Khosrou Parviz

Bendouï s'enfuit de chez Bahram

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Bendouî resta dans la prison de Bahram, enchaîné comme un guépard, pendant soixante et dix jours.

Sou geôlier était Bahram, fils de Siawusch, qui était très-mécontent de le garder.

Bendouî commença de nouveau à le circonvenir, car les chaînes n’assoupirent pas son esprit de ruse ; il lui dit :

Ne désespère pas de Khosrou, le roi d’Iran ; soit que cette nuit sombre se change en jour brillant, soit que la fortune tarde à lui revenir, il en sera de lui comme de Firouz en face de Khousehnewaz ; le Créateur l’a favorisé dans la personne de son fils Kobad, à qui il a rendu la possession du monde.

La couronne et le trône ne resteront pas à Bahram ; que pense donc cet homme à qui la fortune a été propice ?

Maudit soit un fils de Dihkan qui se livre follement lui-même à la destruction.

Compte sur tes doigts deux mois à partir de ce moment et tu verras alors arriver dans l’Iran une armée de Roum ; on brûlera la couronne et le trône de Bahram et l’on brisera son diadème sur sa tête. »

Bahram dit :

Si le roi veut m’assurer la vie sauve . je ferai de tes conseils la loide mon âme, j’obéirai à tout ce que tu me diras.

Je te demande un grand serment par la lune, par Aderguschasp, par le trône et la couronne, que, si Khosrou arrive dans ce pays et amène du Roum une armée du Kaîsar, tu demanderas pour moi la vie sauve, que tu ne négligeras rien dans cette grave ollaire, afin qu’il A ne soit fait aucun dommage à mon corps de la part du roi et qu’il ne se laisse pas prévenir contre moi par des paroles pernicieuses. »

Ayant parlé ainsi, il chercha le livre du Zend pour enchaîner Bendouî par un serment.

Bendouî prit l’Avesta et le Zend et dit :

Qu’il n’arrive à moi, Bendouî, de la part du Créateur tout-puissant, que du malheur et de la peine, que je sois privé de toute sécurité dans ce monde qui passe, si je ne vais pas voir Khosrou aussitôt qu’il se sera mis en route et si je n’insiste pas pour qu’il t’envoie un anneau et un diadème de grand de l’empire. »

Lorsque Bahram eut entendu le serment et vu la sincérité et l’engagement de Bendouî, il lui dit :

Maintenant je le dirai tous mes secrets, je parlerai hautement ; je tendrai un piège à Djoubineh, j’amè-

nerai la vengeance sur lui par la ruse et si je puis, je le tuerai violemment avec mon épée damasquinée pendant une fête.

Il n’y a plus une goutte d’eau dans la mer depuis qu’il faut donner à Bahram le nom de roi. »

Bendouî répondit :

Ô homme expérimenté, sache que je suis un homme fin, actif et prudent.

Le roi, maître du monde, viendra bientôt et s’assiéra sur le trône et tu sais qu’il ne refusera rien à son serviteur de ce qu’il lui demandera ; je réclamerai son

pardon pour ce que tu as fait autrefois et il donnerait sa couronne si je la lui demandais.

Si donc tu es tel que tu dis, si tu ne cherches pas dans ton cœur desvoies détournées, délivre mes pieds de ces chaînes ; c’est par là que tu commenceras à reconnaître Khosrou, par là que tu manifesteras ton secret et que tes bonnes paroles arriveront à son oreille. »

Bahram l’écouta, son visage se rajeunit et il lui ôta à l’instant les chaînes.

Lorsque le voile couleur de musc s’éclaircit et que l’aube du matin le saisit de ses doigts, Bahram dit à Bendouî :

Djoubineh joue aujourd’hui à la raquette et j’ai combiné aujourd’hui avec cinq de mes amis comment j’amènerai la destruction sur sa tête, si le cœur ne me manque pas. »

Il demanda une cotte de mailles, qu’il revêtit par-dessous sa tunique et sortit à cheval de son palais.

Or le vaillant Bahram avait une femme vicieuse, qui le souhaitait sous terre ; elle aimait secrètement Djoubineh et son âme était remplie de haine contre son mari.

Elle envoya quelqu’un à Bahram et lui fit dire :

Ô mon protecteur, prends garde à toi.

Mon mari a revêtu en secret une cotte de mailles et en a fermé les boutous.

Je ne sais ce qu’il médite de mal, mais tu devrais te tenir loin de lui. »

Djoubineh, ayant entendu le message de la femme qui lui conseillait de ne pas jouer aux balles avec son mari, se mit à frapper de la main doucement sur le dos de chacun de ceux qui arrivaient au Meïdan et s’approchaient de lui avec leur raquette, tout en leur parlant amicalement et avec la voix la plus tendre.

Il continua ainsi jusqu’à ce qu’il fût arrivé auprès du fils de Siawusch et qu’il eût senti la cotte de mailles sur sa poitrine de manière à n’en pas douter ; il lui dit :

Ô toi, plus vil qu’une vipère, qui est-ce qui met au Meïdan une cotte de mailles sous une fourrure ? »

En disant cela il tira l’épée de la vengeance et le fendit de la tête aux pieds.

On apprit dans la ville que le fils de Siawusch avait été frappé et avait péri ; à cette nouvelle, la lumière du jour disparut devant Bendouî.

Il revêtit sa cuirasse, monta à cheval, serra en tremblant la ceinture autour de sa taille de héros, et, pour échapper à la destruction par la main de Bahram, il s’enfuit de la ville, accompagné de tous les alliés du mort et de tous ceux qui avaient confiance en lui-même.

Arrivés à la première station, leur troupe augmenta et ils prirent en toute hâte la route d’Ardebil.

Lorsque Bahram quitta le Meïdan, il traîna dans sa colère le pan de sa robe dans le sang ; il ordonna àMahrouî de se charger de la garde de Bendouî, mais on lui dit :

Ô roi, ne t’occupe pas de Bendouî, car des qu’il aura appris le sort du fils de Siawusch, il sera sans doute parti rapide comme le vent, se repentant d’avoir causé la mort de son protecteur,

"qui lui aura fait comprendre son propre danger. »

Bahram répondit :

Malheur à la cervelle et à la peau de celui qui ne, sait pas distinguer entre un ami et un ennemi.

L’un se couche sur la pointe des dents d’un éléphant, un autre se fie aux vagues bleues de la mer, un troisième brave le roi, un quatrième saisit un lion par le pied de devant ; aie pitié de ces quatre hommes, car leur tin est proche.

Un autre veut ébranler une montagne et demande à la foule de l’y aider, il s’y fatigue et finit par n’avoir pour sa peine que du vent dans sa main. il vaut mieux passer l’eau sur une barque avariée que d’agir avec précipitation.

Si tu veux regarder avec tes yeux le soleil, tu seras étourdi et te détourneras avec colère.

Quand on prend pour guide un aveugle, on reste en route ; quand on saisit de la main un dragon, on est tué et le dragon reste en liberté et quand on prend du poison pour faire une expérience, on ne gagne, par ce qu’on a avalé, que des douleurs et la mort.

Je n’ai pas mis à mort Bendouî le premier jour et maintenant il a échappé à ma main et a trouvé une porte de salut.

Il faut que je pleure sur ce que j’ai fait moi-même et que j’attende quelle sera la volonté de Dieu. »

’ De son côté, Bendouî et sa petite troupe poursuivirent teur route rapidement comme l’ouragan.

Chacun d’eux emportait ce qu’il pouvait porter ; ils prirent le chemin sur lequel se trouvait Mausil, l’Arménien.

C’était un désert sans eau et une route livrée aux bêtes fauves ; à la fin Bendouî vit un endroit ou l’on avait dressé une enceinte de tentes.

Il regarda et aperçut Mausil, l’Arménien, il aperçut de l’eau courante et des pâturages.

L’ambitieux Bendouî s’avança tout seul, courut vers ces prairies, rencontra Mausil, le salua humblement et lui raconta le secret de son histoire.

Mausil lui dit :

Ne quitte pas ce lieu, car tu vas avoir nouvelles sur nouvelles de ce que Khosrou fait dans ce pays prospère de Roum et s’il y prépare la paix ou la guerre. »

Ces paroles décidèrent Bendouî à rester et il appela du désert ses compagnons.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021