Feridoun

Feridoun met ses fils à l'épreuve

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Feridoun ayant reçu la nouvelle que ses trois fils revenaient vers lui, se mit en marche ; il désirait éprouver leur courage et se délivrer de ses soupçons sur eux.

Il prit la forme d’un dragon auquel tu aurais dit qu’un lion ne pourrait résister ; il rugissait, il écumait de fureur, sa bouche vomissait des flammes ; et lorsque ses trois fils s’approchèrent et qu’il les vit à travers la poussière comme de noires montagnes, il souleva la poussière par la violence de ses mouvements et ses hurlements remplirent le monde de bruit ; il se précipita sur son fils aîné, un noble jeune homme orné d’un diadème.

Le prince dit :

Un homme sage et prudent ne combat pas contre des dragons ;

Aussitôt il tourna le dos et s’enfuit devant le monstre et le père se tourna vers ses frères.

Lorsque le second fils le vit, il banda son arc et le tendit, disant :

S’il faut combattre, qu’importe que ce soit un lion furieux ou un cavalier plein de bravoure?

Mais le plus jeune des fils s’approcha d’eux, et en voyant le dragon, il poussa un cri et lui dit :

Éloigne-toi de notre présence, tu es un crocodile, ne te mets pas dans la voie des lions.

Si tu as entendu parler de Feridoun, garde-toi de jamais agir ainsi, car nous sommes ses trois fils, tous armés de lances, tous prêts pour le combat.

Abandonne cette voie perverse, ou je poserai sur ta tête la couronne de l’inimitié.

Le glorieux Feridoun ayant vu et entendu, connut leur caractère et disparut.

Il s’en alla, puis reparut sous sa forme de père et avec la pompe qui lui convenait, accompagné de timbales et d’éléphants indomptables, la massue à tête de bœuf dans sa main.

Derrière lui étaient les grands de son armée, le monde était devenu pur entre ses mains.

Lorsque les princes illustres virent la face du roi, ils s’avancèrent vers lui à pied et en courant ; et arrivés en sa présence, ils baisèrent la terre, confondus par le bruit des éléphants et des timbales.

Le père les prit par la main, leur fit des caresses et leur accorda des honneurs, à chacun selon son mérite.

Lorsqu’il fut revenu dans son palais magnifique, il pria Dieu en secret et célébra longuement les louanges du Créateur, reconnaissant que la bonne et la mauvaise fortune viennent de lui ; puis il appela ses trois fils, les fit asseoir sur le trône de la splendeur et leur dit :

Le dragon furieux qui menaçait d’embraser le monde par son haleine, c’était votre père qui voulait connaître votre bravoure et qui l’ayant connue, s’est retiré avec joie.

Maintenant je vais vous donner de beaux noms, comme il convient à un homme de sens.

Tu es l’aîné, que ton nom soit Selm (puissent tes désirs dans le monde s’accomplir !), car tu as cherché à te sauver des griffes du crocodile, tu n’as pas tardé dans le moment de la fuite ; un homme qui ne recule ni devant un éléphant ni devant un lion, nomme-le fou plutôt que brave.

Le second, qui dès le commencement a montré sa bravoure et dont le courage est plus ardent que le feu, je l’appelle Tour, le lion courageux qu’un éléphant furieux ne pourrait vaincre ; la vertu même pour celui qui est assis sur le trône, c’est le courage, car un homme sans cœur ne peut porter la couronne.

Le plus jeune est un homme prudent et brave, qui sait se hâter et qui sait tarder ; il a pris le milieu entre le feu et la terre, comme il convient à un homme de bon conseil ; il s’est montré brave, hardi et prudent, il faut que le monde ne célèbre de gloire que la sienne.

Iredj est le nom digne de lui ; que la porte du pouvoir soit son but, car il a montré d’abord de la douceur, mais sa bravoure a paru à l’heure du danger.

Maintenant je vais ouvrir mes lèvres avec joie pour donner des noms aux filles d’Arabie à la face de Péri.

Il appela Arzoui la femme de Selm, Mah Azadeh Khoui la femme de Tour et Sehi la femme d’Iredj aux pieds fortunés, elle dont l’étoile Canope n’était en beauté que la servante.

Puis Feridoun apporta un livre représentant les astres qui tournent dans les sphères et dont les astrologues enseignent les aspects ; il le plaça devant lui et regarda les constellations de ses fils ; il y trouva l’horoscope de Selm, qui n’était autre que Jupiter dans le signe du Sagittaire.

Il passa à l’horoscope de l’illustre Tour et il trouva le soleil dans le signe du Lion, présage de bravoure.

Jetant enfin les yeux sur l’horoscope du fortuné Iredj, il vit la lune dans le signe de l’Écrevisse.

Cette constellation lui montra que les malheurs et les combats étaient réservés à Iredj.

Le roi devint triste à cette vue et un soupir froid sortit de sa poitrine.

Il vit que le ciel était défavorable à Iredj et ne se comportait point envers lui avec amour et que ses pensées, à l’égard de cet enfant d’une âme si brillante, n’étaient que des pensées de malveillance.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021