Guschtasp

Mort de Guerami, fils de Djamasp

Alors un cavalier sortit des rangs de l’armée, le noble fils de Djamasp, le Destour du roi, un cavalier vaillant dont le nom était Guerami, et qui ressemblait à Rustem fils de Destan, fils de Sam.

Il était monté sur un destrier couleur isabelle, et un lacet était roulé autour du crochet de sa selle.

Il s’arrêta devant les rangs des Chinois et invoqua Dieu, le distributeur de la justice; ensuite il s’écria:

Quel est parmi vous l’homme au cœur de lion qui ose braver une lance qui détruit la vie?

Où est ce magicien qui ne veut faire que ses volontés, et qui s’appelle Namkhast fils de Hazaran?

Namkhast s’avança sur-le-champ vers lui;

tu aurais dit qu’un rocher était assis sur son cheval.

Les deux cavaliers agiles s’escrimèrent avec les massues et les lances, avec les épées et les flèches.

Guerami était un héros fort comme un lion, le vaillant Namkhast ne pouvait lui résister, et cet homme de guerre s’enfuit quand il eut éprouvé la force du Keïanide et vu son épée tranchante.

Guerami s’élance, brûlant de colère, le cœur gonflé de sang et rempli du désir de la vengeance, l’âme pleine d’ardeur pour le combat, et se jeta au milieu des rangs des ennemis.

Le vent s’éleva alors du côté des montagnes; les deux armées se précipitèrent l’une sur l’autre, et soulevèrent une poussière épouvantable.

Au milieu de ce choc des armées, de ces coups d’épée et de cette poussière noire, le drapeau brillant de Kaweh échappa des mains des Iraniens.

Guerami aperçut ce drapeau bleu qu’on avait laissé tomber du dos d’un éléphant, mit pied à terre, le secoua pour en faire tomber la poussière et le nettoya.

Les braves de la Chine virent que Guerami appuyait la lance du drapeau sur la selle de son cheval, en ôtait la terre et le nettoyait de la poussière; les plus vaillants d’entre eux l’entourèrent, l’attaquèrent de tous côtés et lui abattirent une main par un coup d’épée.

Alors il saisit le drapeau de Feridoun avec ses dents, et, ô merveille! il frappa de la massue avec la main qui lui restait; mais à la fin ils le tuèrent misérablement, et le jetèrent sur ce sol chaud de sang versé, comme une chose vile.

Hélas! ce vaillant cavalier plein de cœur, le sage vieillard ne le revit plus!

Nestour, le lion, le vaillant Keïanide, le fils de Zerir, s’avança sur-le-champ; il tua des ennemis sans nombre, car il avait appris de son père l’usage des armes, et à la fin il revint victorieux et heureux, et se plaça de nouveau devant son père.

Ensuite le cavalier choisi, Nivzar, fils du roi du monde, s’élança , monté sur un cheval rapide et tel qu’il n’avait pas son pareil parmi des milliers.

C’est ainsi qu’il parut sur le champ de bataille, où il s’écria d’une voix forte:

Ô guerriers d’élite!

Y a-t-il parmi vous un homme illustre, plein d’expérience, vaillant et sachant manier la lance, qui veuille venir à ma rencontre, la lance à la main, car voici devant vous un homme de cœur?

Les cavaliers chinois coururent sur lui et cherchèrent à le renverser, mais le courageux Nivzar, le cavalier illustre dans le monde entier, traversa en tous sens cette masse de braves, semblable à un éléphant furieux ou à un lion féroce; tu aurais dit qu’il enroulait la terre sous ses pieds; il tua cent vingt de ces héros, tous élevés au milieu des batailles; mais à la fin la flèche d’une arbalète le frappa, une flèche lancée comme si c’était un foudre du ciel; il tomba du haut de son cheval rapide, aux belles couleurs, et mourut; tel est le sort des batailles!

Hélas, encore un noble cavalier qui fut tué avant d’avoir rempli sa destinée! Il ressemblait à son père et était son égal; hélas! quel beau visage et quelle haute stature!

Lorsque ce héros aux beaux traits fut mort, des milliers de milliers de cavaliers qui l’entouraient se précipitèrent dans tous les coins du champ de bataille, et soulevèrent la poussière de la surface de la terre.

C’est ainsi que deux semaines se passèrent dans des combats incessants, pendant lesquels pas un cavalier ne dormit un instant;

les terres étaient couvertes de morts et de blessés, la poussière empêchait le vent de passer, les vallées et les plaines étaient couleur de tulipe, le sang coulait dans les campagnes et dans le désert, et le champ de bataille était tellement encombré de corps que personne ne pouvait y marcher.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021