Yezdegird

Mahouï Souri monte sur le trône

...

Quelqu’un se présenta chez Mahouï Souri et lui dit :

La tombe s’est fermée sur le roi du monde.

Les abbés, prêtres et moines du Roum, tout ce qu’il y a de religieux dans ce pays, jeunes gens et vieillards, entonnant un chant funèbre, sont allés retirer de la rivière le corps du roi et lui ont élevé dans le verger un tombeau superbe dont le faîte dépasse le sommet de la colline.

Mahouï, est homme pervers et néfaste, s’écria :

Jamais jusqu'à ce jour l’Iran n’a été l’allié du Roum !

Par son ordre, ceux qui avaient élevé le tombeau et rendu les derniers devoirs au roi furent mis à mort et leur pays fut livré à la dévastation, car tel était le bon plaisir de Mahouï.

Puis, il promena ses regards sur le monde et vit qu’il ne restait plus de rejeton de la race des grands rois ; comme il possédait une couronne et un anneau qui avaient appartenu au roi, l’ambition du trône envahit ce fils de pâtre.

Il réunit ses confidents et leur communiqua longuement ses projets ; s’adressant à son Destour, il lui dit :

Homme expérimenté, le jour des querelles et des combats est arrivé.

Dépourvu comme je le suis de trésor, de gloire et de naissance, je m’expose à un péril mortel.

Le nom de Yezdegird est gravé sur l’anneau ; mon épée n’a pas soumis le peuple à mon autorité, toutes les villes d’Iran sont restées sujettes du roi, dans la bonne et la mauvaise fortune ; nul homme intelligent ne veut me donner le titre de roi et mon sceau n’inspire aucune confiance aux troupes.

Il ne me restait qu’un seul moyen au monde : j’ai tué la chef de la noblesse ; mais toutes mes nuits sont troublées par la crainte et Dieu le maître du monde sait quelle est ma situation.

Son conseiller lui répondit :

C’est un fait accompli qui s’est répandu et a rempli le monde de disputes.

Songe maintenant au soin de tes propres affaires, puisque tu as brisé le fil qui en retenait la trame.

Yezdegird gît au fond d’une tomba et la terre du sépulcre a fermé sa blessure ; convoque les hommes d’expérience et que ta langue prononce de douces paroles.

Fais la déclaration suivante :

Cette couronne et cet anneau, c’est le roi qui me les a donnés comme signes du pouvoir.

Sachant que l’armée des Turcs approchait, il m’a fait appeler au milieu de la nuit et m’a dit :

Voici le vent de la guerre qui s’élève et nul ne sait qui remportera la victoire : garde cette couronne et cet anneau, peut-être qu’ils te seront utiles l’un et l’autre au jour de la vengeance.

Je n’ai qu’une fille au monde et j’ai su la dérober aux recherches des Arabes ; maintenant, c'est à toi de défendre mon trône contre l’ennemi et de suivre ma route dans l’exercice du pouvoir.

Je tiens donc cette couronne de l’héritage du roi et je suis assis sur le trône en vertu de sa volonté.

C’est par ce moyen (ajoutait le Destour) que tu rétabliras tes affaires.

D’ailleurs qui pourrait savoir si ce que tu as dit est vérité ou mensonge ?

Mahouï écouta ces paroles et répondit :

C’est parfait, tu es un sage conseiller et personne n’est au-dessus de toi.

Il convoqua alors les chefs de l’armée et leur adressa un discours dans le sens convenu.

L’armée comprit que son langage était mensonger et qu’il méritait de payer de sa tête une impudence pareille ; mais un Pehlewan s’écria :

Que tes paroles soient vraies ou fausses, ceci est ton affaire.

Aussitôt Mahouï s’assit sur le siège royal et capta les troupes par ses ruses.

Ayant distribué les gouvernements aux principaux chefs, il dit :

Je possède l’anneau et je suis le roi du monde !

Il usurpa la royauté et excita la stupéfaction des astres ; il donna Balkh et Hérat à son fils aîné, envoya des troupes dans toutes les directions et mit des scélérats au pouvoir, conformément à sa mauvaise nature.

Partout les méchants devinrent puissants et les bons courbèrent la tête ; la vérité fut humiliée et le mensonge se montra de toutes parts.

Lorsque cet homme pervers eut réuni une armée nombreuse et un trésor, son cœur se réjouit ; Mahouï prodigua ses largesses et ses faveurs à l’armée parce qu’il méditait de faire la guerre à Bijen.

Un Pehlewan partit pour Amouï avec une troupe vaillante qui précédait l’armée comme avant-garde ; le nom de ce guerrier éprouvé était Guersioun.

Il marcha sur la ville de Boukhara avec ses troupes bien équipées et pleines d’ardeur et dit :

Samarcande et Djadj doivent être soumises par nous à cet anneau et à cette couronne, car telle a été la volonté du roi du monde, Yezdegird, ce monarque auquel les planètes obéissaient.

Je viens avec mon épée tirer vengeance de Bijen parce qu’il a obscurci la fortune du grand roi.

Dernière mise à jour : 2 janv. 2022