Feridoun

Jalousie de Selm contre Iredj

...

Un long temps se passa ainsi ; mais le sort avait caché dans son sein un secret.

Feridoun l’illustre vieillit et la poussière couvrait le jardin du printemps.

C’est ainsi que peu à peu change toute chose et toute force faiblit quand elle vieillit.

À mesure que la vie du roi s’obscurcissait, ses fils illustres devinrent troublés par les passions.

Le cœur de Selm changea, ses manières et ses intentions tournèrent vers le mal ; son âme était noyée dans l’avidité ; il était assis avec ses conseillers, plein de mauvais desseins ; le partage que son père avait fait lui déplut, parce qu’il avait donné le trône d’or au plus jeune d’entre eux ; son cœur était plein de haine ; ses joues étaient pleines de rides.

Il envoya un messager au roi de la Chine et lui dit les pensées qui occupaient son âme.

Il envoya le messager auprès de son frère en toute hâte et lui fit porter ces paroles :

Puisses-tu être toujours glorieux et toujours heureux !

Pense, ô roi des Turcs et de la Chine, toi le prudent, au cœur joyeux, choisissant le bien, pense si nous, maltraités par le monde, pourrions être satisfaits ?

Ton âme serait-elle basse, pendant que ton corps est comme un haut cyprès ?

Écoute avec un esprit attentif ce que je vais te raconter ; tu n’as entendu dire rien de semblable des temps anciens.

Nous étions trois frères, les ornements du trône ; mais le plus jeune de nous nous a surpassés en fortune.

Si je suis le premier en âge et en intelligence, c’était à moi que la fortune devait accorder sa faveur ; et si la couronne et le trône et le diadème devaient m’échapper, ils ne pouvaient appartenir qu’à toi, ô roi !

Faut-il que nous restions consternés de cette injustice que notre père nous a faite, lorsqu’il a donné à Iredj l’Iran et le pays des héros et le Iemen, à moi Roum et l’occident, à toi le pays des Turcs et la Chine, tandis que le plus jeune de nous est roi d’Iran ?

Je ne saurais m’en tenir à une telle part ; il n’y a pas de sagesse dans la tête de ton père.

Selm envoya un dromadaire aux pieds de vent ; le messager, arrivé auprès du roi de Touran, répéta fidèlement tout ce qu’il avait entendu et remplit de vent la tête écervelée de Tour.

Ce prince plein de courage, lorsqu’il entendit ce message secret, se mit soudain en colère comme un lion furieux.

Il répondit :

Dis ma réponse à ton maître et rappelle-toi mes paroles.

Ô mon frère plein de justice !

Puisque notre père, dans le temps de notre jeunesse, nous a ainsi trompés, il a planté de ses propres mains un arbre dont le fruit est du sang, dont les feuilles sont du poison.

Il faut maintenant nous voir face à face pour nous concerter ; il faut dresser un plan sage et préparer des armées.

Il expédia un dromadaire vers le roi et envoya auprès du maître du monde un de ses grands plein d’éloquence et de douces paroles, lui disant :

Porte ce message de moi : Ô roi clairvoyant et de grand renom, il ne faut pas que le brave ait patience dans un cas de fraude et de tromperie ; il ne convient pas de tarder dans cette affaire, car le repos est méprisable chez un homme armé.

Lorsque l’envoyé eut rapporté la réponse et mis au grand jour le secret voilé, l’un des frères quitta Roum, l’autre la Chine et mêlant le poison au miel, ils se rencontrèrent l’un l’autre et se concertèrent ouvertement et en secret.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021