Bahram fils de Bahram

Commencement du récit

...

Lorsque quarante jours furent passés sans que Bahram, portant le deuil de son père Bahram, eût mis sur sa tête le diadème, les héros pleins de sagesse arrivèrent en sa présence, remplis de soucis, exhalant leurs plaintes et leurs lamentations et s’assirent devant lui, affligés et en deuil ; leurs joues avaient pâli, leurs lèvres étaient devenues bleues.

Un Mobed aux sages conseils se leva et exhorta le roi à prendre sa place sur le trône.

Il insista avec ardeur pendant une semaine et resta là jusqu’à ce que Bahram fût monté sur le trône.

Le roi s’assit sur le trône et s’en réjouit ; il plaça sur sa tête la couronne, selon les usages des Keïanides ; puis il rendit grâce au Créateur, qui donne l’impulsion à la rotation des temps, qui augmente le savoir et la droiture et restreint l’injustice et le dépérissement, le maître de Saturne et de la sphère tournante, qui ne demande à ses serviteurs que la justice et la charité.

Ensuite, il dit :

Ô sages, ô Mobeds, qui connaissez le monde et dont le cœur est pur !

Honorez le savoir, ne vous tenez pas à l’écart des rois ; luttez pour amener le bien, prenez part à toutes les joies du roi de l’Iran.

Que tous ceux à qui Dieu a donné des richesses, de l’éloquence et du pouvoir, cherchent en toute chose être généreux et justes et que le monde entier soit prospère par la justice.

À Dieu ne plaise que nous vivions dans l’injustice, ou que nous amassions des trésors par avidité ; je n’aurai des trésors que pour les donner, car la bannière du roi doit être le bien.

Quiconque a du sens dans la tête doit aspirer à la sagesse et nourrir en lui-même les sentiments d’humanité, dont le principal est la patience ; car quiconque se livre à la colère s’avilit.

La colère ne te rendra pas favorable la fortune et tu n’atteindras pas le but de tes désirs par l’impétuosité.

Quand on a confiance en Dieu et une disposition joyeuse, les soucis et les peines s’évanouissent devant sa sécurité.

Est riche qui a l’âme grande et dédaigne d’amasser de l’argent ; pourtant, si tu n’as rien, acquiers un peu, car l’indigence n’attire pas le respect et quand tu seras dénué de tout, tu manqueras de fierté et n’auras personne pour t’aider.

Quand tu es satisfait, prends du repos et tremble quand tu sens croître ton avidité.

Ne te donne pas de peine, elle fatiguerait ton corps et tu préparerais des tourments à ton âme en la livrant à l’avidité.

Choisis la route du milieu dans les affaires de ce monde, si tu veux que Dieu te bénisse ; quand ta justice aura rendu contents tes inférieurs, tu resteras puissant et ta justice te rendra heureux.

Il faut en toute chose de la confiance et de la droiture et il ne faut pas laisser faiblir la justice ; et si l’avidité te saisit de ses griffes, ton âme restera dans la gueule du crocodile.

Quand tu es roi, un seul désir peut faire déchoir ton âme et ton intelligence en peut perdre ses forces.

Telle est la coutume du ciel qui tourne ; il est tout-puissant et nous ne pouvons rien.

Il gouverna selon les règles et la justice et ses sujets furent heureux par sa droiture.

Lorsque son règne eut duré vingt ans moins un, la vie se mit à pleurer sur lui ; ce roi, digne de la couronne, devint le compagnon de la poussière ; et, de ce monde plein de gaieté, il ne lui resta d’autre retraite qu’une tombe.

Telle est la loi et la disposition du monde ; il nous cache toujours son secret.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021