Kesra Nouschirwan

Lettre de Nouschirwan au fils du Kaïsar et sa réponse

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J’ai vu dans un vieux livre ; écrit d’après les paroles d’un savant véridique, que Kesra, le maître du monde, reçut du beau pays du Roum ce message :

Puisses-tu rester en vie !

Le Kaïsar est mort et sa fin a livré la terre à un autre. »

Cette nouvelle rempIit l’âme de Kesra de soucis et ses joues de rubis devinrent comme des feuilles qui jaunissent.

Il choisit dans l’Iran un envoyé qui avait vu le monde, un homme noble, l’envoya auprès du fils du Kaiser, cette branche verte et féconde de l’ancien tronc et lui donna beaucoup de bonnes paroles sur ce malheur auquel personne ne peut échapper.

Dans son deuil et sa douleur, les yeux remplis de larmes, les joues pâlies, il écrivit la lettre suivante :

Que Dieu t’accorde une vie longue, qu’il t’accorde le bonheur ce après la mort de ton père !

Aucune créature ne naît

, ; que pour devenir poussière ; le monde est un séjour passager et nous ne faisons que le traverser.

Que nous portions une couronne ou un casque et un morion, nous n’échapperons pas aux griffes de la mort.

Qu’on soit Kaîsar ou Khakan, on couche sa tête dans la poussière infailliblement quand le moment en est venu.

Puisses-tu recevoir beaucoup de bonnes nouvelles du Kaiser, puisse le Messie protéger son âme !

L’ai appris que tu t’es assis sur son trône illustre et que tu en as rétabli la gloire.

De-mande-moi toute l’assislance dont tu as besoin, des chevaux, des armes, des trésors ou des troupes. »

L’envoyé quitta "Kesra et se rendit en toute hâte auprès du Kaiser.

Quand il arriva-à la cour, on l’admit et l’envoyé du roi se présenta devant le trône.

Le Kaîsar regarda la lettre, observa la suscription et son cœur bondit en voyant que Nouschirwan s’attribuait le premier rang.

Ce jeune homme était peu sensé et, de plus, venait d’arriver au trône.

Il montra avec colère à l’envoyé une place pour s’asseoir, lui fit, de mauvaise grâce, les questions d’usage, le regarda à peine et ne lui montra aucun désir de gagner son amitié ; puis il lui assigna un logis éloigné et ne fit aucune attention à la lettre du roi.

Pendant une semaine tous ses conseillers s’assemblèrent chez le Kaiser.

À la fin le Kaiser dit à son principal conseiller :

Réfléchis sur la réponse à donner à cette lettre et écrisla comme tu sais qu’il Mo faut écrire et insère ce qu’il y a de bon et de mau-j vais à dire. »

Le Mobed répondit :

Je suis ton serviteur et ne m’écarterai pas des ordres du roi du monde. »

Tous les évêques, les Mobeds et les conseillers se retirèrent de l’assemblée et composèrent en toute hâte une réponse telle que le Kaiser l’avait ordonnée.

Ils dirent :

Une lettre pareille pouvait convenir au roi, mais elle n’était pas courtoise et telle qu’il fallait pour un prince indépendant ; de plus, le Kaiser est jeune, nouveau sur k trône, et, par sa naissance, prince de ce pays.

N’irrite pas pendant une année ce jeune homme par des suscriptions indiquant ta supériorité et par des demandes de tribut et de redevances.

Le jeune homme a écrit à chaque administrateur et à chaque prinœ indépendant une lettre convenable, avec cette suscription :

de la part du Kaisar, le puissant maître du Roum, maître de l’empire, maître du pays.

L’envoyé du, roi de l’Iran est arrivé, il te rapportera ce qu’il a vu de notre état, ce qu’il a dit dans son chagrin et dans sa joie et ne te cachera pas ce qui lui a fait du souci ou du plaisir.

Le Kaïsar étant mort, il est venu un successeur qui lève sa tête au-dessus des plus grands et ne compte pour rien les rois, car comment le roi, soutien de tous, serait-il inférieur à quelqu’un ? »

’ Quand ils eurent terminé leur lettre roumis, ils appelèrent l’envoyé à la cour.

Quand est homme Ml sage entendit qu’ils avaient terminé leurs conseils, il vint à la cour et demanda une réponse à la lettre ; on le revêtit d’une robe d’honneur, on fit sortir de la salle d’audience les étrangers et le Kaîsar lui dit :

!

Je ne suis le serviteur de personne, je ne suis pas inférieur aux Chinois et aux Heïtaliens, Il n’est pas convenable de traiter légèrement un homme puissant, ton roi fût-il roi du monde.

Est puissant qui a beaucoup d’ennemis et moi j’ai des ennemis et a des amis plein le pan de ma robe.

Comment refuses-tu de reconnaître mon pouvoir ?

Veux-tu donc rabaisser le soleil dans le brouillard ?

Il ne diminuera pas par tes tentatives et si tu fais couler des larmes de sang, ce ne sera pas sur mes joues.

Quand j’au- rai besoin de toi, tu seras mon roi, toi qui es pour moi un souvenir de mon père.

Raconte, 6 messager, avec bienveillance ce que tu as vu et ne cherche pas de mauvaises intentions dans ma réponse. »

On prépara à l’envoyé, chef des frontières, un présent peu digne de son rang et l’on fit venir à la porte du palais son destrier.

Il partit et voya ea en toute hâte, sans s’arrêter à aucune station. tant arrivé, il se rendit chez Kesra et lui raconta ce qui s’était passé, ce qu’il avait vu et entendu.

Le roi devint anxieux à ces paroles et lui dit :

Tu t’es fatigué à faire la route.

J’ai toujours entendu que celui qui se laisse aller à sa vanité et ne réfléchit pas à ses affaires, s’en repent.

Il ne sait pas de qui il est

ami ou ennemi et c’est ainsi qu’il te dit le secret de son cœur.

Il croit que je n’ai d’autre ami que lui et que je n’ai ni sang, ni cerveau, ni pieds, ni peau.

Si je laisse dorénavant un seul homme de race roumie jouir du trône, si je le laisse relever la tête et dire qu’il est Kaïsar, qu’il est le plus puis. saut parmi les grands, qu’on dise que je ne suis pas le fils du vaillant Kobad et qu’il ne soit plus question de moi parmi les hommes.

Je vais détruire la gloire du Roum, je vais consumer parle l’en ce beau pays ; je le jure par Dieu le tout-saint, par le soleil et la lune, par Aderguschasp, par le trône et la couronne.

Ensuite, il se dépouillera de o tout ce qu’il y a de vieux trésors dans son royaume comme on dépouille le bœuf de sa peau et la pointe de mon épée ne touchera pas le fourreau avant que j’aie fait ma volonté contre ce Roumi. »

Il fit résonner devant la porte du palais les trompettes, les cymbales et les clochettes indiennes.

On plaça les timbales sur le dos des éléphants de guerre et le monde devint comme les flots du Nil.

Il s’avança de Madaïn dans la plaine une armée telle que les eaux vertes du fleuve furenttroublées par le son dm clairons, par les couleurs des étendards et les mouvements des cavaliers aux bottines d’or ; on aurait dit que les astres étaient au milieu de l’eau et que

-le ciel qui tourne était étourdi.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021