Keï Khosrou

Les Iraniens reviennent auprès de Khosrou

...

Lorsque le soleil eut levé sa tête brillante au-dessus de la montagne et que la couronne du jour lumineux eut paru, l’armée, qui avait été dispersée, se réunit et les braves se dirent entre eux :

Les Iraniens ont fait de si grandes pertes, la fortune du roi a été si entièrement éclipsée, la main des Turcs a été si victorieuse dans la bataille, que l’armée ne peut plus tenir la campagne ;

Il faut de toute nécessité que nous retournions auprès du roi et que nous voyions la tournure que prendra le sort.

Si le roi n’a pas envie de recommencer la guerre, toi et moi nous n’avons pas de raison pour la désirer ;

Car les fils ont perdu leurs pères, les pères ont perdu leurs fils ;

Un grand nombre d’Iraniens sont morts et ceux qui survivent ont le cœur brisé.

Mais si le roi nous ordonne de combattre de nouveau, s’il rassemble une armée glorieuse, nous partirons de nouveau, ne respirant que vengeance et combats, nous rendrons la terre étroite pour nos ennemis.

C’est dans ces dispositions et les yeux remplis de larmes, le cœur fondant de douleur, qu’ils quittèrent ce pays, pleurant la mort de leurs frères et soupirant au souvenir de leurs parents ;

Ils se dirigèrent vers le Kasehroud, en disant adieu à ceux qui étaient morts.

Une ronde sortit du camp des Turcs et ne trouvant personne dans le camp iranien, elle fit savoir sur-le-champ à Piran que les Iraniens avaient disparu.

Aussitôt que le Sipehbed Piran eut reçu cette nouvelle, il envoya en secret de tous côtés des espions et lorsqu’il se fut assuré que ces guerriers, qui portaient si haut la tête, s’étaient retirés, son cœur se sentit délivré de tout souci.

Il se mit en marche avec son armée de grand matin et fit le tour du camp ;

Il trouva la montagne et les vallées, la plaine et les ravins remplis de tentes de toute grandeur et sans nombre ;

Il en distribua à son armée et en garda une partie ; il était confondu par l’incertitude du sort.

Tantôt notre fortune nous porte en haut, tantôt elle nous précipite en bas ;

Tantôt nous sommes gais, tantôt dans l’angoisse.

Passons donc nos jours en tenant en main la coupe qui illumine le monde.

Piran envoya pendant le temps du sommeil un dromadaire pour porter à Afrasiab cette nouvelle, qui combla de joie le roi et le délivra de ses sollicitudes et de ses peines ;

Toute l’armée partagea son bonheur ; les braves élevèrent des pavillons sur la route, couvrirent d’étoffes les terrasses et les portes et répandirent des pièces d’argent sur la tête de Piran.

Lorsque celui-ci s’approcha de la ville royale, Afrasiab alla au-devant de lui avec un grand cortège et le bénit en disant :

Tu n’as pas ton pareil parmi les Pehlewans.

Pendant deux semaines, le son des harpes et des rebecs se fit entendre dans le palais d’Afrasiab ;

La troisième semaine, Piran, comblé de bonheur, se décida à partir pour Khoten.

Le roi prépara pour lui des présents si nombreux, que tu perdrais patience si je voulais te les énumérer ;

Il lui envoya de l’or et des joyaux dignes d’un roi, des ceintures d’or brodées de pierreries, des chevaux arabes à la bride d’or, des épées indiennes au fourreau d’or, un trône magnifique d’ivoire et de bois de tek, des bracelets de turquoises et une couronne d’ambre, des esclaves chinoises et des esclaves de Roum portant des coupes de turquoise remplies de musc et d’ambre ;

Il lui envoya ces présents et lui adressa beaucoup de conseils, disant :

Entoure-toi de Mobeds et sois vigilant, préserve ton armée des embûches de l’ennemi, envoie de tous côtés des espions prudents ;

Car Keï Khosrou est maintenant maître de grands trésors et sa justice et sa générosilé font fleurir son empire.

Tu as de la naissance, du pouvoir, un trône et une couronne, ne demande pas autre chose ;

Ne te fie pas à ton ennemi parce qu’il s’est retiré et cherche à savoir de temps en temps ce qu’il médite.

Observe les provinces dont Rustem est le Pehlewan, car au moment où tu t’endormirais dans ta confiance, il se jetterait sur toi.

C’est le seul homme qui m’inspire de l’inquiétude, car il ne sait faire que la guerre et je crains toujours qu’il ne s’élance de sa résidence et n’envahisse inopinément le Touran.

Piran reçut tous ces conseils comme il convenait au chef des armées et à un parent du roi ; ensuite il partit avec son cortège pour le pays de Khoten et arrivé là, il envoya de tous côtés des espions pour avoir en tout temps des nouvelles de Rustem.

L’histoire de Firoud est finie : écoute maintenant celle de la guerre de Kamous.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021