Keï Kaous

Lettre de Siawusch à Afrasiab

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Siawusch fit appeler un scribe intelligent et lui dicta une longue lettre.

Il commença par glorifier Dieu le créateur, qui soulage les peines de ses serviteurs ; ensuite il se mit à célébrer les louanges de l’intelligence et à invoquer les grâces de Dieu sur le roi du Touran, disant :

Ô roi victorieux et fortuné !

Puisse le temps où il ne restera plus de toi que le souvenir ne jamais arriver !

Tu m’as appelé auprès de toi et je m’en suis réjoui.

Puisses-tu être environné de sages !

Tu as aussi appelé Ferenguis, ce qui a rempli son cœur de tendresse et du désir de t’obéir ; mais elle est souffrante en ce moment, ses lèvres ne prennent point de nourriture et son corps ne peut se mouvoir.

Elle est couchée et me tient enchaîné au chevet de son lit, car je la vois suspendue entre les deux mondes.

Le désir de mon cœur est de te revoir et les deux pays sont remplis des traces de tes labeurs et de tes hauls faits.

Aussitôt que Ferenguis sera soulagée, elle se rendra auprès du roi de la terre.

Que jusque-là mon anxiété m’excuse ; le secret de ce délai n’est que dans ses douleurs et dans les soins que son état exigea

Siawusch ayant scellé la lettre, la donna sur-le-champ à Guersiwez, ce rejeton d’une méchante race ; celui-ci demanda trois chevaux rapides et se mita courir jour et nuit sans relâche.

En trois jours il fit cette longue route, si difficile par ses montées et ses descentes.

Le quatrième jour il se présenta devant Afrasiab, la bouche pleine de mauvaises paroles et l’âme remplie de mauvais desseins.

Afrasiab lui adressa beaucoup de questions, quand il le vit arriver tout fatigué et tout en colère.

Pourquoi, lui dit-il, arrives-tu en si grande hâte ?

Comment as-tu pu faire si rapidement un si long chemin ? »

Guersiwez répondit :

Quand la fortune devient mauvaise, ce n’est plus le temps de se reposer.

Siawusch n’a fait aucune attention à moi, il n’est pas venu au-devant de moi sur la route, il n’a voulu rien écouter ni lire ta lettre, il m’a assigné la dernière place devant son trône. lI venait de recevoir une lettre de l’Iran et la porte de sa ville est restée fermée pour nous.

Une armée du pays de Roum et une autre de la Chine peuvent dans un instant remplir le monde de troubles.

Si tu tardes à le surveiller, tu n’auras bientôt plus dans la main que du vent.

Si tu hésites, c’estlui qui commencera la guerre et s’emparera par sa bravoure de toutes les provinces.

Et s’il se rend avec son armée dans l’Iran, qui osera l’y attaquer ?

Tu ne fais pas attention à ses trames et plus tard tu auras à frémir de ses projets. »

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021