Lohrasp

Les Dews se déchainent contre Zoroastre 1

...

Quelque temps après ils enlevèrent Zoroastre et le portèrent dans le désert.

Là, ils construisirent un bûcher, qu'ils remplirent de bitume et d’autres matières combustibles : ils y mirent le feu, y jetèrent Zoroastre et allèrent ensuite, transportés de joie, apprendre à Douranseroun ce qu'ils avaient fait.

Dogdo, instruite de ce qui s’était passé, courut au désert, hors d’elle-même.

Elle trouva Zoroastre qui dormait tranquillement.

Le feu était pour lui une eau douce.

Son visage lui parut comme Zohoré (Jupiter) et Moschteri (Venus).

Elle le prit, lui donna cent baisers et le rapporta chez elle.

Bientôt ces merveilles se répandirent.

On sût que le feu n’avait eu aucun pouvoir sur Zoroastre.

Alors les méchants et les Dews se déchainèrent contre lui.

Les Magiciens, par l'ordre de leur Chef, le portèrent dans un chemin étroit, par où les bœufs avaient coutume de passer, comptant que ces animaux le fouleraient aux pieds et le déchireraient : mais lorsque les troupeaux arrivèrent, un taureau plus fort et plus grand que les autres s'avança vers Zoroastre, comme une mère tendre, le tint entre ses jambes, frappant de la corne les bœufs qui s'en approchaient et lorsqu'ils furent tous passés, le taureau laissa l’enfant et alla rejoindre son troupeau.

Ce nouveau prodige fit du bruit et Dogdo, ayant appris où était son fils, le rapporta dans sa maison.

Lorsque Douranseroun sût que les bœufs n’avaient pas même rompu un des cheveux de Zoroastre, il ordonna à ses gens de le mettre dans l'endroit le plus étroit du chemin par lequel passaient ordinairement les chevaux.

Cet ordre fut exécuté.

On jeta l'enfant dans un terrain rompu et brûlé du Soleil : mais cette tentative ne réussit pas plus que les autres.

Les chevaux étant près de Zoroastre, une jument se détacha de la troupe, s'approcha de son oreiller et empêcha les chevaux de lui faire du mal.

Vous eussiez dit que cet animal le garantissait du Soleil.

Dogdo, avertie du danger que courait son fils, alla le chercher et le rapporta encore chez elle, conservant jour et nuit dans son cœur ce qui se passait, comment des milliers de Dews ne pouvaient rien contre celui que Dieu protégeait.

Douranseroun, informé de ce nouveau prodige, vit bien que Dieu prenait soin de Zoroastre.

Il tenta cependant une nouvelle voie : il ordonna à ses gens de chercher l’endroit où les loups gardaient leurs petits, de tuer ces petits et de mettre Zoroastre au milieu d'eux ; afin que les loups dévorants, descendant affamés des montagnes, le missent en pièces.

Cet ordre fut exécuté.

Les loups n'eurent pas plutôt aperçu leurs petits tués à côté d’un enfant qui pleurait, qu'ils s'approchèrent pour le dévorer : mais, par la Puissance divine, aucun ne blessa ni le pied ni la main de Zoroastre.

Cet enfant étendit le bras sur eux et ils fuirent devant lui.

La gueule du loup fut fermée ; et une louve s’assit sur son chevet pendant une heure.

Alors deux brebis vinrent du haut des montagnes et lui présentèrent leurs mamelles pleines de lait.

La Puissance divine fit trouver dans le même lieu le loup et la brebis.

Elles l’allaitèrent ainsi jusqu’au lever du Soleil.

Cependant, Dogdo, saisie de douleur, ignorait où était son fils et remplissait les déserts de ses cris.

Elle aperçut ce loup au haut de la montagne et courut à lui, sans savoir ce qu'elle faisait, croyant qu'il avait dévoré Zoroastre : mais elle le trouva plein de vie et le remporta chez elle, admirant ce qu'elle avait vu, le loup et l’agneau près de Zoroastre.

Parmi les Magiciens était un homme célèbre par ses enchantements, nommé Tourberatorsch.

Ce Magicien voyant ses compagnons découragés, leur dit :

À quoi bon tous ces cris ?

Je sais que nous ne pouvons rien contre Zoroastre : Dieu le protège.

Bahman le conduira au Trône d'Ormuzd, qui lui découvrira tous ses secrets et le rendra le Prophète du Monde entier.

Il y portera la Loi ; et un Roi juste anéantira tous les Magiciens.

Poroschasp l'entendant parler de la sorte, lui demanda :

Que pensez-vous de ce que mon fils ait ri en naissant ?

Tourberatorsch lui répondit :

Que votre cœur soit tranquille ;

rien de pareil n’a jamais paru dans le Monde.

Cet enfant sera un prodige de sainteté : il montrera aux peuples la voie pure.

Ces paroles remplirent de joie le père de Zoroastre.

Poroschasp avait pour voisin un vieillard d’une prudence et d’une sainteté reconnues.

Cet homme vint le trouver au chant du coq et le pria de lui confier Zoroastre, lui promettant d'en avoir soin comme de la fleur la plus tendre et la plus belle.

Poroschasp y consentit et Zoroastre parvint ainsi à l’âge de sept ans, protégé par la gloire d'Ormuzd et sans ressentir le vent brulant d’Ahriman et des Magiciens.

Lorsqu'il eut sept ans accomplis, Tourberatorsch et Douranseroun vinrent ensemble chez Poroschasp pour surprendre son fils par leurs enchantements ; ils multiplièrent la frayeur et opérèrent les prodiges les plus étonnants.

Le peuple était saisi de crainte.

Zoroastre dont toutes les actions avaient Dieu pour objet, resta seul inébranlable, sans sortir de sa place.

Dieu le rendit supérieur à tous les enchantements ; ce qui désespéra les Magiciens et les fit sortir de cette maison.

Quelque temps après Zoroastre eut une maladie, qui inquiéta beaucoup ses amis.

Les Magiciens en furent informés ; et Tourberatorsch leur Chef prépara une médecine, dans laquelle il fit entrer toutes sortes de drogues pures et impures.

Il la porta à Zoroastre, ce Roi de la justice, comptant par là le faire mourir.

Il lui dit :

Prenez ce remède, si vous voulez recouvrer la santé.

Zoroastre reconnut aussitôt que c'était un enchantement, défendu au peuple d'Ormuzd.

Il le prit des mains de cet impie et le jeta à terre, en lui disant :

Âme de boue, je n’ai pas besoin de ton remède.

Exerce contre moi tout ce que tu sais de magie.

Tu as beau changer d’habit ; mon âme te connaît.

Oui le Dieu Suprême te fait connaître à moi, lui qui donne la vie à l’âme et la lui ôte.

La Terre était alors couverte de Magiciens ; et la plupart des hommes oubliant le Créateur du Monde, ne consultaient que les Dews.

Poroschasp, serviteur d'Ormuzd, s'était laissé entraîner au torrent et alliait le culte de Dieu avec le respect pour les Ministres des Dews.

Un jour, il rassembla dans sa maison une troupe des plus habiles Magiciens, tels qu'étaient Tourberatorsch et Douranseroun et leur donna un grand repas.

Conversant avec eux après le festin, il dit à Tourberatorsch :

Vous qui possédez tous les secrets de la Magie, donnez-moi aujourd’hui une recette qui répande la joie dans mon âme.

Zoroastre entendit ce que demandait son père et lui dit :

Ne prononcez pas de paroles vaines ;

vous n’avez pas besoin de pareilles recettes.

Si vous suivez une autre voie, que celle qui est droite, vous irez en Enfer.

Marchez dans celle que montre clairement le Dieu qui a fait tout ce qui existe.

Vous estimez follement les recettes des Magiciens et vous négligez l'œuvre du Dieu du Monde.

La fin des Magiciens sera l'Enfer et la destruction, le fruit de leurs œuvres.

Tourberatorsch lui répondit :

Pourquoi ne gardez-vous pas le silence, beau parleur ?

Qui êtes-vous devant moi, vous et votre père ?

Vous prétendez révéler mon secret.

Jamais sur la terre personne n’a parlé de moi de la sorte.

Eh bien, je vais vous déshonorer partout.

Je décrierai vos œuvres et votre cœur ne sera jamais dans la joie.

Zoroastre lui répondit :

Tes mensonges ne pourront rien contre moi, âme de boue.

Tout ce que je dirai de toi est vrai.

Ce bras te précipitera dans la poussière.

Par l’ordre du Dieu Tout-puissant, je détruirai tes œuvres, j'affligerai ton âme et briserai ton corps.

Ce discours effraya les Magiciens.

Pour ce qui est de Tourberatorsch, vous eussiez dit que son âme était sortie de son corps : il se retira dans sa maison et le chagrin qu’il en eut, lui donna une fièvre violente.

Ce fut ainsi que Zoroastre atteignit l'âge de quinze ans, n'étant pas une heure sans quelque sujet de crainte.

Il passait les jours et les nuits en prières, la tête contre terre, tandis que son corps et son âme étaient en proie à la douleur.

Si quelqu'un était dans le besoin, il le faisait venir en secret, le consolait et soulageait sa misère.

Un homme se trouvait-il mal dans ses affaires, il les arrangeait, lui donnait ses habits, ses propres biens : il distribuait à tout le monde l'or et l'argent qu'il possédait et son nom devint célèbre chez les petits et chez les grands.


  1. Cet épisode est tiré de la Vie de Zoroastre, traduit, de l'orignal Zend du Zend-Avesta, par Anquetil du Perron en 1760.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021