Minoutchehr

Sam vient voir Minoutchehr

...

Arrivé près de la cour, Sam descendit de cheval et le roi ordonna qu’on l’admît.

Aussitôt qu’il aperçut le roi du monde, Sam baisa la terre et s’avança vers lui.

Minoutchehr se leva de son trône d’ivoire, portant sur la tête une couronne de rubis brillants.

Il fit asseoir Sam sur le trône à côté de lui et le reçut gracieusement comme il le méritait.

Il lui fit maintes questions sur les Kerguesars pleins de bravoure et sur les Divs courageux du Mazenderan, en le plaignant de ses fatigues et Sam lui raconta tout ce qui s’était passé, disant :

Ô roi !

Puisses-tu être à jamais heureux !

Puisse l’inimitié des méchants ne jamais atteindre ta vie !

Je suis allé dans le pays de ces Divs courageux, que dis-je des Divs ?

Ce sont des lions avides de combats, plus rapides que des chevaux arabes, plus braves que les braves de l’Iran.

Le peuple que l’on appelle Segsars et que l’on prendrait pour des tigres féroces, lorsqu’il eut nouvelle de moi et qu’il fut effrayé des bruits de mon arrivée, éleva un grand cri dans ses villes et en sortit en masse.

C’était une armée immense couvrant tout l’espace de montagne en montagne, de sorte que le jour brillant disparut sous la poussière.

Ils s’avancèrent vers moi avides de combats, ils vinrent en confusion et en toute hâte.

La peur se manifesta dans mon armée et je ne savais comment y remédier.

Je reconnus alors que tout reposait sur moi et je poussai des cris contre l’armée des ennemis.

J’élevais cette massue du poids de cent mans, je lançais mon cheval de fer.

J’allais broyant leurs cervelles et étourdissant leurs têtes par la peur que je leur inspirais.

Un petit-fils du terrible Selm, qui avait été le maître du monde, vint à moi semblable à un loup.

Cet ambitieux s’appelait Kakoui, c’était un haut cyprès de bel aspect.

Il descendait, par sa mère, de la race de Zohak et les têtes des braves étaient devant lui comme de la poussière.

Son armée était nombreuse comme les fourmis et les sauterelles et l’on ne distinguait plus ni plaine, ni montagne, ni marais.

Lorsque la poussière de cette grande armée s’éleva, les joues de nos braves pâlirent.

Je saisis ma massue qui tue d’un seul coup et je devançai mon armée.

Je poussai des cris du haut de mon cheval, de sorte que la terre leur paraissait tourner comme un moulin ; mon armée reprit courage et tous ne pensèrent plus qu’au combat.

Kakoui entendant ma voix et les coups de ma massue qui jouait avec les têtes, vint à moi pour me combattre, semblable à un éléphant furieux et armé d’un long lacet.

Il cherchait à me prendre dans le nœud de son lacet, mais je m’en aperçus et je me détournai du danger.

Je pris dans ma main un arc digne d’un roi et des flèches de peuplier armées d’acier.

Je lançais mon cheval semblable à un aigle courageux, je faisais pleuvoir sur Kakoui des flèches brûlantes comme du feu et je croyais avoir fortement cloué à son casque sa tête pareille à une enclume.

Je vis à travers la poussière qu’il s’élançait comme un éléphant furieux, une épée indienne à la main.

Il me vint en pensée, ô roi, que les rochers mêmes allaient lui demander grâce.

Lui se hâtait, moi je tardais pour voir comment je pourrais le saisir ; et lorsqu’il se précipita sur moi bravement, j’étendis mes mains du haut de mon cheval, je saisis le brave à la ceinture et comme un lion, je l’enlevai de la selle, comme un éléphant furieux je le jetai par terre de manière à briser tous ses os.

Le roi étant ainsi abattu comme une chose vile, son armée s’enfuit du combat.

Les vallées et les hauteurs, les montagnes et les plaines se remplirent de tous côtés de masses d’hommes ; et lorsque l’on compta les morts, on trouva douze mille cavaliers et fantassins couchés sur le sol.

L’armée et le peuple des villes et les braves cavaliers étaient au nombre de trois cent mille ; mais que pèse un ennemi devant ta fortune et devant l’esclave de ton trône ?

Le roi ayant entendu ces paroles, éleva sa couronne fortunée jusqu’à la lune.

Il fit apporter du vin et préparer une fête et se livra à la joie, car il vit le monde délivré de ses ennemis.

Ils abrégèrent la nuit par le festin, ne cessant de porter la santé de Sam.

Lorsque la nuit eut fait place au jour, on ouvrit le rideau du palais et le monde fut admis auprès du roi.

Sam le vaillant chef se présenta devant le puissant roi Minoutchehr.

Le héros sans pareil offrit ses hommages au roi et il allait lui parler de Mihrab et de Zal, lorsque le roi du monde le prévint et commença à en parler dans un sens bien différent, en disant :

Pars d’ici avec l’élite des grands, allume un feu dans l’Hindoustan et brûle tous les palais de Mihrab, roi de Kaboul ; il ne faut pas qu’il t’échappe et que ce rejeton du dragon reste en vie, car il pousserait de temps en temps un cri de guerre et remplirait le monde heureux de combats et de troubles.

Tous ceux qui lui sont alliés, tous les grands qui le servent, tous ceux qui sont de sa famille et de la race de Zohak le magicien, tranche-leur la tête à tous et délivre la terre des partisans de Zohak et de sa lignée.

Voyant la colère et la passion du roi, Sam n’osa dans le moment faire aucune réponse, il baisa le trône, frappa la terre de son front devant le roi illustre, plein du désir de la vengeance et lui répondit :

Je ferai tout ce que je pourrai pour calmer la colère du roi.

Puis, il se dirigea vers son palais avec son armée et avec ses chevaux qui foulaient la route.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021