Keï Kaous

Meurtre de Siawusch par Gueroui

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Guersiwez jeta alors un regard sur Gueroui et le cruel Gueroui se retourna sur-le-champ, s’approcha de Siawusch et se dépouillant de tout sentiment de générosité et de pitié, il saisit le roi par les cheveux et le traîna, ô honte !

Le visage contre terre comme une chose vile.

Siawusch adressa ses plaintes à Dieu en disant :

Ô toi qui es maître de l’espace et du

, sort !

Fais naître de mon tronc un rejeton qui brille devant le peuple comme le soleil, qui me venge de mes ennemis, qui fasse refleurir mon nom dans tous les pays, qui mette sous ses pieds le monde entier et qui montre ce que peut la bravoure d’un homme. »

Pilsem le suivit, les yeux inondés de sang et le cœur rempli de douleur.

Siawusch lui dit :

Adieu, puisseslu vivre éternellement !

Fais mes adieux à Piran, dis-lui que le sort a tourné autrement que nous ne voulions.

J’avais mieux espéré de Piran ; tous ses serments ne sont que du vent et moi je suis comme la feuille du tremble.

Il m’avait dit qu’il viendrait à mon aide avec cent mille cavaliers couverts de cuirasses et montés sur des chevaux raparaçonnés et qu’au jour du malheur il serait pour moi une prairie au moment où j’aurais besoin de brouter ; et maintenant je suis obligé de marcher à pied devant Guersiwez, couvert de mépris et l’âme en peine et sans avoir auprès de moi un seul ami ce qui pleure sur ma destinée. »

Lorsqu’ils eurent traversé la ville et le camp, ils le traînèrent dans la large plaine et Gueroui Zereh prit le poignard brillant de Guersiwez pour verser le sang de Siawusch.

Il continua de le traîner par les cheveux jusqu’à ce qu’il vînt à la place où était le but que Siawusch et Guersiwez, le vainqueur des lions, avaient abattu avec leurs flèches le jour de la joute.

Arrivé devant le but, l’infâme Gueroui Zereh, qui n’aimait qu’à faire du mal, jeta par terre Siawusch, l’éléphant terrible, sans aucun sentiment de pitié pour le prince, sans aucune crainte de Dieu.

Il plaça devant Siawusch un vase d’or, lui tourna le con comme à un mouton, lui sépara la tête du corps qui était comme un cyprès d’argent et le sang coula dans le vase.

Ensuite Gueroui porta le vase dans l’endroit qu’Afrasiab avait indiqué, il le pencha et aussitôt il naqnit de ce sang une plante dans l’endroit où le vase fut renversé.

Je vais maintenant te désigner cette plante, c’est elle qu’on appelle sang de Siawusch (sangdedragon).

Lorsque cette tête semblable au soleil fut détachée du cyprès de son corps ; lorsque cette tête de roi fut endormie (quel sommeil !

Il s’est passé déjà un si long temps sans qu’elle ait remué, sans qu’elle se a9

3 soit réveillée), un orage éclata soulevant une poussière noire qui obscurcissait le soleil et la lune ; les hommes ne se voyaient plus et ils se mirent tousà maudire Gueroui, en disant :

Puisque le trône des rois est privé de son maître, puisse-t-il n’y avoir ni soleil ni cyprès !

N Je me tourne à droite et à gauche dans le monde et ne puis m’y reconnaître.

L’un fait du mal et le bonheur va au-devant de lui, le monde est son esclave et la fortune se donne à lui ; un autre ne vit que pour faire du bien et pourtant les soucis fié. trissent sa vie.

Mais ne t’occupe pas du monde, ne lui livre pas ton âme et ton cœur pour qu’il les tourmente ; car il est instable et traître et a été tel depuis qu’il existe et sache qu’il n’accorde une durée éternelle à rien de ce qui naît de lui.

Il sortit des clameurs du palais de Siawusch et on s’y souleva contre Guersiwez, Toutes les esclaves»

Dénouèrent leur chevelure.

Ferenguis coupa une longue mèche de ses cheveux noirs et s’en ceignit le milieu du corps ; elle déchira de ses ongles ses joues de rose, en maudissant à haute voix l’âme d’Afrasiab et en versant des larmes.

Toutes les belles au visage de lune s’arrachèrent les cheveux, ensanglantèrent leurs joues et restèrent stupéfiées.

Leurs cris arrivèrent aux oreilles du roi, qui, entendant ces plaintes amères et ces malédictions, dit à Guersiwez :

Faites sortir de sa retraite cette femme aux mau-

vaises paroles, arrachez-la des appartements des femmes et traînez-la dans la cour, livrez-la aux gardes qui sont accoutumés aux meurtres, pour qu’ils la saisissent par les cheveux, qu’ils déchirent le voile qui couvre sa tête et qu’ils la frappent avec des bâtons jusqu’à ce qu’elle ait rejeté sur la terre de Touran l’enfant de la vengeance qu’elle porte dans son sein.

Je ne veux pas que la racine de Siawusch pousse un rejeton ; je ne veux ni de ses feuilles ni de ses fruits, ni de son trône ni de sa couronne. »Tous les grands de l’assemblée, l’un après l’autre, le maudirent, disant :

Personne n’a jamais en-

’tendu prononcer par un roi, ou un Destour, ou un homme de guerre un jugement pareil. »

Pilsem, les deux joues couvertes de sang, l’âme blessée et le cœur rempli d’angoisse, se rendit auprès de Lehhak et de Ferschidwerd et les informa de tout ce qui s’était passé, ajoutant :

L’enfer vaut mieux que le trône d’Afrasiab ; on ne doit ni se reposer ni dormir dans ce pays ; hâtons-nous, courons auprès de Piran afin de sauver les prisonniers pour la vie desquels nous avons à craindreun Ils sellèrent trois nobles chevaux et coururent comme s’ils enroulaient la terre sous leurs pas.

Les trois cavaliers arrivèrent auprès de Piran, les joues inondées de sang, l’âme percée de douleur et lui racontèrent tout le mal que le roi avait fait.

Piran ayant entendu leurs paroles, tomba de son trône ; il était hors de lui, il dé-.

Chirait ses vêtements sur son corps, il arrachait ses cheveux et répandait de la poussière sur sa tête, s’écriant :

Hélas !

Prince digne de la couronne, jamais le trône d’ivoire ne verra plus un homme comme toi !

NPilsem lui dit :

Hâte-toi, car des dou-leurs plus grandes que celles-ci t’attendent.

On a enlevé Ferenguis de son trône, tremblante comme une feuille d’arbre ; on l’a emportée pleurante et traitée avec mépris et on l’a livrée aux valets du roi habitués aux meurtres. »

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021