Khosrou Parviz

Comment la ville de Reï fut ruinée

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Il se passa de nouveau un temps assez long pendant lequel l’étoile du roi illustre tourna favorablement.

Or, une nuit, il buvait du vin avec les Mobeds, les grands et les nobles expérimentés dans les affaires.

Il se trouvait sur la table des convives une coupe sur laquelle était gravé le nom de Bahram ; le roi ordonna qu’on jetât la coupe et tousse mirent à

-décharger leurs cœurs et à maudire Bahram et sa coupe et celui qui l’avait faite.

Khosrou dit :

Que l’on fasse fouler aux pieds des éléphants de guerre tout le territoire de Reï, qu’on expulse de la ville tous les habitants, que l’on convertisse de fond en comble Rai en désert. »

Le noble Destour dit au roi :

Ô héritier des Keïanides !

Pense donc que Beï est une grande ville qu’il ne faut pas faire fouler aux pieds des éléphants ; pense que Dieu n’approuverait pas une chose pareille, niles hommes justes sur la terre. »

Le roi répondit au Destour :

Alors, il me faut un homme de mauvaise nature et de naissance basse, pour qu’il soit pendant quelque temps gouverneur de Reï, un homme ignorant et grossier de langage. »

Le Destour dit :

Si le roi vaut indiquer par quels signes on reconnaît un pareil vaurien, je le chercherai et l’amènerai, car je ne puis le trouver sans instructions. »

Khosrou répondit :

Il me faut un bavard, né sous une étoile funeste, à cheveux roux, vil de corps, le nez de travers, le visage jaune, malveillant, petit, le cœur aigri, méchant, ignoble, sans aucune distinction, la tête pleine de haine, la langue pleine de mensonges, les yeux injectés de sang, les dents longues, marchant courbé comme un loup. »

Tous les Mobeds furent étonnés de ce que le roi pouvait parler d’un homme pareil.

Chacun cherchait partout, dans toutes. les villes, parmi les grands et les petits.

Or il arriva qu’un jour quelqu’un se présenta devant le roi, disant :

J’ai rencontré sur ma route un homme de cette espèce ; si le roi le permet, je l’amènerai pour que le Moheb l’envoie à Reï. »

Le roi ordonna qu’on amenât l’homme, qu’on lui amenât de la rue un faucon de cette espèce.

On conduisit donc devant lui un homme tel qu’il l’avait décrit et qui fit rire les troupes et les gens du pays.

Khosrou lui demanda :

Ô homme méchant et insensé !

Quelles sont’les mauvaises actions dont tu te souviens ? »

Voici la réponse qu’il donna :

Je ne cesse jamais de faire du mal et il n’y a aucune intelligence en moi.

Quand je dis une chose, j’en fais une autre ; si quelqu’un m’interroge, je lui fais saigner le corps et l’âme.

Mon capital, ce sont mes mensonges,tvoilà tout et je suis incapable de toute droiture.

Si je fais une promesse à quelqu’un, je ne la tiens jamais ; tout . sentiment noble, je le déracine et le jette dans la poussière. »

Khosrou dit :

Puisse ta vile étoile te maintenir toujours tel que tu es. »

,On écrivit dans les bureaux son diplôme de gouverneur de Rei’ et cet homme fortuné devint puissant par sa vilenie.

Le roi réunit des troupes et lui en remit le commandement et il partit de la cour avec sa réputation d’indignité.

Arrivé à Reï, cet homme impur écarta de son cœur et de ses yeux toute honte devant Dieu.

Il ordonna qu’on arrachât toutes les gouttières des toits et cela le ravit ; ensuite il fit tuer tous les chats, ce qui désolait les cœurs des maîtres des maisons ; il alla partout avec un guide et précédé d’un héraut qui proclamait :

Si je vois quelque part dans une maison une gouttière ou un chat, je mettrai le feu dans cette propriété et ferai écrouler les pierres sur la tête des habitants. »

Il furetait partout et quand il trouvait un seul dirham, il en persécutait le possesseur.

On abandonnait les maisons de peur de cet homme, on désespérait de ce pays, autrefois prospère.

Lorsque la pluie arrivait, il n’y avait plus ni gouttière ni gardien dans la ville et c’est ainsi que ce méchant et vil misérable, qui était arrivé de la cour de Khosrou à Rai, dévastait entièrement cette riche cité ; le soleil dardait sur la tête des hommes, toute la ville était remplie de plaies et de plaintes, auxquelles personne dans le monde ne faisait attention.

Cela continua jusqu’au moment où le mois’Ferwerdin para la surface de la terre de feuilles de roses, que les larmes des nuages tombèrent en rosée et couvrirent de tulipes les montagnes et les plaines, que les prairies devinrent striées comme la peau du léopard et que la terre revêtitles couleurs du brocart de Roum.

Les grands allèrent dans les jardins pour se livrer aux jeux, les brebis et les biches se répandirent sur les prairies.

Lorsque Khosrou vit les portes des jardins ouvertes, qu’il vit toutes les fontaines des jardins couvertes de ramiers, il fit sonner les clairons et apporter des tasses avec des herbes odorantes ; on s’assit, on but du vin sur l’herbe verte, on se livra à de gais discours.

Cependant, Gordieh amena un petit chat, habillé de façon qu’on ne pouvait le distinguer d’un enfant, assis sur un cheval à bride d’or ornée de pierreries de toute espèce ; des boucles d’oreilles pendaient des oreilles du chat et ses griffes étaient peintes couleur de tulipe, ses yeux étaient comme de la poix, son minois comme le printemps, ses yeux ivres comme s’il avait bu du vin ; une housse dlor flottait sur le dos du cheval et c’est ainsi que Gordieh lança le chat à travers le jardin comme un enfant.

Le roi de l’Iran se mit à rire à gorge déployée et ce rire gagna tous les grands.

Puis Khosrou dit à Gordieh :

Ô femme au bon caractèrel dis ce que tu désires de moi. »

La femme rusée le salua humblement et dit :

Ô roi qui portes haut la tête !

Donne-moi Rai, sois raisonnable et délivre de leurs chagrins ces cœurs atlligés ; rappelle de Keï cet être vil et donne-lui son vrai nom de mécréant et de malfaiteur.

Il a chassé des maisons les chats et afait arracher toutes les gouttières. »

Khosrou sourit à ces paroles de la femme et répondit :

Ô friponne, qui détruis les armées !

Je te donne cette ville et son district, envoiesy un homme honnête. »

Elle rappela de Reï cet être malveillant, ce vil mécréant qui ressemblait à Ahriman et la fortune de Gordieh ne cessa de croître sous l’ombre de cet arbre royal qui portait la couronne.

Dernière mise à jour : 19 déc. 2021