Keï Kaous

Surkeh se met en marche contre Rustem

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Un messager partit de Sipendjab, se rendit auprès du roi du Touran et lui dit :

Rustem au corps d’éléphant est venu pour venger Siawusch, les grands de l’Iran se sont réunis, on a coupé ignominieusement la tête à Warazad et toute la frontière du Touran est livrée à la destruction ; les Iraniens ont réuni toute leur armée et brûlent tout le pays. »

Quand Afrasiab eut entendu ces paroles, il se rappela avec douleur d’anciennes prédictions que lui avaient faites les sages, les astrologues et les Mobeds.

Il appela des provinces tous les grands, il distribua de l’argent et répandit ses vieux trésors.

Il fit venir des plaines tous les chevaux qui y paissaient et ses pâtres les amenèrent en troupeaux sur le Meïdan ; il ouvrit ses magasins de massues et d’armures pour les chevaux, de flèches, d’épées et de lacets pour les braves ; il demanda à son Destour et à son trésorier les clefs de ses trésors d’or, de perles et de pierreries, de couronnes, de bracelets et de ceintures d’or et couvrit de monceaux d’argent le palais et le Meïdan.

Quand l’armée fut équipée, quand elle eut reçu les largesses du roi, il fit battre les timbales d’airain et sonner les clochettes indiennes et les cavaliers se préparèrent au combat.

Le roi sortit de la ville de Gang et conduisit l’armée des rues étroites de la ville dans la plaine ; il choisit Surkheh parmi tous les braves et lui parla longuement de Rustem, disant :

Prends trente ce mille guerriers propres au combat et armés d’épées, va rapidement comme le vent à Sipendjab et ne pense ni au repos ni au plaisir.

Tu y trouveras Faramourz et son armée et tu m’enverras ici sa tête.

Mais prends garde que le fils de Zal ne mette ta vie en danger ; c’est le seul homme qui soit ton égal dans le combat et là où se trouve un léopard avide de proie, le chien le plus vaillant doit éviter la lutte.

Tu es mon fils et mon ami, le soutien de l’armée et ma lune ; et si tu es prudent et diligent, qui osera s’opposer à toi ?

Maintenant prends les devants, sois circonspect et préserve l’armée des attaques de Rustem. »

Surkheh quitta son père et se mit en marche ; il porta son étendard noir dans la plaine ; et se dirigea en toute hâte vers Sipendjab, ne rêvant que combats.

Une sentinelle vit la poussière que soulevait son armée et se rendit promptement auprès de Faramourz ; le son des timbales retentit dans le camp des Iraniens, l’air devint comme de l’ébène par la poussière que soulevait leur armée et le bruit des chevaux et des cavaliers qui couvraient la plaine monta plus haut que le soleil et l’étoile du malin.

Les épées d’acier flamboyèrent, les pointes des lances se réchauffèrent dans le sang ; on aurait dit qu’une vapeur s’élevait du. monde entier embrasé par le feu de ce combat.

Les cadavres des chefs, gisants de toutes parts, faisaient du terrain d’un bout à l’autre une montagne.

Quand Surkheh vit le combat ainsi engagé et qu’il aperçut la pointe de la lance de Faramourz, il lâcha la bride à son noble destrier et courut avec sa lance rapidement comme le vent.

Faramourz s’avança du centre de l’armée vers Surkheh pour le combattre avec sa lance.

Semblable à Aderguschasp, il le frappa de sa lance, le souleva de selle et le tira vers lui jusqu’à ce qu’il touchât la crinière de son cheval ; les chefs de l’armée du Touran accoururent pleins de rage et d’ardeur pour le combat, ils assénèrent de toute leur force de grands coups sur la lance de Faramourz et la mirent en morceaux.

Surkheh sentit avec douleur qu’il était le plus faible et recula ; ensuite il se jeta de nouveau sur Faramourz une épée indienne à la main et semblable à un éléphant furieux.

Les cavaliers touraniens arrivèrent derrière leur chef en poussant des cris ; mais Faramourz, aussitôt que Surkheh fut à sa portée, étendit la main brusquement comme un léopard agile, le saisit à la ceinture, l’enleva de selle, le jeta par terre, le fit marcher ignominieusement devant lui à pied et l’emmena ainsi de la mêlée au camp iranien.

Dans ce moment on aperçut sur la route l’étendard de Rustem et l’on entendit le bruit de ses éléphants et de son armée.

Faramourz courut au-devant de son père pour lui annoncer sa victoire.

Rustem vit. devant lui Surkheh qui avait les mains liées et par terre les membres de W arazad qu’on avait coupés ; il vit les vallées et la plaine jonchées de morts, il vit que la tête de l’ennemi avait été écrasée dans cette bataille.

L’armée célébrait les louanges du Pehlewan, du jeune et glorieux héros et Rustem aussi se mit à le louer et à distribuer aux pauvres de grandes largesses.

Ensuite, il dit en parlant de son fils :

Quiconque veut élever sa tête au-dessus de la foule, doit avoir du courage et une illustre naissance ; la raison doit être sa compagne et la science sa maitresse.

Quand on réunit ces quatre avantages, alors on est un brave et l’on a aile et pied pour avancer.

L’œil ne voit dans le feu que la lumière, mais quand on s’en approche, on sent qu’il brûle.

Faramourz ne s’était pas montré jusqu’à présent, quoiqu’il soit plein de fierté ; l’acier est rempli de feu, mais sa qualité n’apparaît que quand on le met en contact avec une pierre dure. »

Rustem jeta alors les yeux sur Surkheh, qui était élancé comme un cyprès au milieu d’un pré, sa poitrine ressemblait à la poitrine d’un lion, son visage était comme le printemps et les boucles noires de ses cheveux se dessinaient sur les roses de ses joues. lins-

Tem ordonna qu’on le menât dans la plaine, qu’ony envoyât les bourreaux avec une épée et un vase, qu’on lui liât les mains avec un lacet, qu’on le couchât par terre comme un mouton, qu’on lui tranchât la tête comme on l’avait tranchée à Siawusch et qu’on le laissât dévorer par les vautours.

Le Sipehbed Thous entendit ces paroles et partit incontinent pour mettre à mort Surkheh.

Celui-ci lui dit :

Ô prince qui portes haut la tête !

Pourquoi verserais-tu mon sang innocent ?

Siawusch était du même âge que moi et mon ami et mon cœur se désole de sa perte, mes yeux le pleurent jour et nuit, mes lèvres maudissent sans cesse ceux qui lui ont tranché la tête, ceux qui ont porté l’épée et le vase qu’on a employés. »

Le cœur de Thous eut pitié de cet homme d’un si haut rang et tombé si bas ; il s’en retourna auprès de Rustem et lui répéta les paroles par lesquelles le fils d’Afrasiab l’avait touché.

Mais Rustem lui répondit :

Quand il serait digne d’un roi d’être affligé et de se lamenter comme il fait, il ne faut pas que nous cessions de tourmenter le cœur d’Afrasiab et de faire couler des larmes de ses yeux ; d’ailleurs un fils de cet homme de méchante race méditerait de nouvelles ruses et de nouvelles fourberies.

On a jeté par terre Siawusch. on a inondé de sang sa poitrine, ses membres et ses cheveux et je jure par la vie et la tête du roi de l’Iran, du noble et illustre Kaous, qu’aussi longtemps que je vivrai je trancherai la tête à chaque Turc, à chaque homme de ce pays et de ce peuple que je rencontrerai, qu’il soit roi, qu’il soit esclave. »

Le héros au cœur de lion fit un signe à Zewareh et lui ordonna de verser ce sang qui ne pouvait être épargné ; Zewareh prit l’épée et le vase et livra le jeune prince aux bourreaux.

On lui trancha la tête avec l’épée, après qu’il eut poussé quelques cris et tout fut fini.

Ô monde !

Que veux-tu des créatures que tu nourris ?

Que dis-je, nourrir ?

Que tu abreuves d’amertume.

Rustem fit suspendre à un gibet la tête coupée et placer au-dessus les deux pieds du mort ; il jeta, dans sa haine, de la poussière sur le cadavre et le déchira avec son poignard.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021