Keï Kaous

Sohrab choisit un cheval

...

Ensuite le vaillant Sohrab dit à sa mère :

Maintenant tu vas voir ma prouesse ; il me faut un bon coursier, dont le sabot d’acier brise le rocher, fort comme un éléphant, rapide comme un oiseau dans l’air, comme un poisson dans la mer et comme une biche sur la terre ; qui puisse porter ma massue et ma hache d’armes, ma poitrine et mes bras de Pehlewan.

Il ne me convient pas d’aller au combat à pied, car je vais à la rencontre de mes ennemis.

La mère écouta les paroles de son fils et levant la tête jusqu’au soleil, elle ordonna au gardien des chevaux d’amener sans délai toutes les juments, pour que Sohrab choisît un cheval sur lequel il pût s’asseoir en allant à la guerre.

De tous les côtés où il y avait des troupeaux de chevaux, qu’ils fussent dispersés sur les montagnes ou dans les plaines, on les amena dans la ville ; et Sohrab au cœur de lion prenant un lacet, alla bravement en jeter le nœud sur le cou de chaque cheval qui le frappait par sa vigueur ; puis il lui mettait la main sur le dos pour l’éprouver et le faisait ployer jusqu’à ce que son ventre touchât à terre.

Il courba ainsi beaucoup de bons chevaux par la force de sa main sans en trouver un qui pût lui convenir.

Aucun de ces chevaux n’était digne de lui et le cœur du héros avide de gloire s’en resserra.

À la fin un brave d’entre la foule s’approcha de Sohrab au corps d’éléphant et lui dit :

J’ai un poulain de la race de Raksch, qui égale le lion en force et le vent en vitesse ; c’est un cheval haut comme une montagne qui s’élève au-dessus d’une vallée et il court dans la plaine comme un oiseau qui vole.

Par sa force et par sa vitesse, il ressemble au soleil ; personne n’a jamais vu de cheval aussi rapide.

Ses pas ébranlent le taureau-poisson qui soutient la terre ; son bond est rapide comme l’éclair ; sa stature est haute comme une montagne.

Il vole sur la montagne comme un corbeau : il nage dans la mer comme une araignée d’eau ; il court dans la plaine comme une flèche partie de l’arc, quand il suit la trace de ses ennemis.

Les paroles de cet homme réjouirent Sohrab ; il sourit et ses joues brillèrent de joie.

On amena incontinent ce cheval de belle couleur devant Sohrab ; il l’essaya en se servant de toute sa vigueur et le trouva fort et tel qu’il lui fallait.

Alors le héros, fils d’un brave, caressa le cheval, le flatta de la main, le sella et sauta sur son dos.

Monté sur ce cheval, le glorieux héros ressemblait au mont Bisoutoun ; il prit dans sa main une lance haute comme une colonne et s’écria :

Maintenant que j’ai un pareil destrier, je chevaucherai comme il convient ; je rendrai noir le jour devant Kaous.

Il dit et rentrant au palais, il se prépara à la guerre contre les Iraniens ; et de tous côtés s’assembla autour de lui une armée, car il était de noble origine et prêt pour le combat.

Sohrab se présenta devant son grand-père et le pria de lui donner aide et conseil pour qu’il pût aller dans le pays d’Iran, pour qu’il pût voir son glorieux père.

Lorsque le roi de Semengan le vit si brave, il lui donna des trésors de toute espèce, des couronnes et des trônes, des casques et des ceintures, des chevaux et des chameaux, de l’or et des joyaux, des cuirasses pour le combat et des armes de guerre ; car il était en admiration devant cet enfant à peine sevré.

Il ouvrit la main de la justice et de la générosité et l’investit de tous les insignes et de tous les honneurs de la royauté.

Dernière mise à jour : 11 sept. 2021