Keï Kaous

Rustem tue Pilsem

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Pilsem se rendit au centre de l’armée.

Son cœur

était plein d’ardeur pour le combat, son visage était sombre ; il dit au roi du Touran :

Ô roi sage et illustre !

Si tu ne me refuses pas une cuirasse, un cheval, un casque et une épée, je veux aujourd’hui attaquer Rustem, je veux couvrir son nom de honte ; je t’apporterai sa tête, sa massue et son épée qui distribue les royaumes, je t’amènerai son cheval Raksch. »

L’âme d’Afrasiab fut réjouie de ces paroles, il éleva la pointe de sa lance au-dessus du soleil et répondit :

Ô glorieux lion !

Puisse cet éléphant ne pas te vaincre !

Si tu réussis à t’emparer de Rustem, tu délivreras le monde d’une grande tyrannie ; ton nom et ton sceau, ton épée et ta massue seront tout-puissants dans le Touran ; tu élèveras ma tête jusqu’au ciel qui tourne et je te donnerai ma fille et mon diadème ; deux tiers de l’Iran et du Touran seront à toi ; les joyaux, les trésors et les villes de ces pays t’appartiendront. »

Piran fut affligé de ces discours.

Il s’approcha du roi sur qui veillait la fortune et lui dit :

Ce jeune homme est trop ardent et en veut à sa propre vie.

S’il attaque Rustem, sa tête roulera dans la poussière.

A mon avis, il ne peut qu’y perdre sa renommée ; il tranchera le cours de la destinée qui l’attend ; cette entreprise couvrira le roi de honte et l’armée n’aura plus le courage de combattre.

Tu sais avec combien de tendresse un frère aîné veille sur un frère plus jeune que lui. »

Pilsem répondit à Piran :

Je ne crains pas ce Pehlewan et si je combats ce vaillant crocodile, j’espère, grâce à ta bonne étoile, ne pas être une source de honte pour le roi.

Tu m’as vu combattre et vaincre en ta présence quatre héros illustres ; depuis ce temps mes forces doivent s’être accrues et tu fais mal de vouloir m’ôter le courage. l’accomplirai cette entreprise ; ne réveille donc pas une mau-vaise étoiler Lorsque le roi eut entendu ces paroles, il lui donna un cheval de bataille, une épée, une lourde massue, une cuirasse, un casque et une armure de cheval.

Pilsem s’arma pour le combat et s’élança bravement comme un lion plein de fierté.

Il cria aux Iraniens :

Où est Rustem, que l’on dit être un dragon au jour de la bataille ?

Dites-lui que je le cherche pour qu’il vienne me combattre, car j’ai envie de me mesurer avec lui. »

Quand Guiv entendit ces paroles, il bondit et se hâtant de tirer l’épée du fourreau, il s’écria :

Rustem ne voudra pas se déshonorer en se battant contre un seul Turc. nLeS deux braves, Guiv fils de Gouderz et Pilsem, se jetèrent l’un sur l’autre.

Pilsem frappa de sa lance Guiv, qui dans sa frayeur perdit les deux étriers.

Faramourz vit ce qui se passait et vola à son secours, car dans ce moment Guiv avait grand besoin d’un ami courageux.

Faramourz donna un coup d’épée sur la lance de Pilsem et la coupa comme si elle eût été un roseau ; il donna un 3 : !

Second coup ’épée sur le casque de Pilsem, mais son épée s’y brisa.

Pilsem et les deux Iraniens se poursuivirent sur la plaine comme des lions furieux, jusqu’à ce que Rustem aperçût du centre de son armée ces deux nobles et vaillants guerriers luttant contre un seul homme au cœur de lion et soulevant la poussière que le vent emportait jusque dans les nues.

Il se dit :

Il n’y a parmi les Turcs que Pilsem qui ait assez de force et de vigueur pour se défendre de la sorte. »

Il avait d’ailleurs entendu, pendant qu’il traversait le monde en tous sens, les prédictions heureuses et malheureuses qui se rapportaient au pays de Touran et que lui avaient faites de vieux Mobeds, des astrologues et des sages et il se dit :

Si Pilsem peut échapper aux dangers qui le menacent et acquérir de l’expérience, il est destiné à devenir un héros tel, que personne, ni dans l’Iran, ni dans le Touran, ni dans le monde entier, ne lui serait comparable.

Mais je pense que son heure est venue, puisquïl s’élance avec cette fureur pour me combattre. »

Il dit à son armée :

Qu’aucun de vous ne porte le pied en avant pour quitter sa place ; je vais mettre Pilsem à l’épreuve ; je vais voir qui de nous deux est le plus fort. »

Il saisit une forte lance, se raffermit sur la selle, mit son casque, appuya sur les étriers, mania légèrement les rênes et éleva la pointe brillante de sa lance à la hauteur de son œil.

Il était en colère et ses lèvres se couvraient d’écume ; il courut du centre de son armée jusqu’aux lignes des Turcs et s’écria :

Ô illustre Pilsem !

Tu me cherches pour me brûler avec ton haleine.

Tu vas éprouver maintenant les coups du vaillant crocodile et c’est la dernière fois que tu guideras ton cheval dans la mê-Iée.

Mon cœur brûle de pitié pour ta jeunesse.

Hélas !

Faut-il qu’un Pehlewan comme toi périsse ! »

Il dit et lança son cheval ; il courut au combat comme la sphère du ciel qui tourne ; il frappa Pilsem à la ceinture et l’enleva de selle comme une balle que frappe la raquette ; ensuite il s’élança jusqu’au centre de l’armée des Touraniens et le jeta au milieu d’eux comme une chose vile, disant :

Enveloppez cet homme dans du brocart jaune, car ma massue l’a rendu bien. »

Puis, il s’éloigne du lieu du combat et retourna en galopant au centre de son armée.

Piran versa des torrents de larmes, car l’art du médecin ne pouvait plus rien pour Pilsem.

Les braves du roi du Touran eurent le cœur brisé et le champ de bataille s’obscurcit devant leurs yeux.

On entendit les cris que poussaient les deux armées et les coups que donnaient et recevaient les héros pleins d’ardeur ; le son des timbales qu’on battait sur le dos des éléphants remplissait l’air à plusieurs milles de distance ; la terre tremblait sous les sabots des chevaux ; la montagne devenait une mer de sang et la plaine une montagne de cadavres ; le ciel était ébranlé par.

Le bruit et les fanfares des trompettes ; chaque pierre paraissait être du corail, la terre était trempée de sang et des chefs sans nombre succombèrent.

Tu aurais dit que le ciel faisait pleuvoir du sang et que les pères n’avaient plus de tendresse pour leurs fils ; un vent violent s’élevait du champ de bataille et une poussière noire enveloppait le ciel.

C’est ainsi que se battaient sur la plaine les deux armées ; on ne pouvait plus les distinguer l’une de l’autre, le monde était sombre comme une nuit noire et le jour avait presque pris la teinte de la nuit.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021