Kesra Nouschirwan

Gau et Thalhend se disputent le trône

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Les fils, bouillonnant sous l’influence des mauvais enseignements de leurs maîtres, vinrent chez leur mère et demandèrent bruyamment lequel d’eux se conduisait le mieux et était le plus patient dans la bonne et la mauvaise fortune ?

La femme intelligente répondit :

Il faut que vous commenciez par délibérer avec vos Mobeds, hommes dévoués et de bon conseil, pour résoudre la question paisiblement et heureusement ; puis, vous et vos conseillers, consulterez les grands principaux du pays, les hommes qui ont de la sagesse.

La passion ne sied pas dans les affaires ; quand on ambitionne la couronne et le trône, il faut de la raison, de l’intelligence, des trésors et une armée et si un homme injuste veut gouverner, il remplit le monde de colères et de ruines. »

Le sage Gau dit à sa mère :

Ne cherche pas à éluder nos questions.

Si je ne suis pas en état de faire honneur à ce pays, dis-le et ne fais pas des calculs de fausseté ; donne le trône et le diadème à Thalhend et je serai son sujet dévoué.

Mais si j’ai des droits par ’âge et l’intelligence et que ma descendance de Djemhour me désigne pour le gouvernement, dis-lui qu’il ne se jette pas follement, par envie de la couronne et du trône, dans une entreprise pleine de périls. »

Sa mère lui répondit :

Ne t’emporte pas, il faut parler avec mesure.

Quiconque s’assied sur le trône de la royauté doit être prêt à agir, ouvrir les deux mains de la libéralité, garder son âme pure de toute mauvaise intention, a et marcher sagement dans les voies de la raison, se garer contre son ennemi dans le combat, être attentif à ce qui donne de la gloire ou de la honte.

Le Maître du soleil et de la lune demandera compte a : de ce qui s’est fait de juste et d’injuste dans le pays et dans l’armée et si le roi opprime une mouche, son âme restera tristement dans l’enfer.

Le monde est plus noir que la nuit sombre et il faut à un roi un esprit plus délié qu’un cheveu pour tenir son âme et son corps libres du mal et pour comprendre que la perversité n’amène jamais rien de bon.

Si un roi assis sur le trône de la justice place sur sa tête la couronne, il rendra heureux le monde entier, mais à la fin son oreiller sera une brique et de la poussière, ou il sera brûlé dans une fosse.

Djemhour était de cette race de bons rois, son esprit repoussait tout mauvais conseil ; il mourut prématurément et laissa le monde à son frère cadet ; le puissant Mai vint de Denber ; il était jeune, d’un esprit clairvoyant et pur d’intentions.

Tous les hommes de Sendel se rendirent auprès de lui ; ils s’y rendirent le cœur gonflé de sang et désireux de trouver un roi.

Il arriva et s’assit sur le trône du pouvoir, prêt pour le combat et les mains ouvertes pour faire du bien.

Il demanda ma main et nous devînmes mari et femme, pour que toutes les affaires restassent dans le secret du roi.

Maintenant que tu es le frère aîné, que tu es le premier en âge et en raison, tâche de ne pas te laisser tourmenter par l’ambition et pour la couronne et le trésor.

Si je choisissais l’un de vous, je blesserais l’autre et il m’en voudrait.

Ne versez pas du sang pour la couronne et le trésor, car ce monde fugitif ne reste à personne. »

Thalhend écouta ces conseils de leur mère ; il ne trouva pas qu’ils lui fussent favorables et répondit :

Tu décides pour Gau parce qu’il est l’aîné ; mon frère est mon aîné, mais on ne vaut pas mieux parce qu’on est plus âgé.

Il y a dans la ville et l’armée bien des hommes vieux comme les vautours dans les cieux, mais qui n’ambitionnent pas la royauté et le commandement, le diadème, le trésor, le trône et la couronne.

Mon père est mort encore jeune et n’a laissé à personne le trône du pouvoir ; mais je vois que ton cœur penche du côté de Gau ; c’est lui que tu veux nommer roi et pourtant je pourrais faire des hommes comme lui avec de la boue et malheur à moi si je laisse déshonorer le nom de mon père. »

Y Sa mère lui fit un serment solennel, disant :

Que s la voûte bleue du ciel m’abandonne si j’ai jamais demandé cela à Dieu et si je l’ai désiré dans mon cœur !

Prends en bonne part ce que j’ai dit ; ne t’irrite pas contre la rotation du ciel, qui accorde le bonheur à qui il veut et ne place ta confiance qu’en Dieu.

J’ai donné les conseils que j’ai pu ; s’ils ne te conviennent pas, alors voyez ce qu’il y aura de mieux, el faites-le.

Puissent mes avis calmer vos âmes ! »

Ensuite elle appela tous les sages, répéta devant eux tous les conseils qu’elle avait donnés, apporta les clefs des trésors des deux rois qui avaient été des sages et des hommes purs, mit devant les yeux des grands pleins d’expérience tout ce qui avait été déposé et partagea tout entre ses fils, selon la justice.

Elle aurait voulu satisfaire les désirs et favoriser à la fois les plans de ses deux fils.

Gau dit à Thalhend :

Ô excellent homme qui cherche des voies nouvelles !

Tu as entendu combien Djemhour était supérieur à Maï en âge et en raison.

Ton noble et vertueux père n’a témoigné aucun désir d’occuper le trône de Djemhour ; il n’était pas honteux d’être son inférieur, il ne demandait pas à se placer au-dessus de ses supérieurs.

Pense donc si Dieu, le dispensateur de la justice, approuverait que je fusse ceint comme un esclave devant mon frère cadet.

Ma mère n’a dit que ce qui est juste, pourquoi ton cœur se plaît-il dans l’injustice ?

Appelons quelques grands de l’armée, des, hommes intelligents qui ont fait le tour du monde, écoutons ce que diront nos précepteurs et conformons-nous à leurs avis et à leurs ordres. »

Les deux jeunes gens quittèrent le palais de leur mère en discutant et le cœur plein d’incertitude ; ils finirent par convenir de n’écouter ni les grands ni les Pehlewans, ni les savants ni les ignorants, mais d’adopter l’avis de leurs précepteurs, dont l’enseignement leur avait fait connaître les sciences et éclairé l’esprit.

Les deux savants conseillers arrivèrent et discutèrent entre eux de toutes les façons.

Le précepteur de Gau voulait qu’il fût roi et maître de Sendeli et celui qui avait instruit Thalhend et qui était le plus intelligent des savants du pays, voulait de son côté que ce fût son élève.

Ils arguèrent l’un avec l’autre jusqu’à ce que les deux princes se prirent en haine.

Ensuite on plaça dans la grande salle deux trônes, sur lesquels s’assirent les deux princes à la fortune victorieuse, ayant à leur droite leurs deux vaillants maîtres et se disputant la possession du monde.

On appela les grands et on les fit asseoir dans la salle, à droite et à gauche.

Les précepteurs commencèrent à parler, disant :

Ô vous qui êtes des grands de haute naissance !

Vous qui vous rappelez le gouvernement des pères de ces illustres princes, lequel d’eux voulez-vous pour roi, lequel de ces deux jeunes gens tenez-vous pour le plus par ? »

Les Mobeds, les grands, les sages à l’intelligence éveillée, furent confondus ; les deux jeunes princes restèrent assis sur leurs trônes pendant que les deux savants, qui troublaient la fortune du page, parlaient et les hommes de la ville et de l’armée comprirent qu’il ne pouvait sortir de cette affaire que de l’amertume et des querelles, que le royaume serait divisé et que les hommes de sens seraient dans la peine et la terreur.

Un homme de l’assemblée leva la tête, parla à haute voix et se mit debout, disant :

Comment pouvons-nous, en face de deux rois et de deux Destours, discuter ce qu’il faut faire ?

Nous tiendrons demain une assemblée, où nous nous parlerons l’un à l’autre entre nous, ensuite nous enverrons à chacun un message, espérant que les princes y trouveront moyen de se satisfaire. »

Ils quittèrent le palais mécontents et sombres, la bouche pleine de paroles vaines et l’esprit rempli de chagrin et se disant l’un à l’autre :

Cette affaire est fâcheuse, elle dépasse le pouvoir des hommes qui ont le plus s d’expérience.

Jamais nous n’avons vu deux rois face à face et devant le trône deux Destours ennemis. »

Ils passèrent toute la nuit, le visage froncé et lorsque le soleil éleva sa tête au-dessus des montagnes, tous les grands de la ville, tous ceux qui avaient à s’occuper de cette affaire, se réunirent ; tous les carrefours de Sendeli furent remplis de bruit ; partout s’échangeaient des paroles passionnées ; les ’9

Uns, parmi les braves, penchaient pour Gau, d’autres parlaient pour Thalhend ; les langues étaient fatiguées de parler, on ne parvenait pas à s’accorder sur la voie à suivre.

Les uns envoyaient des messages à Thalhend et leurs langues étaient pleines d’invectives contre Gau ; d’autres se rendirent auprès de Gau, armés de massues et d’épées, déclarant qu’ils sacrifieraient leur vie pour leur roi et tout le pays de Sendeli était rempli de trouble par ces amitiés et ces inimitiés.

Mais l’homme de sens dit qu’une maison ne peut rester debout quand elle a deux maîtres.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021