Keï Kaous

Lettre d'Afrasiab à Siawusch

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Afrasiab ayant entendu ces paroles, prit une résolution sage, fit appeler un scribe plein d’expérience, ouvrit les lèvres et lui dicta une lettre.

Le scribe en se mettant à l’œuvre, trempa le bout de son roseau dans de l’ambre et le roi commença la lettre par les louanges de Dieu et par un hommage rendu à sa toute-puissance et à sa sagesse.

Dieu qui est au-dessus de l’espace et du temps, comment la pensée de ses serviteurs pourrait-elle l’atteindre ?

Il est le maître de l’âme, de l’esprit et de l’intelligence et sa justice est le soutien du sage.

Que sa grâce soit sur le fils du roi, le maître de l’épée, de la massue et du casque, le pur, le juste, lui dont le cœur n’aime pas l’injustice et la tyrannie !

J’ai écouté ton message du commencement jusqu’à la fin, tel que me l’a rendu ton prudent messager, Zengueh fils de Schaweran.

Mon âme s’est attristée de la malveillance secrète de Kaous envers toi ; et pourtant y a-t-il dans le monde quelque chose au-dessus du diadème et du trône que puisse désirer un homme de sens sur lequel veille la fortune ?

Et ceux-ci te sont assurés, que tu sois déjà roi, ou que tu aies encore à les attendre.

Tout le pays de Touran t’offrira ses hommages et moi j’ai besoin de ton affection.

Tu seras un fils pour moi et je serai pour toi un père, mais un père qui se tiendra devant toi comme un esclave.

Sache que jamais Kaous ne t’a regardé un seul jour avec le même amour que moi ; je t’ouvrirai mes palais et mes trésors et te donnerai un trône et une couronne.

Je te traiterai tendrement comme on traite un fils et tu resteras après moi comme un souvenir qui me rappelle aux hommes.

Si tu traversais mon pays pour gagner une autre partie de la terre, tous grands et petits me le reprocheraient.

Du reste, tu trouverais dilli-cilement une sortie de ce côté, à moins d’être doué d’un pouvoir divin ; tu n’y trouverais aucune terre, il te faudrait traverser la mer de la Chine.

Dieu le dispense de le faire ; viens ici et établis chez nous amicalement ta résidence.

Mon armée, mes forteresses et mes richesses sont à toi et tu n’auras pas besoin d’un prétexte pour me quitter.

Quand tu voudras faire la paix avec ton père, je te donnerai des trésors et des ceintures d’or, pour que tu ailles d’ici dans l’Iran avec une armée et je t’accompagnerai dans ta roule, livré à la plus vive douleur.

Ton père ne persistera pas longtemps dans son inimitié contre toi ; il est vieux et doit être las de combats ; car quand un homme qui a soixante-cinq ans veut souffler le feu, son haleine de vieillard a de la peine à l’attiser.

L’Iran, le trône et l’armée seront à toi et tu iras de contrée en contrée recueillir des couronnes.

J’ai reçu l’ordre de Dieu de m’employer pour toi de toute mon âme et de toutes mes forces.

Je ne te demanderai jamais de faire le mal et ne t’y entraînerai pas et je ne laisserai pas aller mon cœur à un seul soupçon contre toi. »

Le roi apposa son sceau sur la lettre et ordonna à Zengueh, l’ami de Siawusch, de se ceindre en toute hâte pour le départ.

Il lui avait préparé beaucoup de présents, de l’argent, de l’or et un cheval avec de lourds caparaçons d’or.

Zengueh fils de Schaweran partit en toute hâte et arrivé devant le trône de Siawusch, il raconta les questions qu’il avait faites

Et les réponses qu’il avait reçues.

D’un côté, Siawusch en fut réjoui, mais de l’autre, il était rempli de douleur et d’affliction.

Il lui fallait faire un ami de son ennemi ; mais comment un vent frais pourrait-il venir du feu ?

Quelque bien que tu agisses, un ennemi finira toujours par te traiter en ennemi.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021