Keï Khosrou

Le Khakan apprend la mort de Kamous

Écoute-moi, ô homme intelligent 1:

Que ta langue ne prononce d’autre nom que celui de Dieu, qui est notre guide dans le bonheur et dans le malheur, qui maintient la voûte du ciel qui tourne, qui a créé l’âme et la raison et que seul on doit adorer.

Tes jours vont s’écouler et un autre monde deviendra ta demeure.

Écoute les paroles que le Dikhan tire d’un ancien livre.

Lorsque le Khakan de la Chine eut appris que Kamous était tombé sur le champ de bataille, le jour devint sombre et la vie amère pour les hommes de Kaschan et de Schikin et pour les braves de Balkh ;

Ils s’approchèrent les uns des autres et se demandèrent qui pouvait être cet homme vaillant et plein d’ardeur pour le combat, quel était son nom et qui dans le monde pouvait lutter contre lui.

Houman dit à Piran au cœur de lion :

Désormais je désespère de la victoire.

Comment nos braves oseraient-ils aller au combat, puisque le vaillant Kamous y a péri ?

Jamais il n’y eut d’homme plus glorieux que lui, jamais cavalier ne mérita autant le nom de héros au corps d’éléphant ;

Et celui qui a pu avec son lacet lier Kamous sur le champ de bataille saisirait au jour du combat un éléphant par la tête et le renverserait.

Il ne nous servirait de rien de parler là-dessus plus longtemps, ne cherchons pas à faire remonter l’eau vers sa source.

Toute l’armée se rendit devant le Khakan, en plaignant le sort de Kamous et en le pleurant.

Piran lui offrit ses hommages et lui dit tristement :

Ô roi plus sublime que le firmament d’azur, tu étais au premier rang de l’armée et tu as entendu et vu le commencement et la fin de ce combat ;

Cherche maintenant un remède à nos maux, cherche-le tout seul et sans consulter personne.

Choisis parmi les espions de l’armée un homme qui sache découvrir un secret, pour qu’il apprenne qui est cet homme au cœur de lion et qui d’entre nous pourra le combattre.

Alors nous exposerons tous notre corps à la mort, en réunissant nos efforts contre cet homme.

Le Khakan répondit à Piran :

J’éprouve le même souci et la même sollicitude ;

Je voudrais bien savoir quel est ce Pehlewan malfaisant qui prend le lion dans le nœud de son lacet.

Au reste, nul ne peut se soustraire à la mort et ni questions, ni prières, ni offrandes ne sauraient en cela nous servir de rien ;

Du moment que nos mères nous ont mis au monde, nous appartenons à la mort et il faut malgré nous lui tendre le cou.

Personne n’échappera à la rotation du ciel, quand même il aurait la force de renverser un éléphant.

Ne vous laissez pas décourager par le sort de celui qui a péri dans le nœud du lacet, car je jetterai dans la poussière avec mon lacet celui qui a tué Kamous et je couvrirai le pays d’Iran d’une mer de sang, selon le désir du cœur d’Afrasiab.

Il réunit autour de lui un grand nombre de héros illustres, d’hommes armés de poignards et de vaillants guerriers et leur dit :

Il faut que vous observiez où se tient ce cavalier qui lance le lacet et tue les braves ;

S’il se tient à la gauche ou à la droite de l’armée.

Sachez aussi de quel pays il est et quel est son nom, ensuite nous préparerons sa perte.


  1. C'est Firdousi qui parle ici au lecteur.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021