Keï Khosrou

Menijeh vient voir Rustem

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Menijeh entendit aussi parler de cette caravane et à l’instant elle courut à la ville.

La fille d’Afrasiab se présenta devant Rustem la tête nue, les yeux en larmes et les paupières inondées de sang qui coulait sur les manches de sa robe.

Elle salua Rustem et lui dit :

Tu as joui de la vie et de tes trésors, puisses-tu n’avoir jamais à te repentir des fatigues que tu as souffertes !

Puisse le ciel sublime agir toujours selon tes vœux !

Puisse l’œil du méchant être impuissant contre toi puissent les peines que tu endures ne pas démentir l’espérance à laquelle tient ton cœur !

Puisse toujours la raison te servir de guide !

Puisse l’Iran être heureux et son sort fortuné !

Quelle nouvelle as-tu des héros de l’armée du roi, de Guiv, de Gouderz et du reste des braves de l’Iran ?

N’est-il donc arrivé dans l’Iran aucun bruit concernant Bijen ?

Ses prières seront-elles vaines ?

Faut-il qu’un jeune homme comme lui, un rejeton de la famille de Gouderz, périsse dans l’infortune ?

Ses pieds sont meurtris par des fers pesants et ses mains attachées avec des liens rivés par des clous de forgeron ; on l’a entouré de chaînes, on l’a chargé de fers et les habits qui couvrent le malheureux sont teints de son sang.

La sollicitude que j’éprouve pour lui ne me laisse pas dormir et les plaintes qu’il exhale remplissent mes yeux de larmes.

Ô homme illustre, si tu vas dans l’Iran, si tu visites le pays des héros, tu verras peut-être Guiv ou le vaillant Rustem à la cour de Khosrou ; alors dis-leur que Bijen est enchaîné et qu’il périra si vous tardez a venir. »

Rustem fut effrayé de ce discours et poussa contre Menijeh un cri furieux, en disant :

Va-t'en de chez moi.

Je ne connais pas Khosrou, ni ce jeune guer. rier ; je ne sais rien de Gouderz ni de Guiv et tes paroles me troublent le cerveau.

Menijeh le regarda en pleurant amèrement et dans sa détresse inonda son sein de larmes de sang ; à la fin elle dit :

Ô homme puissant et sage, cette réponse froide est-elle digne de toi ?

Si tu ne veux pas me dire ce que je demande, au moins ne me chasse pas d’au-près de toi, car mon pauvre cœur se brise de dou-leur.

Est-ce donc la coutume de l’Iran de refuser des nouvelles à un pauvre ? »

Rustem lui répondit :

Femme, qu’est-ce que tu as ?

Ahriman t’a-t-il fait voir le jour du jugement ?

Tu as dérangé tout mon trafic, c’est pourquoi je t’ai traitée durement.

Ne fr m’en veuille pas de cette colère, car j’étais préoccupé de mon commerce.

Du reste je ne demeure pas dans la ville ou réside Khosrou ; je ne connais ni Guiv ni Gouderz ; je n’ai jamais visité ce pays»

Il ordonna qu’on apportât sur-le-champ devant la pauvresse tout ce qu’il y avait de nourriture dans la maison et se mit à lui adresser des questions : Comment se fait-il que tu sois si malheureuse ?

Pourquoi me parles-tu de ces héros et du trône du roi?pourquoi regardes-tu la route de l’Iran ? »

Menijeh lui répondit :

Pourquoi me questionner sur mes affaires, sur mes malheurs et mes soucis ?

J’ai quitté la prison le cœur navré, je suis accourue auprès de toi, ô homme plein de noblesse, pour obtenir de toi des nouvelles de Guiv et du vaillant Gouderz.

Mais tu as poussé contre moi un cri comme dans la bataille ; ne crains-tu donc pas Dieu, le maître des puissants ? ’ Je suis Menijeh fille d’Afrasiab, que le soleil même n’avait jamais vue dévoilée ; et maintenant. les yeux en larmes, le cœur affligé, les joues pâles. je vais de porte en porte recueillir du pain grossier ; tel est le sort que Dieu m’a imposé.

Est-il une plus triste vie ?

Que le Créateur ait pitié de moi !

Le malheureux Bijen ne distingue dans son cachot profond ni le jour de la nuit, ni le soleil de la lune.

Attaché par un collier, par des clous et de lourdes chaînes, il demande à Dieu de lui accorder plutôt la mort qu’une telle existence.I suis accablée de douleurs et mes yeux en sont desséchés.

Maintenant, si tu vas dans l’Iran, tu t’informeras de a Gouderz fils de Keschwad ; et peut-être tu verras, à

la cour de Khosrou, Guiv ou le vaillant Rustem.

Tu leur diras que Bijen est dans le malheur et que s’ils tardent à venir, il périra ; que s’ils veulent le voir, ils ne perdent pas de temps, car un rocher ferme sa prison au-dessus de sa tête et il est assis sur ses fers. »

En prononçant ces paroles, Menijeh versait des larmes de tendresse ; Rustem lui répondit :

Ô femme au beau visage, pourquoi ne fais-tu pas intervenir auprès de ton père les grands de toutes les provinces ?

Car il se peut qu’il ait pitié de toi, que sa tendresse revive et que le remords s’empare de son cœur.

Si je ne craignais pas pour toi sa colère, je te donnerais des richesses sans mesure. »

Ensuite, il ordonna à ses cuisiniers d’apporter autant de mets qu’il fallait à Menijeh ; il se fit donner à lui-même une volaille rôtie toute chaude et enveloppée dans du pain mon ; et sa main prompte comme la main d’une Péri cacha un anneau dans l’intérieur de cette volaille, qu’il remit à Menijeh en disant :

Porte ceci au cachot, ô protectrice des malheureux ! »

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021