Guschtasp

Commencement de la bataille entre les iraniens et les touraniens

...

Lorsque la nuit fut passée, que le jour eut paru et que le soleil qui éclaire le monde eut commencé à briller, les deux armées montèrent à cheval pendant que le roi Guschtasp les observait du haut de la montagne.

Le glorieux roi, voyant d’en haut que les guerriers se mettaient en selle, fit amener Behzad, son cheval noir: tu aurais dit que c’était le mont Bisutoun.

On revêtit le destrier de ses caparaçons, et le vaillant Pehlewan le monta.

Les deux armées s’approchèrent l’une de l’autre, et l’on sonna des clairons d’airain sur le dos des éléphants; les rangs des braves se formèrent, et les héros provoquaient ceux qui étaient dignes de les combattre.

On fit d’abord tomber une pluie de flèches qui ressemblait à une grêle de printemps, et le soleil disparut du monde: quiconque n’a pas vu une semblable merveille ne pourrait le croire.

La face du soleil était cachée par les pointes des flèches, qui formaient comme un torrent d’eau; tu aurais dit que l’air portait un nuage dont il pleuvait de l’acier.

La masse des cavaliers armés de massues et portant des lances qui se jetaient les uns sur les autres, était telle que l’air disparut du monde, ayant pris la couleur de la nuit, et que la terre entière fut trempée de sang.

Le premier qui s’avança fut un cavalier plein de dignité, Ardeschir, le fils du roi du monde; il entra sur le champ de bataille comme un éléphant ivre ; tu aurais pu croire que c’était le Sipehbed Thous.

C’est ainsi qu’il courut de côté et d’autre au milieu des armées, sans se douter du sort que la lune et le soleil lui préparaient; mais une flèche le frappa au milieu du corps et traversa sa lourde armure; le prince tomba de son cheval, et son corps royal fut couvert de sang et de poussière.

Hélas! ce héros au beau visage, resplendissant comme la lune, le roi sage ne devait pas le revoir!

Après lui s’avança Ormuzd, l’homme au cœur de lion, dont les joues brillaient comme des tulipes au milieu de la verdure.

Il s’avança tenant en main une épée trempée avec du poison; il poussa des rugissements comme un lion qui va abattre un onagre, et tua mille cavaliers ennemis pour venger le héros fils du roi.

Mais, au moment où il voulait quitter le combat après avoir coloré de sang la face de la terre, une flèche perça sa cotte de mailles, et ce roi, fils de roi, succomba.

Hélas! ce noble homme de guerre mourut sans que son père l’eût revu!

Ensuite se présenta Schidasp, qui ressemblait au roi et brillait comme la lune; il était assis sur un destrier pareil à un crocodile, rapide comme le vent et avec la puissance d’un éléphant.

Il parut sur le champ de bataille en faisant tourner sa lance; il la faisait tourner comme un bâton, tout en gouvernant son cheval.

Il s’écria:

Où est le vaillant Kehrem, qui ressemble à un tigre et à un loup?

Un Div sortit des rangs, disant:

C’est moi, et je suis celui qui saisit des dents un lion affamé.

Ils s’escrimèrent avec leurs lances rapidement comme le vent, et le fils du roi frappa le Turc de sa lance, l’enleva de la selle, lui coupa la tête et jeta par terre le corps de cet homme qui portait une ceinture d’or.

Ensuite il s’avança vers le front des héros de la Chine; assis sur son cheval, il ressemblait à un rocher; jamais œil n’avait vu un homme comme lui: il était si beau que les yeux le suivaient partout où il allait.

Mais un Turc lança contre lui une flèche, et ce roi, fils de roi, périt.

Hélas! ce prince élevé délicatement, son père ne revit jamais son visage!

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021