Yezdegird

Lettre de Rustem à Saad fils de Wakkas

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Rustem envoya aussitôt à Saad un messager rapide comme l’éclair et la foudre.

Il fit écrire sur du satin blanc une lettre brillante comme le soleil ; elle portait cette suscription :

De la part du fils de Schah Hormuzd, du Pehlewan du monde, Rustem le magnanime, à Saad, fils de Wakkas, qui recherche la guerre et court à sa perte.

La lettre commençait ainsi :

Ne rejetons pas la crainte et le respect dus au Dieu pur : c’est lui qui maintient la sphère toujours mobile, ; c’est lui qui donne la royauté et la puissance.

Que ses bénédictions se répandent sur le roi illustre, ornement de la couronne, du trône et du sceau, splendeur de la majesté, des grandeurs, de la victoire et du pouvoir, le roi maître du glaive et du trône sublime, dont la puissance retient Ahriman dans ses liens !

Une affaire odieuse vient de surgir qui amènera des souffrances et des luttes stériles.

Dis-moi quel est ton roi, qui tu es toi-même, quelle religion, quel culte tu professes.

Auprès de qui cherches-tu un appui ?

Toi et les troupes que tu commandes, vous êtes nus ; un peu de pain te rassasierait, mais tu meurs de faim.

Tu n’as ni éléphants, ni trône, ni richesses.

Contente-toi d’être encore vivant dans le pays d’Iran : la couronne et le sceau appartiennent à un autre, au maître des éléphants, des trésors, du trône et de la puissance, au roi illustre issu d’une race royale ; la lune dans les cieux n’est rien auprès de lui, la terre n’a pas un souverain aussi grand que lui.

Lorsqu’il s’assied au festin, joyeux et montrant, dans un sourire, ses dents blanches comme l’argent, il donne en cadeau plus que ne valent tous les Arabes ensemble et cela sans appauvrir son trésor.

Il possède douze mille chiens, guépards et faucons aux clochettes et aux pendants d’or ; toute l’année, d’un bout à l’autre des plaines, les nomades porteurs de piques ne peuvent vivre de gibier, car il est au roi, qui le prend avec ses chiens et ses guépards agiles ; les dépenses qu’il fait pour ses équipages de chasse ne sont rien à ses yeux.

Il faut vraiment que vous soyez dépourvus de toute pudeur, il faut que votre intelligence ne connaisse ni le respect ni la réserve ; c’est toi qui, avec ce visage, cette origine, ces mœurs, oses aspirer à une pareille royauté ?

Si tu recherches le pouvoir selon tes mérites, si tes paroles ne sont pas une plaisanterie, envoie auprès de moi un messager éloquent, expérimenté, vaillant et instruit, pour que je sache quel est le but que tu poursuis et qui t’ouvrira le chemin au trône des Keïanides.

Je dépêcherai ensuite un cavalier au roi et lui ferai connaître tes demandes ; mais ne cherche pas à combattre un souverain si puissant, car l’issue te serait funeste.

Il est le petit-fils de Nouschirwan, le maître du monde, dont la justice rajeunissait le cœur des vieillards ; héritier de tant de rois et roi lui-même, il n’a pas d’égal en ce siècle.

Ne deviens pas un objet d’horreur pour le monde, ne sois pas l’ennemi du culte et des croyances : un homme sage et équitable ne peut, s’il n’est pas de race royale, convoiter le trône des Keïanides.

Lis attentivement cette lettre pleine de conseils et n’empêche pas ta raison de voir et d’entendre.

Après avoir posé le sceau sur sa lettre, il la remit au noble Pirouz, fils de Schapour.

Ce Pehlewan se rendit aussitôt chez Saad, fils de Wakkas, accompagné de nobles Perses, à l'âme sereine, armés de cuirasses d’or et d’argent, de boucliers et de ceintures d’or.

Dernière mise à jour : 7 janv. 2022