Yezdegird

Combat entre Rustem et Saad, mort de Rustem

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Aussitôt après le départ de Schobah, Rustem ordonna à l’armée de se préparer au combat, il fit sonner les clairons et les troupes accoururent de tous côtés pour prendre leurs rangs ; du milieu des nuages de poussière sortaient des cris à assourdir l’oreille la plus exercée.

D’autre part, dès que Schobah fut revenu porteur de ces paroles menaçantes comme le tonnerre, le vaillant Saad ordonna à ses troupes de marcher au combat avec l’ardeur des lions.

Les deux armées s’avançant d’un pas ferme, se mêlèrent l’une à l’autre sur le champ de bataille : les lances pénétrantes étincelaient dans les flots noirs de la poussière, comme les étoiles dans le ciel d’un bleu sombre et les sabres frappaient à coups redoublés sur les casques d’acier trempé.

La lutte continua pendant trois jours en cet endroit.

Les Iraniens manquaient d’eau : accablés sous le faix de leurs armures pesantes, ils avaient à soutenir l’assaut des lances ennemies ; la soif épuisait le courage des héros et mettait hors de combat les chevaux de noble race ; elle desséchait les lèvres et la bouche de Rustem et déchirait sa langue en lambeaux.

La détresse était si grande que guerriers et chevaux mangeaient de l’argile humide.

Rustem jeta les yeux sur le champ de bataille ; voyant que ses plus illustres chefs étaient tués, il poussa un rugissement semblable au tonnerre.

Saad et Rustem se faisaient face : ils sortirent en même temps du centre de leurs troupes et se rencontrèrent hors de la mêlée, s’isolant l’un et l’autre des deux armées, ils se dirigèrent vers la base d’une haute colline.

Ces deux chefs s’attaquèrent d’un cœur que la rage animait ; Rustem, poussant un cri qui retentit comme la foudre, frappa de son épée le cheval de Saad à la tête ; le coursier des combats roula tête baissée dans la poussière et le vaillant Saad fut désarçonné.

Rustem brandit de nouveau son épée acérée pour porter à son adversaire un coup mortel et lui trancher la tête ; mais la poussière noire rendait les deux combattants invisibles l’un à l’autre.

Rustem descendit de sa selle en peau de léopard et attacha le bout des brides à sa ceinture ; mais un flot de poussière vint l’aveugler.

Aussitôt Saad, bondissant sur le terrain du combat, asséna sur le casque de son ennemi un coup d’épée qui, lui fendant le crâne, inonda de sang son visage et aveugla ses yeux.

L’ambitieux Arabe était dès lors vainqueur : il le frappa de nouveau sur la tête et le cou et fit rouler par terre le corps du vaillant guerrier.

Les deux armées, qui jusque-là n’avaient aucune nouvelle de leurs chefs et ne pouvaient arriver auprès d’eux, se précipitèrent à leur recherche et accoururent sur le lieu du combat.

En voyant de loin Rustem souillé de poussière et de sang et son corps fendu de part en part par le sabre, les Iraniens prirent la fuite.

Plusieurs d’entre les plus illustres furent tués, d’autres moururent en selle dans les tourments de la soif et le monde perdit ainsi un grand nombre de ses rois.

L’armée iranienne, mise en déroute et voyant les plaines et les chemins couverts des cadavres des siens, courut nuit et jour pour retourner auprès du roi d’Iran.

Yezdegird était à Bagdad lorsque ses troupes affluèrent autour de lui.

Dernière mise à jour : 7 janv. 2022