Keï Khosrou

Keï Khosrou renvoie Thous dans le Touran

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Lorsque le soleil brillant se leva et que l’aurore s’élança devant lui sur la courbe du firmament, Thous parut soudain, avec les grands de l’armée, en présence de Khosrou.

Le roi du monde leur dit :

La trace de la vengeance ne s’efface pas et l’on ne cessera jamais de parler de Tour et de Selm, de cette lutte ancienne et de ces jours qui sont passés.

Mais jamais roi d’Iran ne fut couvert de honte comme moi, jamais le monde ne fut inondé du sang des braves comme aujourd’hui : la montagne a revêtu une ceinture sanglante, colorée du sang des fils de Gouderz et les oiseaux et les poissons dans la mer et dans les rivières les pleurent amèrement ;

Tout le pays du Touran est couvert de têtes, de mains, de pieds, de dos et de troncs d’Iraniens.

Mais vos projets me rendent le bonheur et mon cœur tressaille de joie à l’espoir de la vengeance.

Les braves se tenaient devant le roi au visage de soleil en croisant leurs mains ;

Ils baisèrent tous la terre, Rehham, Gourguin, Gouderz, Thous, Kharrad, Zengueh fils de Schaweran, Bijen, Guiv et tous les grands, en disant :

Ô roi à l’étoile fortunée, au cœur de lion et qui arrache le cœur aux lions avec ton épée, nous sommes tous tes esclaves, dans notre honte nous baissons la tête devant toi.

Si tu nous ordonnes de combattre, nous irons tous répandre notre vie sur le champ de bataille ;

Et si le soleil et la lune ne nous cachent pas leur face, tu n’auras plus de reproche à nous faire.

Ensuite le maître de l’armée appela Guiv, le fit asseoir sur le trône des grands, le combla d’éloges et de caresses, lui prodigua les présents et les marques d’amitié et lui dit :

Tu as partout recherché les fatigues pour me servir et jamais tu n’as eu part à mes trésors ;

Il ne faut pas que le Sipehdar Thous lance au combat, sans te consulter, ses éléphants chargés de timbales.

Souvent un homme couvert de gloire a pris le monde en dégoût à cause des paroles d’un calomniateur.

Mais ne donne pas, par ta colère, de l’importance à ce qui n’en a pas.

Puissent les mânes du vaillant Bahram se réjouir !

Le roi distribua de l’argent et manda les payeurs de l’armée ;

Il parla à Thous amicalement et choisit, d’après les astres, un jour fortuné, qui fût propice au départ de l’armée.

Ce jour il se plaça dans la plaine entouré d’éléphants et de timbales et fit passer devant lui Thous et son armée ;

Ensuite, il lui remit, selon la coutume des Keïanides, l’étendard de Kaweh et le bénit.

Le bruit des armes se fit entendre, la terre trembla sous les sabots des chevaux ;

La poussière qu’ils faisaient lever forma un nuage dans l’air et les trompettes résonnèrent ;

Le monde devint violet par le reflet des cuirasses et de l’étendard de Kaweh ;

Tu aurais dit que le soleil était plongé dans l’eau et que le ciel et les étoiles étaient endormis.

Thous fit placer sur son éléphant des coussins brodés de turquoises et s’avança ainsi jusqu’au fleuve Schahd.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021