Feridoun

Serv essaye sa magie contre Les fils de Feridoun

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Serv le chef des Arabes, le roi de Iemen, fit apporter du vin et en fit boire à l’assemblée ; il manda des chanteurs et continua à parler et à boire jusque dans la nuit profonde.

Les trois fils de Feridoun, ses trois gendres, ne burent tous les trois que lorsqu’il les y invitait ; et quand leur raison eut succombé au vin et que le sommeil et le repos leur furent devenus nécessaires, il ordonna qu’on leur préparât sur l’heure une couche à côté d’un réservoir plein d’eau de rose et les trois princes de haute destinée s’endormirent dans un jardin, sous un arbre qui versait des roses sur eux.

Le chef des Arabes, le roi des magiciens, médita, pendant ce temps, sur un moyen de se délivrer d’eux.

Il sortit de son royal jardin de roses et prépara ses enchantements.

Il produisit un froid et un vent terribles, dans l’espoir de les priver de la vie ; il fit congeler la plaine et les jardins, de sorte que les corbeaux n’osaient voler au-dessus.

Les trois fils du roi savant en magie, sentant ce grand froid, sautèrent de leurs lits et par l’intelligence que Dieu leur avait donnée, par leur savoir dans l’art royal de la magie et par leur courage, ils réussirent à vaincre les artifices du magicien, de sorte que le froid ne les atteignit pas.

Aussitôt que le soleil se fut levé au-dessus des crêtes de la montagne, le magicien accourut auprès de ses trois nobles gendres, croyant les trouver les joues bleues, glacés par le froid et leur affaire manquée et espérant que ses trois filles allaient lui rester.

C’est dans cet état qu’il pensait trouver ses gendres ; mais le soleil et la lune n’avaient pas favorisé son dessein.

Il trouva les trois princes, semblables à des lunes nouvelles, assis sur leurs nouveaux trônes royaux.

Alors, il reconnut que la magie ne pouvait le conduire à son but et qu’il ne fallait pas lui donner son temps.

Le roi de Iemen orna sa salle d’audience et tous les grands s’y réunirent.

Il ouvrit les portes de ses vieux trésors ; il montra ce qu’il avait caché depuis longtemps ; il amena ses trois filles à la face de soleil, pareilles aux jardins du paradis ; jamais Mobed n’avait planté un pin aussi beau qu’elles.

Elles étaient ornées de couronnes et de joyaux et n’avaient jamais éprouvé de peine.

Leurs boucles de cheveux avaient seules ressenti la douleur d’une torture.

Il les amena et les donna toutes les trois aux princes ; c’étaient trois lunes nouvelles et trois rois pleins de bravoure.

Le roi de Iemen se dit, dans l’amertume de son âme :

Ce n’est pas Feridoun qui est cause de mon malheur, c’est moi-même ;

Puissé-je ne jamais apprendre qu’une fille soit née de la race de ces mâles princes !

Sache qu’il a une bonne étoile celui qui ne possède pas de filles et que celui qui en a ne connaîtra pas le bonheur.

Puis Serv dit devant tous les Mobeds :

Les rois sont des époux convenables pour ces lunes.

Sachez que je leur ai donné, selon nos coutumes, mes trois filles chéries, pour qu’ils les gardent comme leurs propres yeux, pour qu’elles soient devant leurs cœurs comme leurs propres âmes.

Il le dit à haute voix et se mit à préparer les bagages des fiancées et à les placer sur le dos de chameaux indomptés.

Le Iemen resplendissait de joyaux et les litières en longue file se suivaient ; car quiconque a des enfants bien réglés, illustres et chers à son cœur, que lui importe que ce soient des fils ou des filles ?

Le roi plaça les litières sur le dos des chameaux pleins d’ardeur, selon le besoin du voyage et la coutume.

Il congédia ses gendres en leur donnant des parasols et des présents dignes d’un roi ; et tout étant achevé, les jeunes princes, pleins de prévoyance et de prudence, se dirigèrent vers Feridoun.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021