Farrukhzad

Commencement du récit

...

On appela de Djehrem Farrukhzad et on le plaça sur le trône des rois.

Lorsqu’il y fut assis, il adressa d’un cœur pur ses hommages au Créateur, puis il parla ainsi :

Je suis fils des grands rois et je ne désire que la paix en ce monde.

Si quelqu’un cherche à faire le mal, il ne deviendra pas puissant aussi longtemps que je régnerai.

Celui au contraire qui cultivera dans son cœur la droiture et qui ne mêlera pas le mensonge à ses actes, celui-là me sera aussi cher que ma propre vie : jamais je ne nuirai à ceux qui ne se rendront pas nuisibles.

L’armée tout entière lui rendit hommage en ces termes :

Puissent la terre et le temps n’être point privés de toi !

Mais quand un mois eut passé sur son règne, le pouvoir et la fortune de ce roi furent précipités dans la poussière.

Il avait un esclave à taille de cyprès, beau, d’un aspect gracieux et noble ; le nom de cet homme sans vertu était Siah Djeschm.

Puisse la roue du ciel ne jamais ramener un être pareil !

Le roi avait aussi une esclave qu’il aimait avec passion ; elle passa un jour par hasard devant Siah Djeschm, qui lui envoya ensuite ce message : Si tu veux m’accorder un rendez-vous, tu recevras de moi des présents sans nombre et j’ornerai de pierreries ton diadème.

L’esclave écouta ce message et n’y fit point de réponse, mais elle en parla à Farrukhzad.

Le roi apprit avec indignation cette aventure ; le chagrin lui ôta l’appétit et le sommeil.

Il fit enchaîner les pieds de Siah Djeschm et lui assigna la prison pour demeure.

Mais quelque temps après, ce roi plein de justice, qui avait mis aux fers cet homme sans vertu, ordonna qu’on le délivrât de ses chaînes pesantes, car beaucoup de personnes avaient intercédé en sa faveur.

Siah Djeschm reprit son service chez le roi et il abrégea les jours de son maître.

Profitant du moment où le roi se reposait, il mêla du poison à son vin ; le roi but et ne survécut qu’une semaine.

Tous ceux qui apprirent sa mort répandirent des larmes.

Le royaume tomba dans une détresse extrême et de tous les côtés des ennemis se levèrent.

Telle est l’œuvre du destin versatile.

Tâche de tirer de lui quelque profit ; jouis de ce que tu possèdes et ne remets rien au jour suivant, car le lendemain peut-être le sort aura changé d’avis, il te dépouillera au profil d’un autre et placera sur une autre tête la couronne des Keïanides.

Jouis donc de tes biens et donnes en le superflus ; ne mets pas de côté pour ton ennemi ce que tu as amassé avec tant de peine, car lorsque ta vie passera, les trésors que tu as mis en réserve passeront comme le souffle du vent sur la plaine.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021