoya l’écrivain en le comblant de louanges et apposa son sceau à la lettre.

Ensuite, il fit préparer des présents pour Rustem, des rênes et des ceintures ornées, cent esclaves aux cheveux bouclés, cent nobles chevaux à la selle d’or, cent mules chargées de brocarts de la Chine et cent autres portant des étoffes, deux bagues de rubis brillants, une couronne magnifique de perles et d’or, un habillement complet de roi, brodé d’or, des bracelets, des colliers et des ceintures d’or.

On prépara de même des présents pour les chefs de l’armée et l’on en forma tout un trésor ;

A Feribourz on donna une couronne, une massue, un drapeau, une épée d’or et des bottines d’or.

Ensuite le roi lui ordonna de repartir, de se rendre de l’Iran auprès du Sipehbed et de lui dire :

Khosrou ne se reposera point durant la guerre contre Afrasiab, il ne mangera et ne dormira point, que la tête de ce puissant roi ne soit prise dans le nœud de ton lacet.

Feribourz partit comme le roi de l’Iran l’avait désiré.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021