Feridoun

Message de Selm et de Tour à Feridoun

...

Ils choisirent alors un Mobed plein de sagacité, éloquent, clairvoyant et de fidèle mémoire ; ils éloignèrent tous les étrangers et concertèrent toute espèce de plans rusés.

Selm commença à composer un discours et à bannir de ses yeux tout respect pour son père.

Il dit au messager :

Hâte-toi dans la route, ne te laisse pas atteindre par la tempête et par la poussière ; va vite comme le vent vers Feridoun, ne te soucie que de poursuivre ton chemin.

Quand tu seras arrivé dans le palais de Feridoun, porte-lui les saluts de ses deux fils et dis-lui :

Il faut craindre Dieu pour ce monde et pour l’autre.

La jeunesse peut mettre son espérance dans le temps où elle aura atteint la vieillesse, mais les cheveux blancs ne deviendront plus noirs.

Plus tu prolonges ta demeure dans ce monde étroit, plus le séjour éternel deviendra étroit pour toi.

Dieu le saint t’avait donné ce monde, depuis le soleil lumineux jusqu’à la terre obscure ; mais tu as choisi en toute chose la voie et le conseil de l’avidité, tu n’as pas eu égard aux commandements de Dieu, tu n’as agi qu’avec violence et injustice et dans le partage du monde tu n’as pas recherché la justice.

Tu avais trois fils prudents et braves, qui étaient devenus grands, de petits qu’ils avaient été ; tu n’as trouvé à aucun d’eux un mérite plus grand qu’aux autres, pour que l’un porte la tête plus haut que ses frères.

Mais tu as accablé l’un de ton haleine de dragon, tu as élevé un autre dans les nues, tu as posé la couronne sur sa tête, tu l’as placé sur ton siège et tes yeux ne reposent avec joie que sur lui.

Mais nous ne sommes inférieurs à lui, ni par notre père, ni par notre mère, nous ne sommes pas indignes d’un trône de roi.

Ô roi de la terre, distributeur de la justice, puisse une telle action ne trouver jamais de louanges !

Quand la couronne sera tombée de cette tête sans valeur et que le monde sera délivré d’Iredj, alors donne lui un coin de la terre, pour qu’il s’y assoie, faible et oublié comme nous ; sinon nous amènerons les cavaliers des Turcs et de la Chine, les braves de Roum avides de vengeance et notre milice armée de massues et nous détruirons Iredj et le pays d’Iran.

Le Mobed écouta ce dur message, il baisa la terre et partit ; il monta en selle et se mit à chevaucher, de sorte que les étincelles jaillissaient du vent.

Il arriva à la cour de Feridoun et vit de loin un palais élevé, dont le toit montait jusqu’aux nues, dont la largeur allait d’une montagne à l’autre.

Dans la cour étaient assis les grands, derrière le rideau était la place des nobles ; d’un côté étaient enchaînés des lions et des léopards, de l’autre de furieux éléphants de guerre.

Il s’élevait, du milieu des guerriers illustres, un bruit comme le cri du lion.

Il pensa que c’était un firmament au lieu d’un palais et qu’une armée de Péris était assemblée à l’entour.

Des gardiens attentifs arrivèrent pour rapporter au roi qu’il était arrivé auprès de lui un envoyé plein de dignité et de prudence.

Le roi ordonna de lever le rideau, de faire descendre de cheval l’envoyé et de le faire entrer dans la cour.

Lorsque le regard du messager tomba sur le roi, il vit que tous les yeux et tous les cœurs étaient remplis de lui, qu’il avait la stature d'un cyprès, la face comme un soleil, des cheveux blancs comme le camphre, un visage rouge comme la rose, des lèvres pleines de sourire, des joues pleines de couleur et une bouche royale remplie de douceur.

Aussitôt que l’envoyé le vit, il se mit à adorer et couvrit le sol de ses baisers.

Feridoun lui permit de se lever et lui assigna une place honorable, puis il lui fit des questions, d’abord sur les deux princes illustres et lui demanda s’ils étaient contents dans leurs cœurs et s’ils persévéraient dans la vraie foi ; ensuite sur les fatigues qu’il avait dû éprouver dans le désert et sur ce long chemin, avec ses montagnes et ses vallées.

L’envoyé lui répondit :

Ô glorieux roi, puisse le trône n’être jamais privé de toi !

Tout ce que tu as demandé sur tes fils est selon tes désirs ; ils vivent saintement dans le respect de ton nom.

Moi, je suis l’esclave indigne du roi et ne suis point libre de ma personne ; j’apporte au roi un dur message ; celui qui m’envoie est plein de colère, mais moi je suis innocent.

Je rapporterai, si le roi me l’ordonne, le message de cette jeunesse inconsidérée.

Le roi lui ordonna de parler et le messager lui rapporta, l’une après l’autre, toutes les paroles de Selm.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021