Guschtasp

Gurezm calomnie Isfendiar

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Le conteur m’a raconté que, dans le temps où le roi avait donné un trône à Isfendiar, il y avait un homme orgueilleux, dont le nom était Gurezm, un héros renommé qui avait livré maint combat.

Il nourrissait dans son cœur de la haine contre Isfendiar, je ne sais quelle en était l’origine.

J’ai entendu dire qu’il était de la famille de Guschtasp, et que de tout temps il avait voulu du mal au fils du roi; toutes les fois que le nom d’Isfendiar était prononcé, il parlait contre lui et le dépréciait.

Or un jour le roi illustre était assis sur son trône de grand matin, il avait admis les chefs de son armée, les grands, les rois et les hommes de haute naissance.

Gurezm vint et prit sa place devant le roi fortuné, cherchant un prétexte et un moyen de heurter la vieille branche de l’arbre royal avec la nouvelle, et de renverser celle-ci.

On se mit à parler du fils du roi, et voici de quelle manière l’homme malveillant arriva à ses fins.

Il commença aussitôt à se tordre les mains et dit:

Le pire des ennemis est un mauvais fils, et il faut se garder de le grandir en face de soi.

Voici ce que nous a dit un Mobed à la foi pure:

Quand un fils devient fort et puissant, le sort du père en est plus malheureux, et quand un esclave se soustrait insolemment à l’obéissance due à son maître, il faut lui trancher la tête.

Lorsque j’ai d’abord entendu cette parole de l’homme qui connaît les secrets, elle ne m’a pas paru juste.

Le roi du monde s’écria:

Que veut dire ceci?

Qui est le maître de ce secret, et quel est ce secret?

Le Keïanide répondit:

Ô homme véridique, ce n’est pas le moment de dévoiler ce mystère.

Le roi des rois quitta son trône et dit au fourbe:

Viens près de moi, dis-moi tout, du commencement à la fin, dis quel est le secret de mes ennemis qu’on me cache.

Le méchant Gurezm répondit:

Il faut qu’un homme intelligent ne fasse que ce qui est convenable.

Le roi m’a mis au-dessus de tout besoin dans le monde, je ne dois pas avoir de secret pour lui.

Je ne refuserai au roi aucun conseil, quand même il ne l’approuverait pas; je ne lui cacherai jamais rien, quand même il aimerait mieux que je n’eusse pas parlé, car si je parle et s’il ne m’écoute pas, il vaut toujours mieux dévoiler un secret que d’en faire mystère.

Sache donc, ô maître du monde, qu’Isfendiar médite de lutter contre toi;

beaucoup de troupes se sont rendues auprès de lui, toute l’armée tourne les yeux vers ce héros, et son intention est de te jeter dans les fers, car il te supporte impatiemment à la tête de l’empire;

et une fois qu’il t’aura saisi et enchainé, il s’emparera du monde entier.

Tu sais qu’Isfendiar est un homme qui n’a pas son égal dans le combat, et quand il a formé le nœud de son lacet roulé, le soleil même n’oserait s’opposer à lui.

Voici ce que j’ai entendu dire, je te l’ai répété selon la vérité, maintenant tu sauras faire pour le mieux, car la sagesse et le commandement sont à toi.

Pendant ce récit de Gurezm, le roi illustre de l’ Iran resta confondu, et dit:

Qui a jamais entendu chose pareille?

Il devint sombre et prit en Haine son fils; il ne but plus de vin, il ne se livra plus à la joie, et s’assit loin du festin en poussant des soupirs.

Toute cette nuit les soucis l’empêchèrent de dormir, il était indigné contre Isfendiar.

Lorsque les premières lueurs du jour rayonnèrent du haut des montagnes, et que la lumière des astres eut disparu, le roi Guschtasp appela son Destour Djamasp, l’homme plein d’expérience, et lui dit:

Rends-toi auprès d’Isfendiar, appelle-le et amène-le sans délai auprès de moi.

Dis-lui de se lever et de venir auprès de moi, de lire ma lettre et de ne pas tarder un instant, car il s’agit de grandes affaires, et lui, le plus puissant prince du pays, doit y assister;

dis-lui que le monde va lui appartenir, car je ne puis conduire les affaires sans lui.

Il écrivit une lettre pressante à son fils, dans ces termes:

Ô illustre et fortuné Isfendiar, j’envoie le vieux Djamasp, qui a connu Lohrasp;

Aussitôt que tu le verras, tu ceindras tes reins et partiras avec lui, monté sur un cheval rapide;

S’il te trouve endormi, lève-toi à l’instant;

Si tu es debout, ne tarde pas un moment.

Le sage partit, emportant la lettre du roi; il fit grande hâte et franchit les montagnes et les plaines.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021