Newder

Newder monte sur le trône

...

Quand le roi Newder eut porté le deuil de son père, il éleva la couronne des Keïanides plus haut que Saturne.

Il tenait sa cour assis sur le trône de Minoutchehr, il distribua à l’armée de l’argent et de l’or et les grands de l’Iran, assemblés devant son trône, frappèrent tous la terre de leur front, disant :

Nous sommes tous tes esclaves, ô roi !

Et nos cœurs et nos yeux sont remplis d’amour envers toi.

Mais il ne se passa pas un long temps de cette manière, car le cœur du roi devint plein d’injustice.

Des plaintes s’élevèrent de tous les coins de la terre et la tête du monde blanchit à cause du nouveau roi, qui mettait de côté les coutumes de son père, qui était sévère envers les Mobeds et les grands, qui méprisait la voie de l’humanité et dont le cœur était esclave de l’or et des trésors.

Les paysans formèrent tout à coup des armées et les braves demandèrent pour eux-mêmes le pouvoir.

Lorsque les provinces élevèrent ainsi leur voix, que le monde entier fut en émoi, le roi injuste s’en effraya et envoya une lettre à Sam le cavalier, qui se trouvait alors dans le pays des Segsars et dans le Mazenderan.

Elle commençait par le nom du créateur, maître de l’étoile du matin, de Mars et du soleil, qui a créé l’éléphant et la fourmi.

Il n’y a rien de difficile à quoi sa puissance ne soit supérieure, ni rien qu’il dédaigne à cause de son peu d’importance dans la nature.

Il n’y a devant lui aucune différence entre ce qu’il y a de plus fort et ce qu’il y a de plus faible.

Maintenant j’invoque les grâces du maître du soleil et de la lune sur l’âme du roi Minoutchehr qui a rendu brillante cette couronne illustre et qui m’a transmis le trône.

Je prie Dieu que sur Sam le héros il tombe autant de bénédictions qu’un nuage répand de pluie.

Puisse le Pehlewan plein d’expérience et qui porte haut la tête, le héros admiré, être toujours sain de cœur et d’esprit !

Puisse son âme ne jamais souffrir de douleur !

Le Pehlewan du monde voudra peut-être écouter tout ce que je lui dirai, ce qui est connu et ce qui est secret.

Le roi, au moment où ses paupières se fermèrent, me parla de Sam, fils de Neriman, en disant :

Il a toujours été mon ardent défenseur, car c’est un Pehlewan, ami du roi, qui pendant toute ma vie a été gardien des sept zones de la terre et par qui le trône et le diadème sont devenus brillants.

Mais maintenant l’empire est rempli de discordes et les paroles que l’on prononce passent toute mesure.

Si tu ne veux pas prendre la massue de la vengeance, le monde sera privé de ce trône

Quand cette lettre fut remise à Sam, fils de Neriman, il poussa un soupir du fond de sa poitrine ; et à l’aube du jour, au moment où le coq chante, s’éleva dans la cour le bruit des timbales et une armée sortit du pays des Kerguesars, en comparaison de laquelle la mer semblait peu de chose.

Lorsqu’elle s’approcha de l’Iran, les grands vinrent au- devant d’elle ; ils se présentèrent à pied devant Sam le guerrier et lui firent de longs discours de toute sorte.

Ils parlèrent longuement au grand et puissant Pehlewan des méfaits de Newder, des injustices de ce roi, qui dans sa démence avait abandonné la voie de son père.

Ils dirent :

Le monde est devenu désert par ses actions et la fortune, qui avait veillé pour lui, s’est endormie ; il n’est pas dans la voie de la sagesse et la grâce de Dieu l’a abandonné.

Si Sam le brave, le Pehlewan à l’esprit brillant, voulait s’asseoir sur ce trône, quel mal y aurait-il ?

Le monde prospérerait sous sa fortune, le pays d’Iran serait à lui, le trône serait rajeuni, nous tous serions ses esclaves et lui obéirions, nos âmes seraient les otages de notre amour.

Sam le cavalier leur répondit :

Comment Dieu le tout-puissant pourrait-il nous approuver en cela ?

Pendant que Newder, qui est de la race des Keïanides, est assis sur le trône des rois et ceint de la ceinture, est-ce à moi de saisir la couronne pour être roi ?

C’est folie et personne ne doit y prêter l’oreille.

Quelqu’un dans le monde oserait-il dire une pareille chose ?

Quelqu’un parmi les grands pourrait-il avoir une telle audace ?

Quand même une fille du roi Minoutchehr serait assise sur ce trône d’or et ceinte du diadème, je n’aurais d’autre couche que la poussière et mes yeux se réjouiraient de la voir.

Si le cœur de Newder a quitté la voie de son père, il n’y a pas encore longtemps ; ce qui est de fer n’est pas encore tellement dévoré par la rouille, qu’il soit difficile de lui restituer son éclat.

Je rendrai au roi la majesté qu’il tient de Dieu, j’inspirerai au monde de l’amour pour lui ; car la poussière de Minoutchehr est mon trône et le pied du cheval de Newder est ma couronne.

Je lui parlerai longuement, je lui donnerai des conseils, je lui rendrai par mes avis l’étoile de la fortune.

Repentez-vous de ce qui s’est passé et jurez-lui de nouveau obéissance ; si vous n’obtenez pas le pardon du créateur du ciel et l’amour de Newder, la colère du roi pèsera sur ce monde, le bouleversera et l’embrasera.

Les grands se repentirent de leurs paroles, jurèrent de nouveau fidélité au roi et le monde fut entièrement rajeuni par le Pehlewan fortuné et de grand renom.

Lorsque Sam fut arrivé en présence du roi, il baisa la terre devant son trône ; Newder descendit du trône avec empressement pour serrer le héros dans ses bras, le fit asseoir devant lui, lui adressa des questions et le reçut gracieusement.

On prépara une salle de banquet dans le palais du roi et ils passèrent sept jours à entendre des chansons et à boire du vin.

Tous les grands vinrent devant Newder demander grâce et s’humilièrent selon les usages.

Toutes les provinces envoyèrent leur tribut, de peur du héros qui frappait vite dans sa colère.

Newder brillait de nouveau sur le trône du pouvoir et était assis en paix et dans sa majesté.

Puis le Pehlewan du monde se tenant debout devant le roi, demanda la permission de s’en retourner.

Il ouvrit à Newder les portes du conseil, il lui dit de bonnes paroles sur Feridoun le fortuné, sur Houscheng et sur Minoutchehr, l’ornement du trône, qui tous avaient gouverné la terre avec justice et avec générosité et avaient détourné leurs yeux de ce qui était injuste.

Il fit revenir le cœur du roi de sa tyrannie et Newder se conduisit comme le Pehlewan le lui avait conseillé.

Sam échauffa les cœurs des grands en sa faveur, il adoucit tout ce qui avait été fait de juste et d’injuste.

Après avoir dit tout ce qu’il avait à dire aux grands et au roi du peuple, il partit, emportant les présents de Newder, un trône, une couronne, une bague, des esclaves, des chevaux au frein d’or et deux coupes d’or pleines de rubis.

Le vaillant Sam se mit en marche vers le Mazenderan et la plaine disparut sous son armée d’un bout à l’autre.

Le ciel tourna ainsi pendant quelque temps sans être satisfait de Newder et sans affection pour lui.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021