Keï Kaous

Siawusch cède le commandement à Bahram

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Siawusch écrivit une lettre à son père, dans laquelle il lui racontait tout ce qui s’était passé, disant :

Malgré ma jeunesse, j’ai de l’intelligence et me suis toujours détourné de toute mauvaise action.

Mais le feu de la colère du roi du mondea brûlé en secret mon cœur ; ma première douleur est venue de l’appartement de tes femmes ; il m’a fallu inonder mes joues du sang de mon cœur, il m’a fallu traverser une montagne de feu, de sorte que les biches du désert ont pleuré sur moi amèrement.

Pour échapper à la honte et à la disgrâce qui m’accablait, je suis allé à la guerre, j’ai marché au combat contre les crocodiles.

Les deux pays se sont réjouis de la paix que j’ai conclue : mais le cœur du roi a été comme une épée d’acier.

Il n’approuve rien de ce que je fais et que j’ouvre ou que je ferme, il m’en blâme également.

Puisque ses yeux sont las de me voir, je ne veux pas rester plus longtemps avec un homme qui est fatigué de moi.

Puisse le bonheur ne jamais abandonner son 2M âme !

Quant à moi, je m’expose dans ma douleur à l’haleine du dragon.

Je ne sais quel destin, dans sa haine ou dans son amour, me réserve en secret le ciel qui tourne. »

Ensuite, il donna ses ordres à Bahram, disant :

Fais fleurir ton nom dans le monde ; je te confie la couronne, le camp, le trésor, mon trône, ma place, mon étendard, les cavaliers, les éléphants et les timbales.

Quand le Sipehdar Thous sera arrivé, tu lui remettras tout comme tu l’as reçu.

Sois prudent, que tes jours soient heureux ! »

Il choisit dans l’armée six cents cavaliers, tous guerriers propres au combat ; il ordonna qu’on lui apportât de l’argent autant qu’il lui en fallait, de l’or et des joyaux dignes d’un roi, qu’on amenât cent chevaux caparaçonnés d’or, cent esclaves avec des ceintures d’or pour le servir et qu’on fit une liste des armes, des caparaçons et des ceintures qu’il emportait.

Ensuite, il appela les grands et leur adressa quelques paroles convenables :

Piran vient de la part d’Afrasiab ; il a traversé le Djihoun et m’apporte un message secret qui vous délivrera tous de vos soucis.

Je me prépare maintenant à aller au-devant de lui, mais il est nécessaire que vous restiez ici.

Vous regarderez tous Bahram comme votre chef et vous ne refuserez pas d’obéir à ses ordres. »

Tous les braves baisèrent la terre devant Siawusch en invoquant la grâce de Dieu sur lui. æ

Aussitôt que le soleil brillant eut disparu, que le ciel fut obscurci et la terre couverte de ténèbres, Siawusch mena son escorte vers le Djihoun, inondant ses joues des larmes de ses deux yeux.

Quand il arriva à Termed, il trouva toutes les portes, les terrasses et les rues parées comme le gai printemps et pleines de couleurs et de parfums et il en fut ainsi de toutes les villes jusqu’à Djadj ; tu aurais dit que c’étaient des fiancées parées de colliers et de couronnes.

Il trouvait à chaque station un repas préparé, une table servie et des tapis étendus ; cela continua jusqu’à ce qu’il fût arrivé à Kafdjak Taschi, ou il s’arrêta et resta quelque temps.

Thous, de son côté, arriva à Balkh, où il apprit des événements douloureux.

On lui dit que le fils glorieux du roi Kaous était parti, qu’il s’était rendu auprès du roi du Touran.

Thous rassembla de tous côtés son armée et la ramena à la cour de Kaous.

Les joues du roi pâlirent à ces nouvelles ; et dans sa colère contre Siawusch et Afrasiab, il poussa des cris, le cœur en feu, les deux yeux inondés de larmes.

Car il ne savait pas ce que la rotation des sphères lui réservait, ni si le ciel voulait le traiter avec amour ou avec haine.

Il oublia sa colère,son envie de combats et sa vengeance et dès ce moment ne parla plus de guerre.

Afrasiab apprit que Siawusch avait passé le Djihoun, qu’il avait franchi la frontière avec son escorte et qu’un messager envoyé par lui était arrivé à la cour.

Il ordonna que l’on allât à sa rencontre et que les grands se missent en route précédés des tambours.

Piran choisit mille hommes de sa tribu et fit ses préparatifs pour aller au-devant de Siawusch ; il distribua à son escorte des provisions et des présents et fit caparaçonner quatre éléphants blancs, sur l’un desquels on plaça un trône incrmté de turquoises et un étendard brillant et grand comme un arbre.

Le drapeau était surmonté d’une lune d’or, le fond en était violet et brodé d’or au milieu.

Les trois autres éléphants portaient des sièges d’or et étaient couverts de brocarts.

On voyait cent nobles chevaux avec des selles d’or incrustées de pierres fines de toute espèce.

Tout le cortège était si beau que tu aurais dit que le ciel avait paré la terre avec amour.

Siawusch apprit qu’un cortège s’avançait et se prépara à aller à sa rencontre ; il vit l’étendard du Sipehdar Piran, il entendit le bruit de ses chevaux et de ses éléphants, il courut à lui et le serra contre sa poitrine.

Il lui demanda des nouvelles de son pays et de son maître et lui dit :

Ô Pehlewan de l’armée, pourquoi te fatigues-tu à venir au-devant de moi ?

Le plus grand désir de mon âme était que mes deux yeux te vissent en bonne santé. »

Piran lui baisa la tête et les pieds, ainsi que ce beau visage qui ravissait les cœurs ; il dit en s’adressant àDieu le créateur :

Ô maître de tout ce qui est Il. 2

2M : connu et inconnu, si tu m’avais montré seulement en songe un être aussi intelligent, tu aurais rajeuni ma vieillesse.

Maintenant, ô Siawusch, que je t’ai vu brillant et en bonne santé, j’en rends avant tout grâce à Dieu.

Afrasiab s’era pour toi un père et tous ceux qui demeurent de ce côté du Djihoun seront tes esclaves.

J’ai plus de mille alliés qui sont mes serviteurs, portant la boucle d’oreille de l’esclavage.

Tous mes trésors sont à toi.

Puisse ton cœur être toujours joyeux et ton corps toujours sain !

Puisse ton âme ne jamais former en vain un désir !

Tous les hommes et toutes les femmes seront tes esclaves ; et si tu veux m’accepter pour serviteur malgré ma vieillesse, je me ceindrai pour te servira»

Tous deux se mirent gaiement en route, parlant de toute chose grande et petite.

Dans toutes les villes, ceux qui dormaient se réveillèrent au bruit des luths et des rebecsçtoute la terre était embaumée par le musc que l’on répandait, tous les chevaux arabes semblaient avoir des ailes.

Siawusch, en voyant cela, versa des torrents de larmes et ses pensées l’attristèrent ; car il se souvint du temps où tout le pays de Zaboulistan jusqu’aux frontières de Kaboul était paré pour les l’êtes, quand il était l’hôte de Rustem et que tous les grands étaient rassemblés autour de lui ; il se souvint du pays d’Iran et un soupir s’échappe de son sein ; il se souvint de l’or et des joyaux qu’on avait versés sur lui, du musc et de l’ambre qu’on avait répandus sur lui et ces souvenirs mirent son cœur en feu et le consumèrent comme une flamme ardente. l1 cacha son visage devant Piran et détourna la tête ; mais le Sipehbed vit sa douleur et son angoisse et devina quel regret l’agitait ; il en fut affligé et se mordit les lèvres.

Ils descendirent de cheval à Kadjar Baschi et s’arrêtèrent pour se reposer.

Piran observa la mine de Siawusch, ses épaules, sa poitrine, ses bras et écouta ses paroles.

Ses deux yeux se fixèrent sur Siawusch avec étonnement et de temps en temps il prononçait le nom de Dieu ; puis il dit à Siawusch :

m0’rei illustre !

Tu es l’héritier des rois du monde ; tu possèdes trois choses que nul d’entre les fils des grands ne possède.

D’abord tu es de la race de Keïkobad et ta dignité est telle que l’on te prendrait pour le chef de la famille des Keïanides.

Enrrsuite tu as accoutumé ta langue à être véridique et à ne prononcer que de bonnes paroles.

Enfin ton visage est tel que l’on dirait qu’il sème de l’amour pour toi sur la terre. »

Siawusch lui répondit :

Ô vieillard aux paroles pures et droites, célèbre dans le monde entier par ta bonté et ta bonne foi !

Tu es éloigné des œuvres d’Ahriman et de toute injustice.

Si tu veux faire avec moi une alliance et je sais que tu ne la violeras pas, alors je me préparerai un lieu de repos dans ce pays, par amour pour toi et

2 : 1.

dans la confiance que tu m’inspires.

Si mon séjour ici me porte bonheur, tu n’auras pas à déplorer la part que tu y auras prise ; et s’il en doit être autrement, ordonne-moi de partir et enseigne-moi le chemin d’un autre pays. »

Piran lui dit :

Ne sois pas en peine de cela.

Puisque tu es venu ici du pays d’Iran, ne répugne pas à devenir l’ami d’Afrasiab ; ne te hâte point de nous quitter.

Afrasiab a un mauvais renom, mais il ne le mérite pas ; c’est un homme de Dieu.

Il a du sens, de la prudence et une puissante volonté et ne se jette pas follement dans une voie où il se perdrait.

Et puis je suis son parent et du même sang.

Je suis son Pehlewan et son guide ; il me respecte et m’honore et mes trésors, mes trônes et mes troupes sont en grand nombre.

J’ai à mes ordres, dans ce pays, plus de cent mille cavaliers ; douze mille sont de ma propre tribu et se tiennent devant moi, quand je le veux, jour et nuit.

Je possède un territoire, des troupeaux des chevaux, des trésors, des ares et des lacets ; je possède beaucoup d’autres richesses cachées, de sorte que je n’ai besoin de l’aide de personne.

Que tout cela soit à toi, si tu veux établir parmi nous ta joyeuse demeure.

Je t’ai reçu de Dieu le très-saint et je te servirai de tout mon cœur et de toute mon âme ; je te garantirai de tout malheur, autant qu’il sera possible ; car personne ne connaît le secret du ciel sublime. »

Siawusch fut consolé par ces discours et il bannit de son esprit ses sombres pensées.

Ils s’assirent ensemble pour dîner.

Siawusch étaitvcomme un fils et Piran comme un père.

Ensuite ils partirent, riant et le cœur en gaieté et ne s’arrêtèrent plus avant d’arriver devant la ville de Gang, qui était la belle résidence d’Afrasiab.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021